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11 oct. 2025 à 09:00
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Deux ans après l’attaque du 7 octobre 2023, et au moment ou un plan de paix se profile entre les deux camps, le podcast "Les Clés" a réalisé une série en trois épisodes qui retrace l’histoire du conflit israélo-palestinien, avec Vincent Lemire, historien, enseignant-chercheur et maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Gustave-Eiffel. Un rappel historique qui permet aussi d’analyser les enjeux actuels de la situation à Gaza.
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Par Sarah Poucet
En trois épisodes, Vincent Lemire repart aux origines de cet affrontement, à la fin du 19e siècle pour arriver jusqu’à la situation du 7 octobre 2023. Un rappel historique nécessaire pour bien saisir les enjeux de ce qu’il se passe à Gaza. En passant en revue cette longue histoire, on peut retenir trois dates clés qui ont servi de terreau à ce conflit ancestral et à la catastrophe géopolitique qui courre depuis deux ans de guerre dans l'enclave palestinienne.
1917, la déclaration de Lord Balfour : la promesse d'une terre pour deux peuples
Pendant la Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman s’allie avec l’Allemagne. La province de la Palestine, qui comprend les actuels territoires israéliens et palestiniens, fait partie de cet empire. Après la défaite allemande et le démantèlement de l’Empire ottoman, ce sont les alliés qui prennent en charge les populations de cet empire déchu et qui supervisent leur prise d’indépendance.
Les Britanniques se voient ainsi confier un mandat de la part de la Société des Nations qui comprend notamment la province de Palestine. Et avant même ce mandat, dès 1917, le ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Balfour, fait une déclaration historique pour la région : il annonce en effet, dans une lettre, le soutien britannique à la création d’un foyer national juif tout en assurant que rien ne sera fait pour porter atteinte aux collectivités non juives existant en Palestine.
Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.
À ce moment, Lord Balfour promet donc un même territoire à deux peuples différents, avec des conséquences dramatiques.
Cette déclaration, le 2 novembre 1917, est hautement stratégique dans le contexte de la Première Guerre mondiale. Lord Balfour a en effet un double objectif. D’abord, faire entrer les États-Unis dans la guerre aux côtés des Alliés, et ce grâce au soutien des communautés juives américaines. Ensuite, encourager les tribus arabes à se soulever contre l’Empire ottoman et se battre ainsi aux côtés des Britanniques. Ces deux objectifs seront donc atteints à court terme. Mais à long terme, c’est une catastrophe souligne Vincent Lemire : "Deux promesses contradictoires à deux peuples sur un même territoire ne peuvent donner qu’une catastrophe géopolitique dont on paye encore le prix aujourd’hui".
► Pour en savoir plus, écoutez l’entièreté du premier épisode de cette série spéciale des Clés ci-dessus ou sur Auvio.
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1947 : le plan de partage de la Palestine
En 1947, l’Assemblée des Nations-Unies discute d’un plan de partage du territoire palestinien entre Israéliens et Palestiniens. Des négociations qui suivent la décision britannique de quitter la région en mai 1948, après l’échec d’un apaisement entre les communautés.
Il est intéressant de se pencher sur la situation démographique de l’époque. En 1947, les Palestiniens représentent 70% de la population et détiennent 85% des terres. Or, le plan de partage proposé par l’ONU octroie 55% du territoire à un État juif. La communauté palestinienne refuse donc en bloc cette idée et pratique la politique de la chaise vide à l’ONU. À l’inverse, la communauté juive a beaucoup à gagner dans ce plan de partition et promet de l’appliquer.
Le plan de partage est finalement voté à l’ONU mais n’est pas reconnu par la communauté arabe. Ce plan leur fait perdre trop de territoires et demande de grands déplacements de population. L'insurrection arabe débute donc dès le lendemain de ce vote et se poursuit en guerre civile puis en guerre interétatique.
Au fil des combats et des années, Israël va conquérir de plus en plus de surface de sorte qu’aujourd’hui, le territoire que réclament les Palestiniens, ne représente plus que 22% de l’ensemble de la Palestine. Il est aussi très morcelé alors que la carte de 1947 prévoyait trois grandes zones palestiniennes reliées entre elles.
► Pour en savoir plus, écoutez l’entièreté du dernier épisode de cette série spéciale des Clés ci-dessus ou sur Auvio.
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2006 : l’élection du Hamas
Après l’assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995 et la mort de Yasser Arafat, ce sont les artisans de la guerre qui vont progressivement prendre le pouvoir, autant en Israël qu’en Palestine. Plus personne ne souhaite continuer le processus de paix lié aux accords d’Oslo.
En Israël, Benyamin Netanyahou devient Premier ministre en 1996. Fils d’un historien révisionniste, il a un rêve : une grande Israël qui s’étendrait de la Mer Méditerranée au Jourdain, voire même jusqu’en Égypte. Et pour y arriver, la seule solution est la force brutale. C’est ce qu’on appelle l’idéologie sioniste révisionniste.
En Palestine, le Hamas est créé au milieu des années 80. Il prend du temps à trouver ses adeptes, mais il profite d’un vide laissé par l’OLP. Lorsque Yasser Arafat s’engage sur la voie de la paix et accepte de limiter le territoire palestinien à 22% de la province initiale, l’OLP se détache de toute une frange de la population nationaliste qui refuse ce compromis et rêve d’une Palestine sur l’entièreté du territoire, sans Israël. La popularité du Hamas augmente au début des années 2000, au point que l’organisation remporte les élections législatives de 2006. Ismaël Haniyeh est nommé Premier ministre par Mahmoud Abbas et chargé de former un gouvernement. Sauf que ce succès électoral ne plaît pas au Fatah de Mahmoud Abbas, ni à la communauté internationale. Et c’est là qu’une erreur stratégique est commise selon Vincent Lemire : "Ismaël Haniyeh c’est la branche politique du Hamas, c’était plutôt quelqu’un de modéré. Le Hamas aurait pu à ce moment-là adhérer à l’OLP. […] Ça n’a pas été le choix qui a été fait. On a accepté les demandes de Mahmoud Abbas, d’étouffer le nouveau gouvernement palestinien. Et s’en est suivie une guerre civile très rapide mais très violente à Gaza en 2007. Et c’est le moment où le Hamas prend le pouvoir dans la bande de Gaza, ce qui nous amène directement à 2023".
► Pour en savoir plus, écoutez l’entièreté du dernier épisode de cette série spéciale des Clés ci-dessus ou sur Auvio.
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