23 avril 2024

Bilan de la guerre entre le Hamas et l’Etat d’Israël, six mois après (2/2)


Par Emile Bouvier
Publié le 18/04/2024 • modifié le 18/04/2024 

• Durée de lecture : 7 minutes

Voir l'article original, dans Les clés de Moyen-Orient https://www.lesclesdumoyenorient.com/Bilan-de-la-guerre-entre-le-Hamas-et-l-Etat-d-Israel-six-mois-apres-2-2.html

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II. Cessez-le-feu et situation humanitaire

La prochaine étape des opérations militaires dans la bande de Gaza devrait donc se trouver à Rafah ; toutefois, les autorités israéliennes n’ont ni l’assurance d’y capturer Yahya Sinwar, que certains disent avoir fui en Egypte en passant par Rafah [1], ni de libérer l’intégralité des otages ; sur les 253 personnes capturées le 7 octobre, 129 seraient encore en captivité [2] et 36 d’entre elles seraient mortes [3]. Dans ce cadre, les négociations se poursuivent bon an mal an entre l’Etat hébreu et le Hamas, sous l’égide des Etats-Unis, de l’Egypte et du art3671 Qatar. Des espoirs de cessez-le-feu sont régulièrement éteints par de nouveaux désaccords de l’une ou l’autre des parties impliquées. Ainsi, à l’heure actuelle, les négociations visant à atteindre un cessez-le-feu se focaliseraient sur la libération de quarante otages israéliens [4], essentiellement des enfants, des personnes âgées ou des personnes malades. Le Hamas aurait toutefois répondu ne pas disposer d’un tel nombre d’otages répondant à ces critères [5] et proposé de réduire le nombre d’otages libérés, poussant les autorités israéliennes à accuser le mouvement palestinien à « continuer à se retirer » des négociations malgré « une offre très raisonnable » [6].

La nécessité d’atteindre rapidement un accord et, surtout, un cessez-le-feu, est motivée par la situation humanitaire critique dans laquelle se trouve les populations palestiniennes ; le 14 février 2024, le sous-secrétaire général pour les Affaires humanitaires des Nations unies affirmait que la crise à Gaza était « la pire qu’il ait connue ces cinquante dernières années », la jugeant davantage critique que la guerre civile en Syrie ou les Khmers rouge au Cambodge [7]. De fait, selon les Nations unies, 85 % de la population de la bande de Gaza a été contrainte d’évacuer son domicile en raison du conflit : pour cause, 62% des logements de l’enclave ont été détruits, ainsi que huit écoles sur dix [8]. Les convois humanitaires ne parviennent que difficilement à atteindre les populations touchées : alors que 500 camions atteignaient Gaza chaque jour avant le 7 octobre, la moyenne journalière en mars était de 161 [9]. Les différents acteurs humanitaires sur le terrain ainsi que l’ONU accusent Israël de bloquer, ou au moins de gêner, l’acheminement de l’aide humanitaire [10]. L’une des conséquences directes s’avère l’insécurité alimentaire et, désormais, la famine : dans le nord de Gaza, les habitants survivent actuellement avec 245 calories par jour en moyenne, soit 12% de leurs besoins journaliers, selon l’ONG Oxfam [11]. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 0,8% des Gazaouis de moins de cinq ans souffraient de malnutrition aigüe avant l’attaque du 7 octobre ; aujourd’hui, dans les gouvernorats du nord, ils étaient entre 12,4% et 16,5% en mars [12].

La situation médicale apparaît elle aussi critique : après les plus de 425 attaques recensées contre des sites de soin (hôpitaux, cliniques, etc.) par l’OMS et la mort de 484 personnels soignants [13], le système de soins n’est quasiment plus opérationnel, avec 28% partiellement fonctionnels et dont la moyenne estimée d’occupation des lits est de près de 323% [14]. La léthalité des frappes israéliennes, tout comme leur intensité, s’explique en partie par l’usage de l’intelligence artificielle (IA) : selon une enquête [15] publiée le 3 avril du quotidien britannique The Guardian, du magazine palestinien +972 et du journal israélien Locall Call, l’armée israélienne a utilisé une base de données alimentée par l’IA surnommée « Lavender » ayant permis d’identifier 37 000 cibles potentielles du Hamas - le ministère israélien de la Défense affirmant le 20 février 2024 avoir éliminé 12 000 combattants palestiniens [16].


III. Un Premier ministre israélien de plus en plus isolé

 En raison de la crise humanitaire qui touche les habitants de la bande de Gaza et du nombre de civils perdant la vie en raison des bombardements, la primature israélienne et ses alliés font l’objet de critiques, y compris de la part de leurs alliés traditionnels, au premier rang desquels les Etats-Unis. En effet, la relation israélo-américaine s’est notablement tendue le 1er avril après la mort de sept travailleurs humanitaires américains de l’ONG World Central Kitchen (WCK) lors d’une frappe israélienne. Les jours suivants, les dissensions entre les deux alliés n’ont fait que croître, les médias relatant un appel particulièrement « tendu » entre le président américain et Benjamin Netanyahou le 5 avril [17]. Le 9 avril, Joe Biden a affirmé pour la première fois qu’Israël commettait une « erreur » à Gaza et qu’il n’était pas d’accord avec l’approche du Premier ministre israélien à cet égard [18] ; ces déclarations se sont montrées d’autant moins anodines que le principal opposant de Benjamin Netayahou, Yair Lapid, était reçu à Washington par le secrétaire d’Etat Anthony Blinken, le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan et divers autres responsables américains [19]. L’Union européenne, par la bouche de son Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borell, a elle aussi condamné les opérations militaires israéliennes, soulignant qu’Israël ne « pourra pas construire la paix avec des moyens militaires » [20].

En-dehors des alliés d’Israël, les pays qui tâchaient jusqu’à maintenant de rester neutres, à l’instar des Emirats arabes unis (EAU) - en raison notamment de la volonté partagée par Tel Aviv et Abou Dhabi de maintenir les accords d’Abraham - tendent eux aussi à se montrer critiques des actions d’Israël. Les EAU ont ainsi annoncé le 4 avril cesser leur coordination avec l’Etat hébreu en matière d’acheminement d’aide humanitaire, en réaction à la mort des sept humanitaires américains à l’égard de laquelle le ministre émirien des Affaires étrangères s’est déclaré « indigné » [21]. Les pays d’Amérique latine, qui entretiennent une relation historique complexe à l’égard d’Israël et des Territoires palestiniens, s’opposent eux aussi de plus en plus à la politique israélienne : la Colombie a par exemple menacé le 26 mars de couper toute relation diplomatique avec Israël si l’Etat hébreu ne se pliait pas à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza [22]. Cette résolution elle-même, d’ailleurs, est une première depuis le début du conflit : son adoption le 25 mars a été permise par l’abstention des Etats-Unis [23], qui bloquaient jusqu’à maintenant, grâce à leur veto, toute résolution contraire à Israël [24]. Quatre jours plus tard, une autre institution internationale venait accroître la pression sur Israël : le 29 mars, les juges de la Cour de justice internationale renouvelaient leur première ordonnance du 26 janvier 2024 et ordonnaient à Israël de garantir l’approvisionnement en nourriture et en eau à la population du Territoire palestinien.

La primature israélienne n’est, toutefois, pas seulement isolée sur la scène internationale : la pression monte également en Israël, alimentée par une gronde populaire croissante. En effet, une partie de la population israélienne déplore aujourd’hui l’incapacité des autorités à libérer les otages malgré des opérations militaires longues et meurtrières dans la bande de Gaza ; le 31 mars, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont ainsi manifesté en Israël dans ce qui est apparu comme la plus grande manifestation organisée depuis le début du conflit le 7 octobre [25]. Depuis, les manifestations se poursuivent : le 6 avril, des rassemblements ont ainsi été recensés dans plus de cinquante villes [26] ; entre autres revendications, les manifestants exigent la démission du Premier ministre et l’organisation d’élections anticipées [27]. Ces manifestations ne sont pas sans provoquer le désaccord des Israéliens soutenant la politique gouvernementale et la guerre à Gaza ; le 7 avril, un automobiliste a ainsi foncé dans une foule de manifestants, blessant légèrement cinq personnes [28]. Si ces manifestations ne devraient pas être de nature à pousser le gouvernement israélien à organiser des élections anticipées, elles témoignent néanmoins des tensions parcourant actuellement la société israélienne et des effets de la guerre sur celle-ci.

Conclusion

La guerre à Gaza se poursuit donc avec autant d’intensité et continue de plonger la population gazaouie dans une crise humanitaire quasi inédite. L’ampleur des opérations militaires israéliennes fait dès lors l’objet de critiques croissantes et isole toujours un peu plus le Premier ministre israélien, tant sur la scène internationale qu’intérieure. Toutefois, les opérations militaires devraient se poursuivre, Benjamin Netanyahou ayant déclaré, au sujet d’une offensive à Rafah, qu’« aucune pression internationale ne nous empêchera d’atteindre tous les objectifs de la guerre » [29]. Outre l’aggravation de la catastrophe humanitaire en cours, une telle opération dans le sud de la bande de Gaza sera de nature à exacerber davantage encore les tensions régionales, tout comme les crispations politiques et sociales en Israël ; la question d’une action diplomatique forte et coordonnée de la part de la communauté internationale visant à établir un cessez-le-feu pérenne apparaît donc toute ouverte mais, pour le moment, encore très lointaine.


Sitographie : 


Pour avoir les liens,Voir l'article original dans Les clés de Moyen-Orient

->   After six months of war, Israel pulls troops out of Gaza and reconfigures its operations, le Monde, 08/04/2024
https://www.lemonde.fr/en/international/article/2024/04/08/after-six-months-of-war-israel-pulls-troops-out-of-gaza-and-reconfigures-its-operations_6667727_4.html 


->   Five rockets fired from Khan Younis at Gaza border communities, hours after IDF withdraws ground troops, The Times of Israel, 07/04/2024
https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/five-rockets-fired-from-khan-younis-at-gaza-border-communities-hours-after-idf-withdraws-ground-troops/ 


->   At least 33,137 Palestinians killed in Gaza offensive since Oct. 7 : Ministry, Al Arabiya News, 06/04/2024
https://english.alarabiya.net/News/middle-east/2024/04/06/at-least-33-137-palestinians-killed-in-gaza-offensive-since-oct-7-ministry

 
->   ‘There are no more words’ – Six months of Israel’s total siege and bombardment of Gaza leaves tens of thousands dead, the healthcare system in ruins, and a starving population, Relief Web, 08/04/2024
https://reliefweb.int/report/occupied-palestinian-territory/there-are-no-more-words-six-months-israels-total-siege-and-bombardment-gaza-leaves-tens-thousands-dead-healthcare-system-ruins-and-starving-population 


->   Over 2% of Gaza’s child population killed or injured in six months of war, Save the Children, 04/04/2024
https://www.savethechildren.net/news/over-2-gaza-s-child-population-killed-or-injured-six-months-war 


->   Israel rocked by largest protests since war began as Netanyahu faces growing pressure, CNN, 01/04/2024
https://edition.cnn.com/2024/04/01/middleeast/israel-protests-netanyahu-intl/index.html 


->   Dozens of people killed as Israel intensifies offensive in southern Gaza’s Khan Younis, NPR, 23/01/2024
https://www.npr.org/2024/01/23/1226265910/israel-gaza-khan-younis 


->   Le leader du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, se cacherait entouré d’otages dans des tunnels sous Khan Younès, Libération, 29/02/2024
https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/guerre-hamas-israel-le-leader-du-hamas-a-gaza-yahya-sinwar-se-cacherait-entoure-dotages-dans-des-tunnels-sous-khan-younes-20240229_CGHBY6UEYJHCFID5B2X4NEC5BE/ 


->   Gazans return to scenes of devastation in Khan Younis, BBC, 08/04/2024
https://www.bbc.com/news/world-middle-east-68764952 


->   WHO transfers critical patients out of Nasser Medical Complex, fears for safety of remaining patients, WHO, 20/02/2024
https://www.who.int/news/item/20-02-2024-who-transfers-critical-patients-out-of-nasser-medical-complex--fears-for-safety-of-remaining-patients 


->   Guerre Israël-Hamas : Tel-Aviv annonce un retrait de troupe du sud de la bande de Gaza, La Croix, 07/04/2024
https://www.la-croix.com/international/guerre-israel-hamas-jour-184-retrait-troupes-sud-khan-younes-20240407 


->   Israel pulls ground troops from Gaza ‘to prepare for future operations’, The Telegraph, 07/04/2024
https://www.telegraph.co.uk/world-news/2024/04/07/israel-pulls-most-ground-troops-out-of-gaza/ 


->   1,500 deaths, 253 hostages, 6 months : Marking half a year since October 7, Jerusalem Post, 07/04/2024
https://www.jpost.com/israel-hamas-war/article-795696 


->   4 chiffres montrant l’impact dévastateur de la guerre à Gaza 6 mois après son déclenchement, BBC, 09/04/2024
https://www.bbc.com/afrique/articles/cl5qy9gppn1o 


->   Guerre Israël-Hamas : Vers une offensive à Rafah ? Ce que l’on sait de la situation à Gaza, The Huffington Post, 09/04/2024
https://www.huffingtonpost.fr/international/article/guerre-israel-hamas-vers-une-offensive-a-rafah-ce-que-l-on-sait-de-la-situation-a-gaza_232421.html 
-

>   Rafah Is Already in a Humanitarian Crisis. Now, an Israeli Offensive Looms., The Wall Street Journal, 13/02/2024
https://www.wsj.com/world/middle-east/rafah-hamas-israel-refugee-crisis-fd06a73d 


->   L’armée israélienne annonce avoir éliminé un commandant du Hezbollah au Liban, Le Figaro, 08/04/2024
https://www.lefigaro.fr/international/l-armee-israelienne-annonce-avoir-elimine-un-commandant-du-hezbollah-au-liban-20240408 


->   Hezbollah Fires More Than 100 Rockets Into Israel, Drawing Retaliation, The New York Times, 12/03/2024
https://www.nytimes.com/2024/03/12/world/middleeast/hezbollah-rockets-israel-lebanon.html 


->   Report : US fears Israel will launch spring offensive against Hezbollah in Lebanon, The Times of Israel, 29/02/2024
https://www.timesofisrael.com/report-us-fears-israel-will-launch-spring-offensive-against-hezbollah-in-lebanon/ 


->   Vast majority of Israelis support new Lebanon invasion : poll, The New Arab, 16/02/2024
https://www.newarab.com/news/vast-majority-israelis-support-new-lebanon-invasion-poll 


->   Israeli military says it has increased its readiness for war in north, Reuters, 07/04/2024
https://www.reuters.com/world/middle-east/israel-launches-strikes-eastern-lebanon-lebanese-security-sources-say-2024-04-06/ 


->   Syrie : un raid imputé à Israël détruit un consulat iranien, 7 gardiens de la Révolution tués, Le Point, 02/04/2024
https://www.lepoint.fr/monde/syrie-un-raid-impute-a-israel-detruit-un-consulat-iranien-a-damas-7-gardiens-de-la-revolution-tues-02-04-2024-2556505_24.php 


->   Iran Has No Easy Options as It Seeks to Avenge Damascus Attack, Bloomberg, 11/04/2024
https://www.bloomberg.com/news/articles/2024-04-11/iran-has-no-easy-options-as-it-seeks-to-avenge-damascus-attack 


->   Israel and U.S. Are on Alert for Iran to Strike Back at Israel, The New York Times, 05/04/2024
https://www.nytimes.com/2024/04/05/world/middleeast/iran-airstrike-syria-funeral.html 
Une « attaque massive » de l’Iran contre Israël est « imminente », préviennent les Américains, Le Figaro, 11/04/2024
https://www.lefigaro.fr/international/une-attaque-massive-de-l-iran-contre-israel-est-imminente-previennent-les-americains-20240411 


->   Golfe d’Aden Washington dit avoir abattu 11 drones des rebelles houthis, la Presse, 10/04/2024
https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient/2024-04-10/golfe-d-aden/washington-dit-avoir-abattu-11-drones-des-rebelles-houthis.php 


->   Israël craint que Sinwar n’ait fui vers l’Égypte, emmenant avec lui des otages (média saoudien), 20/02/2024
https://www.i24news.tv/fr/actu/israel-en-guerre/1708414106-israel-craint-que-sinwar-ait-fui-vers-l-egypte-emmenant-avec-lui-des-otages-media-saoudien 


->   Rare rencontre entre des dirigeants du Hamas et des Houthis, Le Figaro, 16/03/2024
https://www.lefigaro.fr/international/rare-rencontre-entre-des-dirigeants-du-hamas-et-des-houthis-20240316 


->   Hamas tells negotiators it doesn’t have 40 Israeli hostages needed for first round of ceasefire, CNN World, 10/04/2024
https://edition.cnn.com/2024/04/10/middleeast/hamas-israel-hostages-ceasefire-talks-intl/index.html 


->   Israel works to free hostages, without knowing if they are alive or dead, The Washington Post, 10/04/2024
https://www.washingtonpost.com/world/2024/04/10/gaza-hostages-hamas-israel-ceasefire/ 


->   Mossad chief says sides only negotiating to free 40 hostages for now — report, The Times of Israel, 11/04/2024
https://www.timesofisrael.com/mossad-chief-says-sides-only-negotiating-to-free-40-hostages-for-now-report/ 


->   Israel says Hamas keeps ‘walking away’ in Gaza talks, Al Arabiya News, 11/04/2024
https://english.alarabiya.net/News/middle-east/2024/04/11/israel-says-hamas-keeps-walking-away-in-gaza-talks-

 
->   ’Gaza is worst humanitarian crisis I have seen in 50 years’, top UN official says, Sky News, 14/02/2024
https://news.sky.com/story/gaza-is-worst-humanitarian-crisis-i-have-seen-in-50-years-top-un-official-tells-sky-news-13071666

 
->   Israel’s war on Gaza – six relentless months of death and destruction, Al Jazeera, 07/04/2024
https://www.aljazeera.com/news/2024/4/7/israels-war-on-gaza-six-relentless-months-of-death-and-destruction 


->   Gaza : Frustration mounts as UN convoy is blocked outside stricken hospital, United Nations, 27/02/2024
https://news.un.org/en/story/2024/02/1146977 


->   People in northern Gaza forced to survive on 245 calories a day, less than a can of beans – Oxfam, Oxfam, 03/04/2024
https://www.oxfam.org/en/press-releases/people-northern-gaza-forced-survive-245-calories-day-less-can-beans-oxfam 


->   Le nord de la bande de Gaza, assiégé par l’armée israélienne, plonge dans la famine, Le Monde, 06/04/2024
https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/06/dans-le-nord-de-la-bande-de-gaza-un-quotidien-fait-de-survie_6226358_3210.html 


->   ‘The machine did it coldly’ : Israel used AI to identify 37,000 Hamas targets, The Guardian, 03/04/2024
https://www.theguardian.com/world/2024/apr/03/israel-gaza-ai-database-hamas-airstrikes 


->   IDF says 12,000 Hamas fighters killed in Gaza war, double the terror group’s claim, The Times of Israel, 20/02/2024
https://www.timesofisrael.com/idf-says-12000-hamas-fighters-killed-in-gaza-war-double-the-terror-groups-claim/ 
->   ‘Lavender’ : The AI machine directing Israel’s bombing spree in Gaza, +972 Magazine, 28/12/2023
https://www.972mag.com/lavender-ai-israeli-army-gaza/ 


->   Behind the scenes with Blinken and the tense Biden-Netanyahu phone call : Reporter’s notebook, ABC News, 05/04/2024
https://abcnews.go.com/Politics/scenes-blinken-tense-biden-netanyahu-phone-call-reporters/story?id=108888448 


->   Biden says Netanyahu making ’mistake’ on Gaza, Le Monde, 10/04/2024
https://www.lemonde.fr/en/international/article/2024/04/10/biden-says-netanyahu-making-mistake-on-gaza_6667944_4.html 


->   Lapid heads to Washington for high-level talks, amid friction between Israel and US, The Times of Israel, 07/04/2024
https://www.timesofisrael.com/lapid-heads-to-washington-for-high-level-talks-amid-friction-between-israel-and-us/ 


->   EU diplomacy chief says Israel cannot build peace ’only by military means’, Le Monde, 22/01/2024

https://www.lemonde.fr/en/european-union/article/2024/01/22/eu-diplomacy-chief-says-israel-cannot-build-peace-only-by-military-means_6454906_156.html 


->   i24NEWS Exclusive : UAE halts coordination of humanitarian aid with Israel, i24, 04/04/2024
https://www.i24news.tv/en/news/israel/diplomacy/artc-uae-halts-diplomatic-coordination-with-israel 


->   Colombia threatens to break ties with Israel if it doesn’t comply with a UN cease-fire resolution, AP News, 26/03/2024
https://apnews.com/article/colombia-israel-diplomacy-un-cease-fire-resolution-c28da388ca22197b167658ae1a7df493 


->   Gaza : le Conseil de sécurité de l’ONU adopte sa première résolution pour un "cessez-le-feu immédiat", France24, 25/03/2024
https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20240325-%F0%9F%94%B4-en-direct-le-conseil-de-s%C3%A9curit%C3%A9-de-l-onu-va-tenter-de-voter-un-appel-au-cessez-le-feu 


->   US vetoes Algerian resolution demanding immediate ceasefire in Gaza, United Nations, 20/02/2024
https://news.un.org/en/story/2024/02/1146697 


->   Why are thousands protesting against Netanyahu’s government in Israel ?, Al Jazeera, 02/04/2024
https://www.aljazeera.com/news/2024/4/2/israels-protests-amid-mounting-pressure-on-benjamin-netanyahu-all-to-know 


->   Thousands of Israelis protest against government, urging captive deal, Al Jazeera, 06/04/2024
https://www.aljazeera.com/news/2024/4/6/thousands-of-israelis-protest-against-government-urging-captive-deal 


->   Tel Aviv protests : Thousands demand Netanyahu resign, BBC, 06/04/2024
https://www.bbc.com/news/av/world-europe-68752292 
->   Car rams protesters, injuring 5, as large crowds in Tel Aviv demand hostage deal, The Times of Israel, 07/042024
https://www.timesofisrael.com/car-rams-protesters-wounding-5-as-large-crowds-demand-hostage-deal-in-tel-aviv/

Publié le 18/04/2024
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EMILE BOUVIER

Emile Bouvier est chercheur indépendant spécialisé sur le Moyen-Orient et plus spécifiquement sur la Turquie et le monde kurde. Diplômé en Histoire et en Géopolitique de l’Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, il a connu de nombreuses expériences sécuritaires et diplomatiques au sein de divers ministères français, tant en France qu’au Moyen-Orient. Sa passion pour la région l’amène à y voyager régulièrement et à en apprendre certaines langues, notamment le turc.

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Notes

Pour avoir les liens, voir l'article original dans Les clés du Moyen-Orient

[1] https://www.i24news.tv/fr/actu/israel-en-guerre/1708414106-israel-craint-que-sinwar-ait-fui-vers-l-egypte-emmenant-avec-lui-des-otages-media-saoudien
[2] https://edition.cnn.com/2024/04/10/middleeast/hamas-israel-hostages-ceasefire-talks-intl/index.html
[3] https://www.washingtonpost.com/world/2024/04/10/gaza-hostages-hamas-israel-ceasefire/
[4] https://www.timesofisrael.com/mossad-chief-says-sides-only-negotiating-to-free-40-hostages-for-now-report/
[5] https://edition.cnn.com/2024/04/10/middleeast/hamas-israel-hostages-ceasefire-talks-intl/index.html
[6] https://english.alarabiya.net/News/middle-east/2024/04/11/israel-says-hamas-keeps-walking-away-in-gaza-talks-
[7] https://news.sky.com/story/gaza-is-worst-humanitarian-crisis-i-have-seen-in-50-years-top-un-official-tells-sky-news-13071666
[8] https://www.aljazeera.com/news/2024/4/7/israels-war-on-gaza-six-relentless-months-of-death-and-destruction
[9] https://www.bbc.com/afrique/articles/cl5qy9gppn1o
[10] https://news.un.org/en/story/2024/02/1146977
[11] https://www.oxfam.org/en/press-releases/people-northern-gaza-forced-survive-245-calories-day-less-can-beans-oxfam
[12] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/06/dans-le-nord-de-la-bande-de-gaza-un-quotidien-fait-de-survie_6226358_3210.html
[13] https://www.ochaopt.org/content/hostilities-gaza-strip-and-israel-reported-impact-day-180
[14] https://www.emro.who.int/images/stories/Sitrep_-_issue_27.pdf?ua=1
[15] https://www.theguardian.com/world/2024/apr/03/israel-gaza-ai-database-hamas-airstrike
[16] https://www.timesofisrael.com/idf-says-12000-hamas-fighters-killed-in-gaza-war-double-the-terror-groups-claim/
[17] https://abcnews.go.com/Politics/scenes-blinken-tense-biden-netanyahu-phone-call-reporters/story?id=108888448
[18] https://www.lemonde.fr/en/international/article/2024/04/10/biden-says-netanyahu-making-mistake-on-gaza_6667944_4.html
[19] https://www.timesofisrael.com/lapid-heads-to-washington-for-high-level-talks-amid-friction-between-israel-and-us/
[20] https://www.lemonde.fr/en/european-union/article/2024/01/22/eu-diplomacy-chief-says-israel-cannot-build-peace-only-by-military-means_6454906_156.html
[21] https://www.i24news.tv/en/news/israel/diplomacy/artc-uae-halts-diplomatic-coordination-with-israel
[22] https://apnews.com/article/colombia-israel-diplomacy-un-cease-fire-resolution-c28da388ca22197b167658ae1a7df493
[23] https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20240325-%F0%9F%94%B4-en-direct-le-conseil-de-s%C3%A9curit%C3%A9-de-l-onu-va-tenter-de-voter-un-appel-au-cessez-le-feu
[24] A l’instar de celle-ci : https://news.un.org/en/story/2024/02/1146697
[25] https://www.aljazeera.com/news/2024/4/2/israels-protests-amid-mounting-pressure-on-benjamin-netanyahu-all-to-know
[26] https://www.aljazeera.com/news/2024/4/6/thousands-of-israelis-protest-against-government-urging-captive-deal
[27] https://www.bbc.com/news/av/world-europe-68752292
[28] https://www.timesofisrael.com/car-rams-protesters-wounding-5-as-large-crowds-demand-hostage-deal-in-tel-aviv/
[29] https://www.lemonde.fr/en/international/article/2024/03/17/netanyahu-vows-to-invade-rafah-despite-world-pressure_6628800_4.html

26 janvier 2024

Eau et conflits dans le bassin du Jourdain



 Par Hervé Amiot

les clés du Moyen-Orient
https://static.lesclesdumoyenorient.com/Eau-et-conflits-dans-le-bassin-du-Jourdain.html


Publié le 12/12/2013 • modifié le 11/03/2018

Si le bassin du Jourdain ne rivalise pas en taille avec celui du Tigre-Euphrate et du Nil, il est néanmoins le théâtre de conflits peut-être plus nombreux et plus violents. En effet, prenant sa source au Liban, le Jourdain sépare Israël des Etats arabes voisins, Syrie et Jordanie.

EXTRAITS

III – L’eau dans la gestion des territoires palestiniens 

Les représentations autour de l’eau

Pour comprendre pleinement les enjeux conflictuels autour de l’eau, il s’agit de cerner les dimensions symboliques et idéologiques, les représentations à l’œuvre. Dans les processus de construction nationale israélien et palestinien, eau et terre se conjuguent pour tisser la trame des conflits.
Les grands mythes fondateurs des Juifs et des Arabes parlent de l’eau. Le Coran fait référence à l’élément liquide comme stade initial de la création du monde. Dans la Bible, la puissance symbolique attachée à l’eau se retrouve investie dans les fleuves, et particulièrement le Jourdain, perçu comme l’un des épicentres de la manifestation divine.

La force de ces significations symboliques continue de se manifester dans les pratiques socioculturelles. Elles déterminent les fonctions et la valeur attribuées à l’eau. Par exemple, selon Lasserre et Descroix, les Palestiniens se figurent traditionnellement l’eau comme un don du ciel, une ressource illimitée, et sont donc plus enclins au gaspillage. La construction de la nation israélienne est très liée à l’idéal des premiers sionistes, très attachés à la terre, et donc à l’eau. Le kibboutz est un des mythes fondateurs d’Israël : cette exploitation agricole collective marque le lien des pionniers à leur Terre Sainte, à la fois l’exploitation et la défense du sol contre les ennemis. Ainsi, l’eau occupe une place spéciale dans l’imaginaire des Juifs, en lien avec le mythe de cette agriculture pionnière.


***

Rendre le Golan à la Syrie et reconnaitre la souveraineté de l’Autorité palestinienne sur la Cisjordanie semble impossible pour Israël, au vu de la dépendance accrue de l’Etat hébreu envers les ressources hydriques de ces Territoires occupés. L’exploitation de ces ressources continuera donc, malgré l’article 55 du Règlement de la IVème Convention de la Haye, stipulant qu’une puissance occupante ne devient pas propriétaire des ressources en eau et ne peut les exploiter pour le besoin de ses civils. 

La situation des Palestiniens 

L’accord d’Oslo II (1995) stipulait qu’ « Israël reconnaît les droits sur l’eau des Palestiniens ». Or, plus de quinze ans après, cette reconnaissance n’a pas été mise en œuvre. Lassere et Descroix (2010) montrent au contraire que les Palestiniens sont discriminés par rapport aux Israéliens, sur les questions de l’eau.
Les Palestiniens sont facturés au prix de l’eau potable pour leur eau agricole ; les colons Juifs bénéficient de tarifs agricoles et de subventions. La justification étant que les colons juifs ont investi dans de couteuses techniques d’irrigation.

Les Palestiniens doivent obtenir une autorisation spéciale pour creuser tout nouveau puits. Selon l’organisation B’Tselem (Observatoire des Droits de l’Homme dans les Territoires occupés), 17 demandes sur 79 auraient été approuvées, et encore moins auraient été effectivement réalisées. Au final, alors que la population palestinienne a presque triplé de 1975 à 2007, la demande en eau n’a augmenté que de 10%. 

La consommation d’eau est fixée selon des quotas qui affectent les Palestiniens : les 7 millions d’Israéliens ont une consommation par personne quatre fois supérieure aux 4,2 millions de Palestiniens. Les frustrations occasionnées par cette situation peuvent engendrer de la violence à l’encontre des soldats ou des colons israéliens. 

Les terres dont l’autonomie palestinienne, totale ou partielle, est reconnue par Israël au titre des accords d’Oslo, sont situées sur les hauteurs calcaires où l’accès à l’eau est difficile, puisqu’il est nécessaire de creuser profond pour atteindre la nappe. 

L’Autorité palestinienne revendique un accès à l’eau plus important. Elle a longtemps souligné que l’agriculture palestinienne jouait une grande part dans l’économie des Territoires occupés (15% du PIB, 14% de la population active en 2000). En comparaison, l’agriculture israélienne, certes beaucoup plus productive, emploie 2,5% de la population active et produit 3% du PIB. Or, en Israël et dans les colonies, 47% des terres sont irriguées, contre 6% seulement des terres palestiniennes. L’Autorité palestinienne demande actuellement des droits sur 80% de l’aquifère des montagnes, ce qu’Israël ne peut pas concevoir. Ainsi, les négociations de paix restent bloquées en partie à cause du facteur hydrique.

Hervé Amiot
Hervé Amiot est Docteur en géographie, agrégé et ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure (Ulm). Après s’être intéressé aux dynamiques politiques du Moyen-Orient au cours de sa formation initiale, il s’est ensuite spécialisé sur l’espace postsoviétique, et en particulier l’Ukraine, sujet de ses recherches doctorales

Bibliographie :

– AYEB Habib, L’eau au Proche Orient. La guerre n’aura pas lieu, Khartala-Cedej, 1998, 232 p.

– BENDELAC Jacques, « Israël : l’eau à la croisée des chemins », Confluences Méditerranée, n°58, 2006. 
– BLANC Pierre, « L’eau : un bien précieux, des enjeux multiples », Confluences Méditerranée, n°58, 2006.

– LASSERRE Frédéric, DESCROIX Luc, Eaux et territoires. Tensions, coopérations et géopolitique de l’eau, Presses de l’université du Québec, 2011, 492 p.



24 janvier 2024

Alors que tous les regards sont tournés vers Gaza, que devient la Cisjordanie (2/2) ?

Par Emile Bouvier
Les Clés du Moyen-Orient
Publié le 12/01/2024 

Lire la partie 1

Extraits

 III. La colonisation, au cœur du conflit israélo-palestinien (voir l'article complet)

IV. La Cisjordanie à l’heure de la guerre entre Israël et le Hamas

(...) Conduites avec la bienveillante neutralité des forces israéliennes [13], ces actions menées par les colons revêtent tant un caractère de représailles à l’égard de l’attaque du Hamas que de prédation territoriale ; elles consistent en l’incendie de voitures, de maisons et d’attaques armées contre les Palestiniens [14]. Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), entre le 7 octobre et le 30 décembre, plus de 1208 Palestiniens de Cisjordanie, dont 586 enfants, ont été forcés de fuir leur domicile en raison des violences, soit 78% des 1539 personnes ayant été déplacés au cours de l’intégralité de l’année 2023 au sein du territoire cisjordanien [15]. Selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne, 317 Palestiniens auraient été tués par les soldats et colons israéliens en Cisjordanie entre le 7 octobre 2023 et le 1er janvier 2024 [16]. 

L’ampleur des actions commises par les colons contre les Palestiniens en Cisjordanie est telle que les Etats-Unis, l’Union européenne ou encore la France [17], pourtant alliés incontournables d’Israël, ont annoncé au cours du mois de décembre 2023 vouloir sanctionner les responsables de ces violences, le Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, ayant par exemple affirmé être « alarmé par les violences commises par les colons extrémistes en Cisjordanie » et estimé que « le temps était venu de joindre aux mots de l’action » [18].  Washington, de son côté, a annoncé le 5 décembre une interdiction de visa à l’encontre de plusieurs colons israéliens [19]. 

L’accroissement significatif des actions commises par les soldats et colons israéliens, couplé à la situation humanitaire des civils dans la bande de Gaza et la dégradation substantielle des conditions de vie des Palestiniens en Cisjordanie - depuis le début du conflit, un tiers des emplois y aurait été détruit [20] - conduisent un nombre croissant d’habitants à joindre les groupes armés naissant de façon plus ou moins spontanée à travers les territoires palestiniens [21]. Les attaques menées par ces militants palestiniens s’avèrent ainsi de plus en plus nombreuses [22], tandis que les raids israéliens en territoire cisjordanien rencontrent une résistance croissante [23]. 

L’armée israélienne a, en conséquence, déployé des moyens supplémentaires. Le 18 novembre 2023 par exemple, cinq Palestiniens armés ont été tués par une frappe aérienne à Naplouse [24], témoignant de l’usage de plus en plus généralisé [25], par Tel-Aviv, de moyens militaires traditionnellement alloués à la guerre de haute intensité. Le 22 octobre par exemple, pour la première fois depuis la seconde intifada en 2002, l’armée israélienne a employé des avions de combat F-16 afin de conduire des frappes en Cisjordanie [26]. La situation sécuritaire s’y dégrade assez, de fait, pour que plusieurs hauts-responsables militaires israéliens aient averti la primature israélienne, début janvier 2024, du risque de plus en plus fort d’un embrasement du territoire cisjordanien [27], affirmant, selon les propos rapportés par la presse israélienne, que « nous pourrions aboutir à une troisième Intifada [en Cisjordanie] » [28]. 

Au milieu de cette escalade sécuritaire, l’Autorité palestinienne apparaît impuissante et inaudible. Contestée tant sur la scène internationale qu’au sein de la population palestinienne de Gaza et de Cisjordanie [29] (un sondage publié en septembre 2023 indiquait que 78% des Palestiniens sondés souhaitaient le départ de Mahmoud Abbas [30]) en raison de son inaction et des scandales de corruption l’entourant son chef [31], l’Autorité palestinienne figure pourtant comme l’une des options explorées par les Etats-Unis pour administrer Gaza à l’issue de la guerre [32]. La rencontre - apparemment « tendue » selon les sources journalistiques [33] - entre Mahmoud Abbas et le Secrétaire d’Etat américain Antony Blinken à Ramallah le 10 janvier 2024 a semble-t-il entériné l’incapacité actuelle de l’Autorité palestinienne à remplir sa mission, le contenu des discussions ayant porté, notamment, sur le besoin de réformer en profondeur cette institution [34] et sur la nécessité de faire cesser les violences en Cisjordanie [35]. 

Conclusion

La Cisjordanie, pétrie de sa complexité juridique, socio-politique et sécuritaire, apparaît ainsi de plus en plus exposée aux conséquences de l’attaque du Hamas contre Israël : alors que les forces israéliennes ont quadrillé le territoire et multiplient les opérations militaires de façon parfois meurtrière, les colons israéliens s’en prennent également aux civils palestiniens, poussant ces derniers à prendre les armes pour se défendre, faute de pouvoir compter sur une offre politique à même de les protéger. Si un embrasement de la Cisjordanie n’apparaît pas imminent, il reste une probabilité à ne pas exclure au vu de l’évolution de la situation dans les Territoires palestiniens. La capacité des médiateurs du conflit à parvenir à un nouveau cessez-le-feu, comme celle de la communauté internationale à modérer l’intensité des opérations militaires israéliennes - comme les Etats-Unis semblaient être parvenus à le faire le 18 décembre 2023 [36] - se montreront déterminants dans le contrôle de l’escalade sécuritaire en Cisjordanie.

Pour les notes, voir l'article sur Les Clés du Moyen-Orient

A lire sur les Clés du Moyen-Orient : 


– Les implantations israéliennes en Cisjordanie (2) : histoire d’une colonisation depuis 1967


– Israël - Palestine, la troisième Intifada a-t-elle commencé ?


– Hamas, Fatah, Djihad islamique palestinien… Retour sur la mosaïque de mouvements palestiniens 


– Premier conflit israélo-arabe de 1948 


– Le Qatar et l’Egypte, discrets mais incontournables médiateurs de la crise israélo-palestinienne



 

23 janvier 2024

À Bruxelles, la situation des hommes demandeurs d’asile palestiniens devient intenable : "Ils sont à bout"

 1.

Loin de leur pays, sans nouvelles des leurs restés à Gaza ou en Cisjordanie, sans logement stable, ils sont soumis à une précarité physique et psychique alarmante, s'inquiètent des associations du terrain.

Cela fait plus de deux semaines que je n'ai plus aucune nouvelle de ma famille. Elle est à Gaza et il n'y a plus internet là-bas. Je ne sais donc pas ce qu'ils deviennent. C'est cela qui est le plus difficile. Je suis arrivé à Bruxelles il y a plusieurs semaines, je n'y connaissais personne et j'essaye de m'en sortir, mais c'est très dur pour moi." 

Nael a 26 ans. À lui seul, il témoigne de la situation de centaines de ressortissants palestiniens dont les conditions de vie physiques et psychologiques sont de plus en plus précaires dans notre pays.  

Trois mille hommes sans logement stable 

Pour comprendre leur situation, il faut se plonger dans les chiffres issus de l'Office des étrangers. Ces derniers mois, les ressortissants palestiniens ont constitué un des principaux groupes demandant protection à la Belgique. Ils étaient 2 802 à le faire en 2022, et 3249 en 2023 (en troisième position derrière les Syriens et les Afghans).  

Aujourd'hui, plus de 3 000 de ces Palestiniens sont hébergés dans le réseau d'accueil fédéral pour les demandeurs d'asile. Mais l'écrasante majorité des hommes seuls arrivés ces derniers mois vivent dans la rue, dans des squats (un squat accueillant quarante Palestiniens vient de s'ouvrir dans le centre de Bruxelles), dans des hébergements d'urgence établis par la plateforme citoyenne et des associations bruxelloises, ou parmi les places que le Samusocial met à disposition des sans-abri. 

Si aucun accueil stable ne leur est octroyé, c'est qu'au vu du nombre élevé de demandeurs d'asile, le secrétaire d'État à l' Asile et à la Migration, Nicole de Moor (CD&V), a suspendu depuis cet été l'accueil des hommes seuls dans les centres Fedasil ou de la CroixRouge, pour réserver les places aux familles avec enfants. Trois mille hommes seuls isolés sont donc laissés aujourd'hui à leur propre compte. Parmi eux - selon des estimations du terrain-, plusieurs centaines seraient palestiniens. Et c'est leur situation qui inquiète particulièrement de nombreuses associations.  

Un sentiment d’impuissance et d’angoisse 

Coordinateur médical des opérations de Médecins sans frontières en Belgique, Jean-Paul Mangion passe énormément de temps au Hub humanitaire qui accueille et oriente les personnes migrantes au centre de Bruxelles. “J’y rencontre de plus en plus de Palestiniens, confie-t-il, et ils représentent l’essentiel des patients lors des permanences psychologiques. Ils sont dévastés, d’autant plus depuis le début du conflit à Gaza. Beaucoup ont traversé la Méditerranée avec l’espoir de pouvoir offrir une meilleure vie à leur famille depuis la Belgique. Mais en plus d’un accueil indigne dans notre pays, tout le sens de leur démarche est anéanti : ils n’ont désormais plus aucune nouvelle des leurs restés à Gaza, ils se sentent impuissants et vivent dans l’angoisse. Ils sont à bout.” 

Depuis le service de santé mentale Ulysse, spécialisé dans l'accompagnement de personnes exilées, le directeur Alain Vanoeteren partage un constat identique. "Depuis de nombreuses années, des Palestiniens fuient des risques d'emprisonnement, de tortures, de ségrégation ou d'oppressions économiques, sociales et politiques. Certains évoquent comme raison de leur fuite aussi bien le blocus israélien et ses conséquences que la logique liberticide et terrorisante du Hamas. Aujourd'hui, nous rencontrons de nombreux patients palestiniens qui s'inquiètent pour leurs proches restés au pays et dont ils n'ont plus de nouvelles. Ils culpabilisent de ne pas être là. D'autres apprennent le décès de membres de leur famille alors qu'ils vivent eux-mêmes dans la rue ou dans des abris de fortune ici à Bruxelles. C'est difficilement vivable et leur situation est alarmante. Je me demande souvent comment il n'y a pas davantage de manifestations de désespoir. Peut-être ont-ils l'habitude d'être maltraités ... "  

Pour une large application du statut de réfugié  

Dans une note qu'il publiera fin de cette semaine, le Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers) évoque une dernière difficulté qui a touché les Palestiniens arrivés ces derniers mois. Du 20 octobre au 19 décembre, le CGRA (le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides qui octroie l'asile) a suspendu certaines décisions d'octroi ou de refus d'octroi du statut de protection subsidiaire pour les dossiers palestiniens. L'objectif du Commissariat, comme il le fait régulièrement, était de disposer "d'informations objectives suffisantes pour pouvoir évaluer avec précision la situation en matière de sécurité dans les territoires palestiniens". Si le CGRA a repris le traitement de tous les dossiers, ce gel a prolongé les procédures d'asile et suscité "davantage d'inquiétude et d'instabilité psychologique", regrette le Ciré. 

Au vu de cette situation, insiste Alain Vanoeteren, la Belgique doit prendre en considération de manière spécifique la situation des personnes palestiniennes pour qu'elles aient accès aux structures d'accueil et de soutiens psychologiques renforcés et adaptés."  

Alors qu'en 2023, 929 Palestiniens ont obtenu le statut de réfugié (ce qui en fait le cinquième pays au rang des pays dont les ressortissants obtiennent un tel statut), le Ciré et les associations espèrent qu'une large application du statut de réfugié sera octroyée aux Palestiniens originaires de Gaza.  

Bosco d'Otreppe 

La Libre Belgique - jeudi 18 janvier 2024

___________________

2. 

Depuis Gaza, il est devenu impossible de demander un visa humanitaire pour la Belgique

Pour ce faire, les Gazaouis devraient se rendre à Jérusalem ou en Égypte, ce qui leur est impossible. Des avocats citeront ce vendredi l’État belge en justice pour assouplir la procédure.

Depuis le 7 octobre, 244 personnes en moyenne sont tuées chaque jour à Gaza, selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). "Soit un civil ou une civile toutes les six minutes, souligne l'avocate Hélène Crokart, du bureau d'avocats Aradia. Et pourtant, aucune possibilité n'est laissée à cette population d'introduire une demande de visa humanitaire vers notre pays."

Pour déposer une demande de visa humanitaire, la procédure impose à la personne de se présenter physiquement auprès d'un poste consulaire ou diplomatique compétent. Aucune dérogation n'est autorisée, car il y a la nécessité pour les autorités de pouvoir authentifier physiquement la personne et ses documents. Or, depuis le début de la guerre, plus aucun poste consulaire ou diplomatique n'est ouvert dans la bande de Gaza. Pour déposer une telle demande, les Gazaouis devraient se rendre en Égypte ou à Jérusalem, ce qui est impossible à cause de la fermeture des frontières.  

Pour plusieurs avocats, dont Hélène Crokart, cette situation est devenue "indéfendable". Ce vendredi 19 janvier, au tribunal de première instance à Bruxelles, elle citera l'État belge en justice. Elle y représentera plusieurs familles dont certains membres sont reconnus réfugiés en Belgique, mais dont les proches sont empêchés de soumettre une demande de visa humanitaire pour pouvoir quitter Gaza. Un de ses arguments s'appuiera sur le fait que l'État belge permet certaines exceptions: dans le cadre du regroupement familial, il est possible d'introduire une demande de visa par voie électronique. "L'argument de l'authentification physique ne tient donc pas la route, considère l'avocate. L'attitude de l'État belge traduit donc un manque de volonté politique manifeste" envers les résidents de Gaza En fonction des décisions juridiques, ce dossier pourrait donc rebondir ces prochaines semaines.  

Notons que ces derniers mois, les autorités belges se sont efforcées de permettre aux Belges et à leurs familles coincés à Gaza de franchir le poste-frontière de Rafah. Depuis, note Ina Vandenberghe, adjointe du directeur du Centre fédéral Migration Myria, plus de 300 personnes, en majorité des femmes et des enfants ont pu quitter Gaza, et ce, grâce à une intervention des autorités belges et avec l'accord d'Israël ou de l'Égypte. Il s'agissait de personnes dont un conjoint ou un parent résidait en Belgique et qui n'étaient pas forcément belges. "Pour autant, ces évacuations ne sont pas possibles pour un non-Belge dont aucun membre de sa famille immédiate ne réside dans notre pays." 

BdO

 https://www.lalibre.be/belgique/societe/2024/01/18/depuis-gaza-il-est-devenu-impossible-de-demander-un-visa-humanitaire-pour-la-belgique-IT42LG5FMBGHFAUQGAXTCA2FLA/

22 janvier 2024

Des personnalités israéliennes s’inquiètent de l'impunité des auteurs de discours hostiles aux Palestiniens de Gaza

 Dans un long courrier à la procureure générale, d’anciens ambassadeurs, universitaires et parlementaires lui demandent de considérer les discours d’incitation à la haine et aux crimes.


Vincent Braun. La Libre.
Publié le 04-01-2024


Depuis les massacres perpétrés par le Hamas en Israël le 7 octobre, l’opération Épées de fer que l'armée israélienne a lancée en représailles dans la bande de Gaza pour éradiquer le mouvement islamiste s’est accompagnée d’une rare libération généralisée de la violence verbale dans l’espace publique. Une multitude de déclarations appelant à la mort des “terroristes” s’est ainsi répandue à tous les étages de la société israélienne, visant souvent l’ensemble de la population palestinienne du territoire côtier, aujourd’hui détruit en majeure partie selon l’Onu.

Ce discours de revanche, qui incite à commettre les pires crimes et participe à un climat ambiant hostile aux Palestiniens, inquiète nombre de personnalités en Israël. Certaines d’entre elles, d’anciens diplomates et parlementaires, des universitaires, des journalistes et des militants ont adressé un courrier, daté du 28 décembre, à la procureure générale d’Israël, Gali Baharav-Miara. Les auteurs de ce texte d’une dizaine de pages lui demandent de ne plus ignorer ces incitations et de publier leurs observations dans la sphère publique, seules manières selon eux d’enrayer ces propos “qui portent atteinte aux valeurs fondamentales” d’Israël. Sans quoi sa responsabilité pourrait être engagée.

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"Discours public sans précédent" 

Les signataires recensent des déclarations débridées – ainsi que leurs auteurs – rapportées depuis près de trois mois par les médias. Soit autant d’appels et d’incitations à “raser” la bande de Gaza, à “bombarder sans distinction” et “sans pitié”, à “éradiquer (le territoire) de la carte ainsi que ses habitants”, à “exterminer”, “expulser” les Gazaouis en masse, considérés de façon indiscriminée. “Personne n’est innocent dans la bande de Gaza”, a ainsi affirmé le député Yitzhak Kroizer (Force juive). “Il est interdit d’avoir pitié des (gens) cruels, il n’y a pas de place pour des gestes humanitaires”, dira le 16 octobre le député Boaz Bismuth. Sans compter les multiples références aux nazis et même à l’usage de la bombe atomique.

”Ces propos et bien d’autres de la part d’élus s’inscrivent dans une vague de déclarations qui commencèrent déjà le soir de cet horrible sabbat du 7 octobre, et qui a donné naissance à un discours public sans précédent dans lequel les dirigeants, les médias des personnalités, d’anciens militaires et des influenceurs de toutes sortes appellent publiquement à commettre des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et même perpétrer un génocide à Gaza”, déclarent les auteurs. Parmi ceux-ci figurent les ambassadeurs honoraires Ilan Baruch et Elie Barnavi, plusieurs chercheurs renommés comme David Harel, Dan Jacobson et Dmitry Shumsky, les anciens députés Mossi Raz ou Michal Rozin, de même que les influents journaliste Akiva Eldar et militante Susie Becher.

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"Des monstres immoraux"

Les horreurs commises par les militants du Hamas sur les civils israéliens ont plongé la société “dans un traumatisme dont il faudra des années pour guérir”, écrivent les auteurs. “C’est précisément le substrat sur lequel des monstres immoraux sont susceptibles de se développer et se sont développés”. Dès que les premières réactions aux massacres ont été publiées sur les réseaux sociaux, ajoutent-ils dans ce courrier, “le discours israélien a été marqué par une incitation pure et simple, franche, flagrante et débridée aux crimes les plus graves imaginables contre la population civile de la bande de Gaza”. Et ces propos sont “devenus une part légitime et normale du discours israélien”. Et ce, d’autant plus facilement qu’une partie importante de leurs auteurs ne sont pas de simples commentateurs mais des figures médiatiques, des célébrités, d’anciens haut gradés de l’armée, des universitaires, des députés et même des ministres. 

Le courrier rappelle que, dans la mesure où Israël a signé et ratifié la Convention internationale relative au crime de génocide, l’obligation de poursuivre les auteurs de ce crime prévaut. De même, l’incitation à commettre un génocide est aussi considérée comme un crime. Par ailleurs, “faire du mal à des personnes innocentes en tant qu’acte de vengeance […] correspond à la définition d’un acte de terreur comme défini par la loi Anti-terrorisme de 2016”. 

L'envoi de ce courrier à la procureure a coïncidé avec l’annonce du dépôt d’une requête par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice. Elle accuse Israël de se livrer à des actes de génocide contre la population palestinienne de la bande de Gaza.

Israël devant la justice : “Il y a assez d’éléments pour prouver que des actions pouvant constituer un génocide ont été commises”

 L’Afrique du Sud a tenté de démontrer qu’il y avait bien un risque de génocide à Gaza lors d’une première journée d’audience devant la Cour internationale de justice, ce jeudi. Ce vendredi, Israël y exposera ses propres arguments.


Valentin Dauchot
La Libre, Publié le 11-01-2024


Symboliquement, la démarche est évidemment lourde de sens. Septante-cinq ans après son adoption en 1948 suite à la Shoah, la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide est désormais invoquée… contre l’État d’Israël. Le 29 décembre, l’Afrique du Sud a en effet saisi en urgence la Cour internationale de justice (CIJ) basée à La Haye pour “crime de génocide à Gaza”. 

Dans une requête des 84 pages, l’État sud-africain exige notamment d’Israël qu’il “suspende immédiatement ses opérations militaires”, “cesse de tuer et de causer de graves blessures physiques et mentales au peuple palestinien à Gaza”, “cesse d’imposer des conditions de vie qui pourraient entraîner la destruction physique des Gazaouis” et laisse l’aide humanitaire, les experts du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, et les enquêteurs de la Cour pénale internationale entrer dans l’enclave. “Aucune attaque armée sur le territoire d’un État, aussi grave soit-elle […] ne peut justifier une violation de la Convention”, a affirmé devant la Cour le ministre sud-africain de la Justice, Ronald Lamola, ce jeudi. Une seconde journée d’audience, ce vendredi, permettra aux représentants israéliens de plaider leur cause.

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L’intention d’éliminer un groupe


Saisie en référé, la Cour ne s’exprimera pas sur le fond de la question avant plusieurs années, mais peut d’ores et déjà prendre un certain nombre de “mesures conservatoires” afin de protéger la population de Gaza, si elle juge totalement ou partiellement fondées les demandes sud-africaines. “À ce stade, il ne s’agit pas de prouver l’existence d’un génocide, mais la possibilité qu’un génocide se produise”, commente Pierre d’Argent, professeur de droit international à l’UCLouvain et premier secrétaire de la Cour internationale de Justice entre 2009 et 2011. Au plaignant de démontrer l’existence d’une “intention, non pas simplement de tuer, mais d’éliminer un groupe ethnique ou religieux en tant que tel”.

”Sur le plan matériel”, poursuit Pierre d’Argent, “je pense que l’Afrique du Sud a réuni largement assez d’éléments pour prouver que des actions pouvant constituer un génocide ont été commises. Plus de 23 000 morts (23 469 victimes, NdlR), ça suffit, il ne faut pas attendre un million de décès. S’agissant de l’intention, les plaidoiries de ce jeudi ont été assez éloquentes. Beaucoup de déclarations israéliennes officielles pointent vers de possibles violations de la Convention sur le génocide. Au début de l’opération militaire, Benjamin Netanyahou a notamment fait référence à la Bible devant ses troupes en évoquant l’épisode d’Amalek, lors duquel le peuple juif tue son ennemi, femmes et enfants inclus”. Son ministre de la Défense, Yoav Gallant, a quant à lui déclaré publiquement “nous combattons des animaux humains […] Nous agissons en conséquence”. “Soit une déshumanisation typique d’un discours génocidaire”, constate le professeur de droit international de l’UCLouvain.

 Israël vient se défendre

”L’Afrique du Sud a donc de bonnes chances d’obtenir certaines mesures conservatoires”, ajoute-t-il, “mais pas forcément celles qui ont été demandées. Je pense que la CIJ ordonnera le contrôle du discours public, l’incitation au génocide étant interdite. Mais il n’est absolument pas certain qu’elle exige une cessation des hostilités”. Israël, qui a qualifié jeudi l’Afrique du Sud de “bras juridique de l’organisation terroriste Hamas” et crie à l’antisémitisme, semble toutefois prendre la procédure très au sérieux.
L’État hébreu a dépêché sur place l’ancien président de sa Cour suprême – Aharon Barak – pour présenter sa version des faits, et fera valoir ses arguments ce vendredi pour balayer toute intention génocidaire. “Israël est en communication avec des chefs de quartiers à Gaza et leur ordonne de quitter les bâtiments deux heures avant de bombarder, l’armée envoie des prospectus avant de frapper,… Ils vont mettre en avant un certain nombre de mesures factuelles telles qu’exigées d’un belligérant”, commente Pierre d’Argent. “On peut imaginer que la Cour interdise de bombarder les hôpitaux dans le respect le plus strict du droit humanitaire, mais Israël va certainement apporter des preuves de l’existence de tunnels du Hamas sous les hôpitaux et de caches d’armes au sein même de ces hôpitaux, ce qui en fait des objectifs militaires légitimes au sens du droit international humanitaire. On entre dans un jeu de proportionnalité assez cynique, mais c’est un débat judiciaire contradictoire : chacun présente ses preuves et des juges indépendants décident sur base des règles de droit”.

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Quelle est la portée de la décision ?


Quelles que soient les mesures adoptées par la Cour, celles-ci ont une valeur contraignante. En cas de manquement israélien, le Conseil de Sécurité des Nations unies pourrait être appelé à adopter un certain nombre de sanctions. Ce qui illustre de facto les limites de la démarche : en cas de (probable) veto américain, la CIJ n’a aucun moyen de faire appliquer sa décision. 

”Il n’y a effectivement pas de force de police internationale pour forcer une mise en œuvre”, concède Pierre d’Argent. “Mais cela ne veut pas dire que l’ordonnance de la Cour internationale de justice sera dénuée d’effets. La Cour essaye toujours d’adopter une ordonnance la plus large possible. Ça dilue parfois un peu son contenu, mais s’il y a une décision claire, je vois mal les États-Unis mettre un veto. D’autant plus que la Présidente de la Cour est américaine. Quand la Cour se prononcera sur le fond du dossier, dans un deuxième temps, l’Afrique du Sud pourra par ailleurs demander des comptes tant pour violation de la Convention sur le génocide, que pour une violation éventuelle des mesures conservatoires, et ainsi obtenir des réparations sur cette base pour Gaza”. “Enfin”, conclut-il, “il s’agit un exercice d’alerte et de délégitimation auprès de l’opinion publique. Beaucoup d’États ont déjà dit qu’ils soutenaient l’Afrique du Sud. Ça ne résout pas tout, mais cela peut constituer un élément supplémentaire de pression politique, judiciaire et publique sur Israël”.

https://www.lalibre.be/international/2024/01/11/israel-devant-la-justice-il-y-a-assez-delements-pour-prouver-que-des-actions-pouvant-constituer-un-genocide-ont-ete-commises-LXDAY3HXNJDDHIQQWK2PRF7KVE/

21 janvier 2024

Pourquoi une intervention belge devant la Cour internationale de justice se justifie


Comme l’Afrique du Sud, la Belgique a le devoir de tout faire pour prévenir et punir le génocide ainsi que l’incitation au génocide. Partie contractante de la Convention sur le génocide, la Belgique a l’obligation d’intervenir dans cette procédure.

La Libre, Contribution externe. Publié le 17-01-2024

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Tribune d’un collectif de professeurs de droit international (voir la liste ci-dessous)

La semaine dernière, l’Afrique du Sud et Israël ont comparu devant la Cour internationale de Justice à La Haye. L’accusation ? Génocide. Israël serait, selon la requête introductive d’instance, responsable pour la commission d’un génocide, l’incitation à commettre un génocide, la complicité à la commission d’un génocide et le manquement à la prévention d’un génocide à Gaza. Alors que la Cour internationale de Justice examine actuellement la question de savoir si Israël doit cesser les hostilités, de plus en plus d’États prennent position sur la signification de l’interdiction du génocide, y compris l’incitation au génocide, et sur la manière dont La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 doit être appliquée. En tant qu’experts et expertes en droit international, nous pensons que la Belgique pourrait jouer un rôle crucial dans cette affaire et contribuer utilement à la procédure devant la Cour internationale de Justice.

Une “crise de notre humanité”

Depuis le début de la guerre à Gaza, qui a suivi les crimes atroces du matin du 7 octobre perpétués par le Hamas, des dizaines de milliers de civils palestiniens ont été tués : tués par des bombardements sur des quartiers résidentiels, des camps de réfugiés et des hôpitaux ; tués par la famine orchestrée lors du siège de Gaza ; tués par la destruction totale des approvisionnements en eau et des infrastructures médicales, par la maladie et la privation dans une région où, selon le Secrétaire général de l’ONU, “il n’y a nulle part de sûr”. Dix mille enfants sont morts au cours de cette guerre d’un peu plus de cent jours. Des milliers d’autres sont mutilés, en fuite, sans-abri, affamés, psychologiquement perturbés. Le Secrétaire général des Nations Unies a tiré la sonnette d’alarme en parlant d’un “risque sérieux d’effondrement du système humanitaire”. C’est une guerre avec de nouveaux acronymes. WCNFS : Enfant blessé, famille sans survivant. Face à une “crise de notre humanité”, selon l’ONU, une “souffrance insupportable” et un “échec moral” selon le Comité international de la Croix-Rouge. 

Depuis le début de la guerre, lorsque le ministre de la Défense d’Israël a annoncé la lutte contre des “animaux humains”, les juristes ont attiré l’attention sur les violations du droit international à l’occasion des opérations militaires israéliennes. Le blocus de l’eau et de la nourriture, les bombardements causant d’innombrables pertes civiles, la destruction du patrimoine culturel palestinien ou l’ordre d’évacuation massive – décrit par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une “sentence de mort pour les malades et les blessés” sont tous des éléments constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Au vu de l’adhésion de l’État de la Palestine à la Cour pénale internationale, ces crimes potentiels, tout comme ceux clairement commis par le Hamas le 7 octobre, peuvent être examinés par la Cour (bien qu’Israël refuse d’adhérer à son Statut). Le gouvernement belge a pris une position forte et nécessaire en allouant 5 millions d’euros à la Cour pénale internationale pour soutenir cette enquête, démontrant ainsi son engagement à voir le droit international respecté, même en temps de guerre. Il n’y a pas de raison qu’il en aille autrement pour la procédure en cours devant la Cour internationale de Justice.
Un génocide à Gaza ? 

En tant que juristes experts ou expertes en droit international, nous croyons que cet engagement devrait se traduire aujourd’hui par une intervention devant la Cour internationale de justice pour déterminer l’interprétation correcte de la Convention sur le génocide et des obligations pesant sur les Etats parties, y compris Israël. Le risque de génocide a été signalé dès le 19 octobre et à nouveau le 16 novembre par de nombreux rapporteurs spéciaux des Nations Unies. Il est essentiel de distinguer ce crime des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (sur lesquels la Cour internationale de justice ne peut pas se prononcer). Ce qui rend le crime de génocide unique, c’est l’intention spécifique de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, religieux ou racial “commetel” (ce qu’on appelle le dolus specialis ou l’intention génocidaire). C’est en raison de cette intention spécifique que le génocide se distingue des autres violations du droit international.

Une telle intention est évidemment toujours extrêmement difficile à prouver. Comme l’affirme très justement l’Afrique du Sud, “les génocides ne sont jamais déclarés à l’avance”. C’est pourquoi le dolus specialis est généralement déduit d’une “ligne de conduite”. Cependant, dans le cas présent, un élément particulier et peu courant est frappant : ce dolus specialis pourrait être déduit des nombreuses déclarations des dirigeants politiques d’Israël. En effet, le Premier ministre et le Président d’Israël, certains ministres et de nombreux députés ont exprimé l’intention de “tout éliminer” et de réaliser une “nouvelle Nakba” (l’expulsion massive et violente des Palestiniens) qui éclipserait celle de 1948. Netanyahu lui-même a invoqué une référence biblique, Amalek, dans laquelle on peut lire : “N’épargnez personne, mais tuez aussi bien les hommes que les femmes, les enfants en bas âge et les nourrissons, les bœufs et les moutons, les chameaux et les ânes”. Cette référence n’est pas anecdotique car elle a été reprise et chantée par les soldats israéliens qui, à cette occasion, ont également souligné qu’il n’y avait pas de civils palestiniens à Gaza qui n’étaient pas impliqués (un extrait vidéo a été montré et expliqué lors de l’audience à La Haye). 

À la lumière des images que l’on a pu voir ces derniers mois, ce langage montre l’existence d’un risque d’une violence génocidaire ainsi que de possibles incitations au génocide, lesquelles sont également interdites par la Convention sur le génocide. C’est un point extrêmement important qu’il nous faut souligner : Israël est accusé non seulement de commettre un génocide, mais aussi de ne pas avoir empêché un génocide, d’inciter au génocide et de laisser impuni un langage génocidaire. Ces autres violations potentielles de la Convention sur le génocide sont distinctes de la question de savoir si les crimes commis à Gaza peuvent être qualifiés de génocide. Mais ces autres violations sont tout aussi fondamentales et méritent la plus grande attention.

Une intervention belge

Quel est le lien entre cette tragédie et la Belgique ? La Convention sur le génocide de 1948 crée des droits et des devoirs particuliers. Les parties au traité ne sont pas seulement liées par l’interdiction du génocide, mais ont également le “devoir d’agir” dès qu’elles ont connaissance de l’existence d’un risque sérieux que le génocide soit commis. Comme l’Afrique du Sud, la Belgique a également le devoir de tout faire pour prévenir et punir le génocide ainsi que l’incitation au génocide. Intervenir dans cette procédure est, pour la Belgique, une nécessité que lui prescrit l’obligation de prévention contenue dans la Convention. 

Le crime de génocide est considéré comme tellement grave que tout État (partie au traité) peut saisir la Cour internationale de justice pour faire respecter la Convention (même si l’État n’est pas directement affecté par la violence concernée). C’est pour cela que l’Afrique du Sud a pu justifier son intérêt juridique à agir dans cette affaire. Une fois qu’une affaire est introduite devant la Cour internationale de justice, toute partie au Statut de la Cour peut, en vertu de l’article 63, intervenir dans la procédure. Au vu des éléments mentionnés plus haut, la Belgique se doit d’utiliser cette possibilité, en mettant l’accent sur la prévention du génocide et l’interdiction de l’incitation au génocide, aujourd’hui et à l’avenir. 

Il existe plusieurs points sur lesquels l’intervention de la Belgique peut se focaliser. Premièrement, la Belgique a toujours souligné l’importance de protéger l’infrastructure humanitaire à Gaza – pour éviter la faim et punir la violence contre les services médicaux. Médecins Sans Frontières constate que “le système de santé s’est effondré” et que les hôpitaux sont devenus “des morgues et des ruines”. Une intervention devant la Cour internationale de justice pourrait avoir l’avantage de mettre en lumière la catastrophe humanitaire en cours en la présentant comme l’un des actes matériels sous-jacents au génocide au titre de “l’imposition délibérée de conditions de vie visant à la destruction physique totale ou partielle du groupe”. Cette intervention aurait le mérite de clarifier cet aspect essentiel du génocide.

Deuxièmement, l’intervention de la Belgique permettrait de contribuer à clarifier d’importantes questions juridiques concernant notamment l’état du droit sur l’intention génocidaire. Alors qu’Israël soutient qu’il n’y a pas de plan génocidaire cohérent et manifeste et que seuls des objectifs militaires sont en jeu, les citations et les actions citées par l’Afrique du Sud suggèrent un schéma systématique de déshumanisation. Il est vrai que, dans la jurisprudence de la Cour, une attention de plus en plus grande a été accordée à de tels modèles. L’intention génocidaire ne doit pas nécessairement découler d’un plan central. Cela laisse place à une très grande incertitude sur l’interprétation du critère d’intention génocidaire. Il serait utile pour cette affaire ainsi que pour le futur de clarifier les critères de détermination de l’intention génocidaire.
Enfin, il y a d’importantes questions sur l’application de la Convention sur le génocide dans le contexte d’un conflit armé. Dans sa défense devant la Cour internationale de justice, Israël invoque le droit à la légitime défense pour justifier la violence. Cependant, il est important de noter que, indépendamment de la question de savoir si le droit international à la légitime défense s’applique ici, ce droit ne procure en aucun cas le droit à commettre quelque crime que ce soit contre une population civile. Il est impératif de le rappeler dans la procédure en cours. 

Sur chacun de ces points, la Belgique peut apporter une contribution cardinale, en clarifiant le sens à donner aux obligations découlant de la Convention sur le génocide, dans son intérêt et celui de tous les États, et en assumant ainsi ses responsabilités internationales.

Démonter des idées fausses

Dans la presse, dans les débats politiques, et sur les réseaux sociaux, de nombreuses opinions déformant le droit international sur des points cruciaux ont été entendues récemment. Il nous faut démonter quelques idées fausses et simplistes s’agissant d’une possible intervention dans la procédure en cours devant la Cour internationale de Justice. 

(i) Une intervention en vertu de l’article 63 n’implique en aucun cas qu’un État prenne parti dans le conflit auquel il participe. L’intervention belge n’a pas besoin de se rallier à l’Afrique du Sud, mais peut se concentrer sur le respect et l’interprétation de la Convention sur le génocide dans le contexte d’une crise humanitaire urgente. Il s’agit d’une intervention dans l’intérêt du droit international, et pas dans celui de l’Afrique du Sud. 

(ii) Une intervention soulignant les obligations d’Israël en vertu de la Convention n’est pas une justification pour le Hamas. Il faut rappeler que le Hamas, en tant qu’organisation non étatique, ne peut pas être tenu responsable devant la Cour internationale de justice. Les crimes atroces qu’a commis le Hamas ne justifient en aucun cas une éventuelle violation de la Convention sur le génocide par Israël. Rappelons d’ailleurs que l’enquête de la Cour pénale internationale, soutenue par la Belgique, concerne également les crimes du Hamas. 

(iii) L’accusation contre Israël n’implique aucune analogie avec l’Holocauste. Cette analogie n’est ni nécessaire ni pertinente sur le plan juridique et empoisonne toute analyse. Elle doit être évitée. 

(iv) Cette intervention ne porte pas sur le droit à la légitime défense d’Israël. L’analyse juridique de ce droit doit être faite par ailleurs mais elle est distincte de la responsabilité d’Israël en vertu de la Convention sur le génocide. 

L’affaire devant la Cour internationale de justice pose une question urgente sur le plan juridique et moral à chaque partie contractante de la Convention sur le génocide. Il est du devoir de la Belgique d’honorer son obligation, en vertu de la Convention sur le génocide, de prévenir le génocide et donc d’agir compte tenu du risque de génocide à Gaza aujourd’hui.


⇒ Les signataires : Prof. Dimitri Van Den Meerssche (Queen Mary University of London), Prof. Jean d’Aspremont (Sciences Po Paris), avocat Paul Bekaert, Prof. Eva Brems (UGent), Prof. Olivier Corten (Université Libre de Bruxelles), Prof. Koen De Feyter (Universiteit Antwerpen), Prof. Jérôme de Hemptinne (Universiteit Utrecht), Prof. Olivier De Schutter (UCLouvain), Prof. Tine Destrooper (UGent), Prof. François Dubuisson (Université Libre de Bruxelles), Prof. Ludovic Hennebel (Aix-Marseille Université), Dr. Brigitte Herremans (UGent), Dr. Mathias Holvoet (Universiteit van Amsterdam), Prof. Pierre Klein (Université Libre de Bruxelles), Prof. Anne Lagerwall (Université Libre de Bruxelles), Prof. Sylvie Sarolea (UCLouvain), Prof. émérite Françoise Tulkens (UCLouvain), Prof. Raphaël van Steenberghe (UCLouvain), Prof. Wouter Vandenhole (Universiteit Antwerpen), Kati Verstrepen (Présidente de la Liga voor mensenrechten).
 

Les trois stades d’une descente aux enfers à Gaza

Une opinion de François Ost, Prof. ém. UCLouvain-St-Louis-Bruxelles, membre de l’Académie royale de Belgique

 
Qui, en Israël, se lèvera pour emboîter le pas aux quelques ONG courageuses qui proclament “not in my name” ? Qui, en Occident, s’écrira “pas de cela avec mon argent et mes armes ?”

La Libre, contribution externe, Publiée le 13-01-2024 

 L’enfer de Dante compte neufs cercles, chacun représentant un stade plus avancé de déréliction. N’ayant pas la puissance d’imagination du poète italien, je me contente de parler de trois cercles de la violence pour caractériser l’impensable qui se déroule sous nos yeux :
1. La violence légale exercée par les autorités publiques dans un cadre juridique; Max Weber la qualifie de “légitime”.
2. La violence du talion qui exprime la justice qu’on se fait à soi-même; René Girard explique que, comme la stratégie du bouc émissaire, si elle représente une régression par rapport à la violence légale, elle est cependant le premier sursaut de civilisation par rapport au troisième cercle.
3. La violence déchaînée, sans cadre aucun, qui procède des pulsions les plus primitives; le seul à en parler vraiment est Sade, et pour cause. On aura compris que la situation dans laquelle le Moyen-Orient s’enfonce depuis le 7 octobre procède d’une telle descente aux enfers. Je reprends. 

La violence légale 

La vie sociale – qui le contesterait ? – est tissée de conflits. Loin d’ignorer ces conflits, le droit leur donne voix, leur offrant ainsi les moyens d’un dépassement pacifique. Dans ce cadre, l’autre est un adversaire à vaincre, mais pas un “tout autre” à annihiler. Ainsi le droit international public comporte une branche relative au droit de la guerre, sous ces deux aspects : le ius ad bellum réglant les conditions de légalité de l’entrée en guerre, et le ius in bello fixant la manière légale de la conduire. Plus récemment, il s’est enrichi de multiples conventions relatives au droit humanitaire.
Chacun réalise que cet encadrement juridique, celui du tiers impartial, a été bafoué depuis le début ; c’est évident en ce qui concerne les pogroms terroristes du 7 octobre ; quant à l’État d’Israël, s’il peut évidemment se revendiquer d’un droit de légitime défense, encore faut-il qu’il s’exerce dans le respect du principe de proportionnalité sur lequel il se base. Le droit est donc comme suspendu pour le moment ; il ne faut évidemment négliger aucun effort pour sa restauration immédiate. 

La violence du talion 

On pourrait croire alors que la riposte de Tsahal relève d’une régression à la loi du talion – du tiers, on passerait au duel, le face-à-face binaire. Dans nos sociétés de droit, cette justice que l’on se fait à soi-même a mauvaise presse. Et pourtant, elle représente un progrès, un vrai seuil civilisationnel par rapport à la violence déchaînée du troisième cercle. Les textes sacrés, notamment la Torah, reflétant le doit primitif de ces régions du Moyen-Orient, la valorisent. Progrès en effet, dès lors qu’un seul œil est exigé pour la perte d’un œil, et une dent seulement pour une dent perdue. Une logique compensatoire, qu’évoquent encore la justice rétributive moderne et le symbole de la balance, en limite strictement l’exercice. Dans l’urgence et l’indignation des lendemains du 7 octobre, vu aussi la difficulté d’identifier un adversaire “officiel”, c’est sans doute cette logique du talion qui a conduit les États-Unis à accorder un blanc-seing relatif à Israël – et ce, sous la protection de leurs porte-avions. Le talion fait partie de ces stratégies collectives que les peuples ont progressivement mises au point pour contenir le déferlement de la violence aveugle du troisième cercle ; la stratégie du bouc émissaire qu’analyse René Girard relève de la même intention. Il reste que, comme la mise en œuvre du talion est laissée à l’initiative et à l’appréciation des victimes, on devine la difficulté de la contenir dans ces limites strictes. C’est précisément ce à quoi nous assistons à Gaza – inutile de documenter les chiffres : ils sont obscènes et offensent l’idée même d’humanité (un homme = un homme). La descente aux enfers se poursuit : on régresse au troisième cercle.

La violence déchaînée

Ici, plus de cadre, plus de mesure ; on a régressé à un stade infra-civilisationnel. Du régime duel on passe à l’hégémonie du soi et du même qui nie l’autre radicalement. Cette violence déchaînée relève d’une pulsion de mort absolument primitive ; c’est Sade qui en parle le mieux, parce qu’il la fantasme et l’appelle de ses vœux. Il montre bien qu’elle relève de forces “biologiques” non contrôlées (les Grecs parlaient de “bia”) et s’apparente à un gigantesque tsunami ou une immense éruption volcanique – aucune barrière qui tienne. Fait essentiel à relever : cette violence aveugle qui s’exerce sur le corps de l’autre se retourne aussi contre le corps propre – sadisme et masochisme sont liés. Les terroristes du Hamas savaient parfaitement qu’ils exposaient eux-mêmes et les leurs à des représailles terribles. Quant à Netanyahu, s’il anéantit indistinctement les Gazaouis, il violente aussi moralement son peuple et son armée. Prévaut alors l’indistinction totale des protagonistes : la victime est tombée dans le piège que son bourreau lui tendait : elle ne s’en différencie plus. A ce stade, Thanatos mène le bal, parfois au prix de noces infernales avec Eros – ici l’amour dévoyé du dieu, ou de la patrie sacralisée, au nom desquels on s’autorise ces massacres.
Une course à tombeau ouvert. J’ai la certitude que la politique menée par le gouvernement Netanyahu relève de cette folie (même si en elle s’explique aussi par la volonté même plus cachée de recoloniser la bande de Gaza) : une course à la mort – au premier chef, celle des Palestiniens, bien entendu, mais aussi, à terme, celle de ses compatriotes. Avec, dans l’immédiat, la perte du crédit moral dont la démocratie israélienne a bénéficié jusqu’ici, en Occident à tout le moins. Ce crédit, déjà sérieusement entamé avec la colonisation sauvage de la Cisjordanie, se dilapide aujourd’hui à une vitesse impressionnante. Tous les termes du débat, y compris les plus tabous, comme celui de “génocide” se retournent dans cette confusion mortifère générale. À ce point de mobilisation des forces inconscientes collectives, la situation n’est plus sous contrôle ;
on peut craindre d’ailleurs d’en voir le résultat dans les urnes américaines en novembre prochain. S’installerait alors un nouveau “désordre mondial”, mené par les apprentis sorciers qu’on connaît.


Qui, en Israël, se lèvera pour emboîter le pas aux quelques ONG courageuses qui proclament “not in my name” ?
Qui, en Occident, s’écrira “pas de cela avec mon argent et mes armes ?”

09 novembre 2023

« Anti-israélien » ?

BILLET DE BLOG 7 NOVEMBRE 2023

https://blogs.mediapart.fr/thomasvescovi 


Quiconque essaie, depuis un mois, de replacer les crimes du Hamas commis en Israël le 7 octobre dans la temporalité de la guerre coloniale entre Israël et les Palestiniens se voit accusé d’être « anti-israélien ». Je crois précisément que c’est le contraire.

Thomas Vescovi

C ce soir - France 5 - 13 septembre 2023
 Historien, chercheur indépendant, spécialiste d'Israël et des Territoires palestiniens occupés, et enseignant d'histoire-géographie dans le secondaire.

L’image est saisissante : des civils palestiniens, drapeaux blancs levés, franchissent les barrages de l'armée israélienne dans la bande de Gaza, emportant avec eux quelques affaires. Elle rappelle ces photographies prises en 1948 lors de l'exil forcé de près de 800 000 Palestiniens. L'histoire s'écrit sous nos yeux dans un drame humanitaire sans précédent, en toute impunité.

À l’heure où ces lignes sont écrites, le bilan humain des bombardements israéliens sur la bande de Gaza avoisine les 10 000 victimes, dont une large majorité de femmes et d’enfants, mais aussi 35 journalistes. Au moins 2 000 personnes sont encore portées disparues sous les décombres. Deux cent écoles ont été touchées et 76 centres de soins. Le nombre de déplacés s’élève à 1,4 million, avec une aide humanitaire qui arrive au compte-goutte. Les médecins rapportent être contraints d'opérer sans anesthésie : césarienne, amputation... Bientôt, d'après les ONG, certains Palestiniens de Gaza pourraient mourir, non des attaques israéliennes, mais de faim et de soif.

Côté israélien, 1300 personnes ont été tuées le 7 octobre, dont 348 membres des forces de sécurité, soit une large majorité de civils, essentiellement Israéliens, mais aussi des touristes et des travailleurs étrangers. Pour l’heure, il est établi que 241 personnes sont détenues en otage dans la bande de Gaza. « Renversement de table », « changer la donne », « répondre à l’oppression » : tous les motifs utilisés pour tenter d’expliquer l’opération du Hamas se confrontent aux images et aux récits qui illustrent les actes innommables perpétrés pendant cette journée. Dans les heures qui ont suivi, les appels à se tenir aux côtés d’Israël se sont multipliés. Pourtant, quiconque tendait l’oreille pouvait entrevoir le second drame qui allait se produire.

« Animaux humains », « barbares contre civilisés », « enfants des ténèbres », « il n’y a pas de civils innocents », « nous cherchons à causer des dégâts, pas la précision »… Ces termes qui s'apparentent à des appels génocidaires, employés par des dirigeants israéliens, démontrent à quel point l’ensemble des Palestiniens sont tenus responsables des crimes.

Caution aux crimes contre l’humanité

Après plus de huit années à étudier les gauches israéliennes, à rencontrer une part importante du milieu militant anticolonial israélien, je partage avec ce courant une conviction : le sort des Israéliens et des Palestiniens doit être pensé ensemble, d’égal à égal, et non l’un au détriment de l’autre.

Alon-Lee Green, co-directeur du mouvement arabo-juif israélien Standing Together, affirmait il y a plusieurs mois : « Savez-vous combien de fois ils ont déjà « éliminé » les chefs du Jihad islamique ou du Hamas ? Combien de fois ont-ils piétiné, bombardé, écrasé et tué à Gaza ? Savez-vous combien de personnes, femmes et enfants, ont été tuées par nos bombardements au cours de la dernière décennie ? Et pourtant, après toutes ces rondes interminables, les Palestiniens continuent de vouloir vivre en liberté et sans occupation ni blocus. Et ça ne changera pas. »

Et cela n’est toujours pas prêt de changer, puisqu’à imaginer que le Hamas soit éradiqué : qui peut croire que les survivants de la catastrophe humanitaire en cours dans la bande de Gaza ne montreront plus aucun sentiment d’hostilité à l’égard d’Israël ? Qui peut croire que certains Palestiniens qui assistent, impuissants, au massacre de leur peuple, ne seront pas séduits, demain, par des discours encore plus radicaux et extrémistes que ceux du Hamas ?

Cessons de tergiverser. Affirmer qu’il n’y a pas d’autres solutions face au Hamas que ces bombardements meurtriers, que la seule disparition du Hamas est un préalable à la paix, sont autant de mensonges éhontés qui ne cherchent qu’à offrir une caution aux crimes contre l’humanité dans la bande de Gaza.

L’État d’Israël n’a pas attendu le Hamas, créé en 1987, pour coloniser, occuper ou expulser, et refuser d’appliquer les résolutions onusiennes. Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a ainsi rappelé que si « rien ne peut justifier de tuer, blesser et enlever délibérément des civils, ni les tirs de roquettes sur des cibles civiles », on ne pouvait pas faire comme si cette attaque s’était produite « en dehors de tout contexte ».

Droit d’Israël à se défendre ?

Le droit international reconnait à l’État d’Israël le droit et le devoir de protéger ses citoyens, et de répondre à une attaque subie contre ses populations civiles. Mais aucunement au dépend d’autres civils. Les bombardements massifs sur la bande de Gaza, déjà soumis à un blocus depuis dix-sept ans, l’occupation, la colonisation et le régime d’apartheid, contreviennent complètement au « droit d’Israël à se défendre ». C’est même tout l’inverse : ces politiques mettent en péril la vie de civils, dont les Israéliens eux-mêmes, comme le 7 octobre l’a atrocement illustré.

Voilà pourquoi il fallait, dès le départ, être clair : tout appel à se tenir aux côtés d'Israël et des Israéliens, sans considération aucune pour le sort des Palestiniens, c'est tolérer et préparer les prochains crimes. La protection des civils, le droit à la sécurité et à la justice, ne peuvent être à géométrie variable.

Si j’ai été sidéré de voir le refus chez certains d’user d’un minimum d’humanisme pour entendre la souffrance des Israéliens le 7 octobre, je prends acte de celles et ceux qui ne souhaitent parler QUE de la souffrance des Israéliens, s’aveuglant sur toute la déshumanisation qui permet l’accomplissement d’acte les plus contraires, d’un côté aux principes du droit humanitaire, de l'autre à la légitime résistance des peuples.

Les marchands de sang à l’action

Le poète israélien Yitzhak Laor qualifiait de « marchands de sang » celles et ceux qui, à peine un attentat se produit, s’empressent de l’instrumentaliser à des fins politiques ou guerriers. C’est l’expression qui m’est venue à l’esprit en lisant ces appels à soutenir Israël, « démocratie » à laquelle tant d’Occidentaux devraient s’identifier car prise pour cible par des « djihadistes », ou un « terrorisme islamiste » semblable à celui qui a frappé la France en 2015. Certains ont même été plus loin dans la manipulation intellectuelle, dressant un parallèle avec l’assassinat à Arras de l’enseignant Dominique Bernard, commis le 13 octobre par un terroriste islamiste.

En quelques heures, c’est comme si tous les rapports accusant Israël d’apartheid ne tenaient plus. Comme si la colonialité qui structure les relations entre Israéliens et Palestiniens avait disparu. Comme si les rapports de force complètement asymétriques, d’un coup, n’avaient plus lieu d’être mentionnés.

Or, c’est précisément sur ce terreau de près de 75 ans d’injustice, de non-respect du droit international, d’expulsion, de spoliation, de destruction, d’humiliation quotidienne, de meurtres impunis, de colère, de rage et de haine, que le Hamas a pu germer. Au point de devenir un membre à part entière du mouvement national palestinien, de remporter des élections, puis d’imposer son autoritarisme dans la bande de Gaza. Du moins dans la limite de la souveraineté que les autorités israéliennes acceptent de laisser.

Des droits partagés

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir multiplié les alertes. Dans tous les débats publics et les médias, nous étions quelques-uns à le marteler : « la situation sur le terrain devient intenable, des groupes armés se forment dans un désespoir et une radicalité jamais vus par le passé ».

À la veille du 7 octobre, 234 Palestiniens avaient été tués depuis le 1er janvier 2023 par l’armée israélienne ou des colons, dont 118 civils. Les ONG dénombraient 320 attaques de colons sur des civils palestiniens. Le gouvernement israélien d’extrême droite soutenait la construction d’un nombre sans précédent de nouvelles colonies sur des terres palestiniennes, et les provocations contre l’esplanade des mosquées à Jérusalem se multipliaient. À Gaza, à la veille du 7 octobre, la situation humanitaire était déjà inquiétante puisqu’à cause du blocus israélien : 80 % des quelques 2,3 millions d’habitants vivaient de l’aide humanitaire, 60 % souffraient d’insécurité alimentaire. Tout cela dans le plus grand silence de la communauté internationale.

Un silence qui se poursuit. Alors que l’attention internationale est portée toute entière sur la bande de Gaza, les exactions en Cisjordanie de la part des colons, appuyés par l’armée israélienne, se multiplient. Dans les collines du sud d’Hébron ou dans la vallée du Jourdain, des dizaines de familles palestiniennes ont été contraintes de fuir leurs maisons face à la violence des colons. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses images circulent de Palestiniens humiliés et violentés. Certains soldats en ont même fait un jeu sur TikTok. En un mois, au moins un millier de Palestiniens ont été arrêtés, près de 130 ont été tués.

Tous ces évènements, de Gaza à la Cisjordanie, forment un tout, celui du colonialisme qui piège Israéliens et Palestiniens dans des positions qui menacent leur sécurité. Les premiers sont prêts à tout pour maintenir leurs privilèges en sécurité, les seconds n’ont plus rien à perdre pour accéder à une vie digne et libre.

Dès lors, celles et ceux qui se présentent comme des « amis d’Israël », et qui accusent toutes les voix critiques d’Israël d’antisémitisme, balaient d’un revers de main les rapports d’ONG dénonçant la politique israélienne, ou invitent à regarder ailleurs lorsqu’il est question de poser des sanctions à Israël, agissent précisément contre la sécurité des Israéliens, puisqu’ils tolèrent de garantir à leurs dirigeants une totale impunité. Ce sont certains d’entre eux par exemple qui, lorsqu’en mars dernier nous publiions une tribune dans Le Monde pour rappeler combien le concept de démocratie en Israël variait en fonction de son appartenance ethnique et de son lieu de vie, demandaient un droit de réponse pour affirmer que nous mélangions tout.

Voilà précisément pourquoi l’accusation d’« anti-israélien » à mon encontre, comme envers toutes celles et ceux qui plaident en faveur de la justice pour les Palestiniens, ne tient pas : Israéliens et Palestiniens doivent être reconnus dans leur humanité, d’égal à égal, partageant le même droit à la paix et à la sécurité. Jamais l'un au dépend de l'autre. L’urgence immédiate est d’appeler et soutenir toutes les initiatives pour un cessez-le feu ET le retour des otages civils israéliens auprès de leurs proches. Soyons clairs, toutes celles et ceux qui tergiversent sur ces principes simples continuent de penser que certaines vies valent moins que d’autres, et qu'entre la mer Méditerranée et le fleuve Jourdain, les droits de certains sont plus légitimes que d'autres.

https://blogs.mediapart.fr/thomasvescovi/blog/071123/anti-israelien

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Voir aussi

•  Je vous en veux

Extraits

 
Je vous en veux de ne pas voir la haine qui est en train de monter, de vous taire face à ce qui se passe, d’être indifférents.

Directeurs d’universités ou de lycées, professeurs, je vous en veux.
Je vous en veux de ne pas aborder l’antisémitisme, de ne pas aborder l’islamophobie, de fermer les yeux sur le racisme, en croyant que l’ignorer c’est l’empêcher d’exister.

Étudiants, je vous en veux.
Je vous en veux de me haïr pour une nationalité et une religion que je n’ai pas choisies. De vous permettre de me détruire parce qu’une bonne cause vous sert de prétexte ; parce que vous avez l’impression qu’en me brisant, vous brisez un gouvernement. La haine des Juifs et des civils israéliens n’est pas du militantisme. Faire preuve d’humanité n’est pas contraire à vos convictions. Vous condamnez le racisme, mais vous me discriminez. Vous militez pour les minorités, mais vous considérez que la mienne est trop privilégiée.

Je vous en veux d’être silencieux, de ne plus me regarder, de tourner la tête à mon passage, quand hier encore, vous m’invitiez chez vous.

Lisa Hazan,
Une étudiante juive parmi tant d’autres.

Sur le Blog de Mediapart - 6 novembre 2023
https://blogs.mediapart.fr/lisahazan/blog/061123/je-vous-en-veux
 


• Israël-Palestine : « De quelle démocratie parlons-nous ? » 

Tribune, Collectif

Un collectif d’universitaires et de chercheurs, parmi lesquels Judith Butler, Shlomo Sand et Thomas Vescovi, ainsi que le médecin Rony Brauman, rappellent, dans une tribune au « Monde », que colons, militaires et politiques israéliens bénéficient d’une impunité totale, et que les Palestiniens vivent sans protection internationale

Publié le 28 mars 2023, Le Monde

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/28/israel-palestine-de-quelle-democratie-parlons-nous_6167310_3232.html

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• Israël : « Il est urgent pour les Etats européens de faire respecter les droits humains et d’agir contre les démolitions illégales en Cisjordanie »

 Tribune, Collectif

Dans les territoires palestiniens, le financement européen de l’aide humanitaire doit s’accompagner de la fin de l’impunité du gouvernement israélien, réclament dans une tribune au « Monde », des responsables d’ONG, parmi lesquels Médecins du monde et la Ligue des droits de l’homme.

Publié le 22 mars 2023 , Le Monde

Dimanche 26 février, la localité palestinienne d’Huwara était attaquée par des dizaines de colons israéliens, après le meurtre de deux colons. La récente augmentation de la violence liée à l’occupation et à la colonisation, qui fait suite à la composition d’un gouvernement d’extrême droite en Israël avec pour objectif public l’annexion de la Cisjordanie, n’est pas une surprise, mais le résultat de décennies d’inaction de la communauté internationale et de la montée de l’ultraconservatisme dans le monde.

violence institutionnalisée

En tant qu’organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme, nous craignons une augmentation dramatique des besoins humanitaires en 2023. L’accord de coalition du gouvernement de Benyamin Nétanyahou montre que « le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur toutes les régions de la terre d’Israël. Le gouvernement encouragera et développera la colonisation dans toutes les parties de la “terre d’Israël” en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan, en Judée et en Samarie ». Le Golan est toujours considéré, par la communauté internationale, comme une région syrienne occupée et les « Judée et Samarie » font référence à la Cisjordanie.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/22/israel-il-est-urgent-pour-les-etats-europeens-de-faire-respecter-les-droits-humains-et-d-agir-contre-les-demolitions-illegales-en-cisjordanie_6166551_3232.html


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En Israël, la contestation de la réforme de la justice rejoint la critique des violences commises par des colons à Huwara (village palestinien en Cisjordanie)

Alors qu’une nouvelle manifestation avait lieu contre les projets de loi du gouvernement, le ministre chargé des colonies au ministère de la défense, Bezalel Smotrich, a affirmé qu’« Huwara doit être rasé ».
Ce discours et cette journée marquent un tournant. Pour la première fois, le lien est fait entre la réforme de la justice et la violence exercée par l’armée et les colons dans les territoires.

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/02/en-israel-la-contestation-de-la-reforme-de-la-justice-rejoint-la-critique-des-violences-commises-par-des-colons-a-huwara_6163882_3210.html

Bilan de la guerre entre le Hamas et l’Etat d’Israël, six mois après (2/2)

Par Emile Bouvier
Publié le 18/04/2024 • modifié le 18/04/2024  • Durée de lecture : 7 minutes Voir l'article original, dans Les clés de...