16 juillet 2013

Abolition du mur de la honte et des bus de l’apartheid

DANIEL SALVATORE SCHIFFER
Philosophe, signataire du JCall et auteur de "La Philosophie d’Emmanuel Levinas - Métaphysique, esthétique, éthique" (Presses universitaires de France).

 J’ai déjà dit à maintes reprises l’amour que l’intellectuel juif que je suis, et que je revendique d’être, nourrissait pour Israël, ce pays qui fut créé, en 1948, au lendemain de cette immense tragédie, unique dans les annales de l’inhumanité, que fut la Shoah. Dont acte ! Mais ce qui ne laisse toutefois pas de me chagriner, sinon de me décevoir et même de me heurter, de la part de ce même Israël, c’est que ce drame sans nom que fut précisément l’Holocauste n’a apparemment pas grandi, comme devrait le faire toute indicible souffrance, ses actuels dirigeants politiques. 

Car ce sont deux énormes fautes morales, inadmissibles sur le plan éthique et intolérables sur le plan religieux (à moins que Dieu, à supposer qu’il existât, ne fasse exception pour les Juifs, ce peuple qu’il réputa, paraît-il, élu), qu’ils ont commis il n’y a guère si longtemps. La première fut le début de la construction, durant l’été 2002, d’un mur, appelé pudiquement "clôture de sécurité" ( "security fence", dans le jargon diplomatique), séparant de manière imperméable, afin de parer aux attentats terroristes, Israël et la Cisjordanie : un mur étanche - que les pacifistes juifs eux-mêmes baptisèrent, à juste titre, du très peu glorieux nom de "mur de la honte" - s’étendant aujourd’hui, tout en y incluant plusieurs grands bocs de colonies israéliennes, sur plus de 700 kilomètres !

Une initiative à ce point scandaleuse, aux yeux du monde démocratique, que l’Assemblé générale des Nations unies se vit contrainte d’adopter, le 21 octobre 2003, une résolution condamnant officiellement l’édification de cette cloison hermétique empiétant ainsi, tint-elle même à spécifier dans son texte, sur "le territoire palestinien occupé". Certes ces mots étaient-ils durs pour dénoncer, de façon aussi explicite, ce que d’aucuns, y compris les progressistes juifs toujours, considérèrent également là, non moins justement, comme une pâle mais tout aussi horrible copie, quoique pour d’autres raisons bien évidemment, du tristement célèbre "Mur de Berlin", par ailleurs lui-même abattu, après l’historique effondrement de l’idéologie socialo-communiste, le 9 novembre 1989.

 J’y étais, en compagnie de quelques intellectuels allemands ! Israël, toutefois, resta sourd, comme trop souvent dans son histoire récente, à cette indignation pourtant en tout point légitime, pour véhémente qu’elle fût, du concert des nations.

Au contraire même, ce pays vient de récidiver, pas plus tard que le 4 mars dernier, dans cette course aussi folle qu’aveugle, sur le plan politico-diplomatique, vers, sinon l’incompréhensible, du moins l’inacceptable : le lancement d’un service de bus, certes à très bas prix mais surtout ainsi dans un confort plus que rudimentaire, exclusivement réservés aux travailleurs palestiniens se rendant quotidiennement, pour gagner leur pain noir, de Cisjordanie vers Israël. Plus exactement encore : ce sont deux lignes de bus, effectuées par la compagnie de transport "Afikim" et reliant le passage d’Eyal, situé près de Qalqiliya, cité cisjordanienne, à la ville de Tel-Aviv, qui furent inaugurées en ce fatidique jour-là. Certes sais-je pertinemment que ce ne sont, essentiellement, que de purs et simples motifs de sécurité qu’auront invoqués, non sans raisons peut-être, les autorités israéliennes pour justifier pareille décision, tout aussi impopulaire et même non moins scandaleuse, au regard du monde démocratique toujours, que ce que je n’ai pas craint (quitte à me mettre une fois de plus certains de mes pairs à dos) de qualifier plus haut, avec cependant d’autres de mes amis signataires du JCall (mouvement, regroupant des consciences juives, appelant Israël à la raison et donc, dans la foulée, à la coexistence, pour une paix juste et durable, de deux Etats : Israël et la Palestine), de "mur de la honte".

Car, de fait, quels qu’en soient les causes et mobiles, il s’agit bien là, avec ces bus pour seuls Palestiniens, d’une nouvelle forme d’apartheid : une ségrégation rappelant, de sinistre mémoire, les pires heures, dans les années soixante, de l’Amérique xénophobe et raciste, ou, plus près de nous, avant que l’avènement présidentiel de Nelson Mandela (très mérité prix Nobel de la paix) n’y mît fin, de l’Afrique du Sud au temps, précisément, de l’apartheid. Les Juifs d’aujourd’hui auraient-ils donc si vite oublié, eux qui revendiquent pourtant, très légitimement, un nécessaire et constant "devoir de mémoire", ces infâmes ghettos dans lesquels leurs ancêtres d’hier furent cruellement confinés, presque dans toute l’Europe, avant qu’un certain Hitler ne tentât, fort de sa seule mais effroyable démence, de les exterminer ? Davantage : n’auront-ils donc rien appris ainsi, sinon pour eux-mêmes seulement, de l’abominable, colossale et inhumaine douleur de leurs propres pères ?

D’autre part, s’il venait un jour à Israël l’excellente et judicieuse idée de reconnaître enfin la Palestine en tant qu’Etat souverain et indépendant, la question de sa sécurité serait, du coup, définitivement résolue, et le problème, par la même occasion, automatiquement invalidé Du moins, c’est à espérer entre hommes et femmes de bonne volonté, animés par un sincère et loyal esprit de concorde !

Ainsi, pour en revenir à l’indigne et désastreuse création de ces deux lignes d’autobus désormais affublées du très peu enviable et même franchement honteux titre de "bus de l’apartheid", ne puis-je que concorder avec la députée israélienne Zehava Gal-On, chef du parti "Meretz", faction de gauche soit dit en passant, lorsqu’elle a demandé au ministre des Transports d’alors, Israël Katz, d’annuler cette funeste et surtout contreproductive décision, lui demandant même très clairement que (je cite) "les bus ségrégés cessent immédiatement d’opérer". Et d’ajouter, non moins catégoriquement et, surtout, très opportunément : "Les autobus ségrégés opérant sur une base ethnique étaient, autrefois, chose commune dans les régimes racistes. Il est inacceptable que cela existe, encore aujourd’hui, dans un pays démocratique."

Tout aussi appropriée et fondée apparaît, à ce propos, la déclaration de Jessica Montell, directrice de l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme "B’Tselem" : "C’est tout simplement du racisme. Un tel projet ne peut être justifié sur base de besoins sécuritaires ou de surpeuplement." , a-t-elle fustigé elle aussi. Et, plus ferme encore, d’affirmer, quant à elle, que ce type de règlement, hautement répréhensible tant sur le plan moral qu’au niveau légal, rappelait en effet, malheureusement, "la ségrégation raciale instaurée aux Etats-Unis en 1896".

Conclusion ? Qu’Israël, nation née sur les cendres de ses pères naguère martyrisés, abolissent donc au plus vite, toutes affaires cessantes, ce mur de la honte tout autant que ces bus de l’apartheid, qui ne le déshonorent que trop aujourd’hui, sur le plan éthique, et qui ne font par ailleurs, au niveau stratégique, que l’isoler, davantage encore, sur l’échiquier géopolitique du monde moderne et contemporain. Il en va, non seulement de la paix en cette turbulente région de la planète, mais, plus profondément encore, de l’avenir même, s’ils veulent véritablement y vivre dans la sécurité qui leur est naturellement due, de ses enfants ! "I have a dream" , comme, à n’en pas douter, aurait très certainement dit, en cette circonstance-là aussi, un certain Martin Luther King

DANIEL SALVATORE SCHIFFER

LLB,  Mis en ligne le 12/04/2013

Echos d'une colonisation rampante, intérieure à l'Etat d'Israël

La Knesset approuve le plan Prawer-Begin, très accablant

Lundi 24 juin 2013 (Jérusalem) : La Knesset a voté en faveur du plan Prawer-Begin. 43 membres de la Knesset ont voté pour et 40 ont voté contre. Le plan Prawer-Begin déplacera au moins 30.000 (et jusqu’à 70.000) citoyens Bédouins.

De plus, il dépossédera la population arabe bédouine de ses terres et de ses moyens de production traditionnelle ce qui conduira à la destruction de sa structure sociale.

Le plan aura pour effet de concentrer les Bédouins dans des zones urbaines pauvres où leur potentiel de développement autonome sera contrecarré.

Appréciez l’humour  corrosif de ce panneau à l’entrée du village d’El Sira et mettant en garde contre les démolitions de maisons par l’armée israélienne !!!  Photographies de Raymond Saublains.
Appréciez l’humour  corrosif de ce panneau à l’entrée du village d’El Sira et mettant en garde contre les démolitions de maisons par l’armée israélienne !!!
Photographies de Raymond Saublains.
L’approbation du plan Prawer-Begin est contraire aux  recommandations en 2011, du Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels des Nations Unies, qui a appelé Israël à s’abstenir de l’éviction forcée de ses résidents et de cesser les démolitions dans les villages non reconnus. Il contredit également les recommandations du Comité de l’Elimination de la Discrimination Raciale (CERD), qui, en 2007, a appelé l’Etat à examiner la possibilité de reconnaissance des villages bédouins, permettre aux Bédouins de contrôler et s’occuper de leurs champs, et  cesser les évacuations faites sans le consentement des résidents des villages.  En outre, les observations finales du CERD (en mars 2012) et du Parlement Européen (dans une résolution de juillet 2012) demande au gouvernement israélien de revoir le plan Prawer.  (partie du communiqué du Negev Coordination Forum)


On ne nous déplacera pas : les Bédouins du Neguev s’accrochent à leur terre

Extraits du 
Carnet de Colette Braeckman

 (...) Venus de ces villages qui ne seront jamais rayés d’aucune carte pour la bonne raison qu’ils n’y sont même pas mentionnés, les plus oubliés des citoyens israéliens, les Bédouins du Neguev, ont tenu à démontrer, une fois encore, qu’étaient bien vivants et que, face à l’armée israélienne, ils n’avaient rien perdu de leur combativité.
Femmes sous la tente, hommes à la tribune, tous les chefs de village ont brandi des titres de possession des terres et des puits, clamé leur refus d’être chassés vers le béton et l’anonymat des villes.
Sensibilisé de longue date à la question palestinienne, Marco Abramovicz, qui anime le Comité pour une paix juste au Proche Orient, a découvert voici trois ans le problème des Bédouins du Néguev. Le paysage désolé d’Al Arakib lui est devenu familier : oliviers arrachés, champs nivelés. A plus de 40 reprises, les bulldozers israéliens sont venus pulvériser les habitations, jeter au sol les tôles, les quelques blocs de béton que les habitants à chaque fois remettaient debout, afin de signifier un message toujours identique : « cette terre est celle de nos ancêtres, nous ne partirons pas ».
Le chef du village, Cheikh Sayeh al Turi, considère Abramovicz comme un ami fidèle et il salue avec enthousiasme le fait que ce citoyen d’Ittre ait pu convaincre un groupe de Belges de le suivre pour découvrir, -à la force du mollet -ces dernières terres « vierges » d’Israël, lorgnées par les « développeurs » et les plus hardis des colons. Le Neguev en effet représente 60% de la superficie d’Israël et l’Etat hébreu entend désormais le « mettre en valeur », en proposer l’occupation aux derniers arrivés, les Falashas, ces Juifs noirs d’Ethiopie ainsi que les Juifs russes, qui sont déjà les principaux occupants de la ville de Beer Sheva, aux portes du désert.
Depuis les hauteurs d’Al Arakib, on aperçoit d’ailleurs les gratte ciel de Beer Sheva, devenue une importante cité universitaire et qui ne cesse de s’étendre; des autoroutes tracent leur sillon, les fils électriques zèbrent le ciel, tout est prêt pour créer de nouvelles implantations et amener de nouveaux citoyens juifs sur les marches du désert. A ceci près que les habitants d’Al Arakib, à l’instar des autres tribus demeurées dans le Neguev après le grand exode de 1948 qui vit plus de 100.000 Bédouins fuir vers la Jordanie, ne l’entendent pas ainsi.

(...)
« Il est dur de vivre ici, mais de cette terre, nous pouvons vivre correctement » précise Aziz « et si, à l’instar des colons israéliens nous disposions d’adductions d’eau, nous pourrions nous aussi la transformer en paradis… »
(...)
l’administration israélienne souhaite moins « sédentariser » des Bédouins qui ont depuis longtemps cessé de nomadiser que les regrouper dans des townships, des agglomérations urbaines où ils se retrouveront tout au bas de l’échelle sociale. Transformés en prolétaires urbains, obligés d’accepter des emplois non qualifiés et de vivre dans des infrastructures sommaires, les Bédouins seront obligés d’abandonner leur mode de vie traditionnel, leur hospitalité légendaire et aussi leur polygamie.
A l’heure actuelle, une quarantaine de villages, ayant été décrétés «non reconnus », ne figurent sur aucune carte et à tout moment, les maisons qui y ont été construites peuvent être détruites par les bulldozers de l’administration. En 2011, plus de mille demeures ont ainsi été jetées au sol et aujourd’hui encore les destructions sont quotidiennes.

(...)
Au sortir d’une imposante forêt, entièrement artificielle, et jalonnée d’aires de pique nique et d’espaces récréatifs, signes avant coureurs de futures ambitions touristiques, Yeela précise : « j’aime les arbres, sauf quand ils servent à chasser les hommes. Ici, le Fonds national juif (JNF) plante des forêts sur des terres qui appartenaient naguère aux Bédouins, ce qui rend leur retour impossible… »
C’est cela aussi que les Bédouins ne comprennent pas : pourquoi, dans le même temps, les autorités retournent-t-elles leurs champs et déracinent-t-elles leurs oliviers, alors qu’elles plantent des forêts entières ? Pourquoi l’argumentation officielle avance-t-elle que les villages bédouins, composés de quelques familles, sont trop petits pour pouvoir bénéficier de services de base (eau, électricité) et poursuivre leurs activités économiques traditionnelles alors que, dans le même temps, dans la même région, de petites localités juives, comptant moins de 300 habitants, bénéficient de toutes les facilités et que l’implantation de nouveaux venus ne cesse d’être encouragée par les autorités ?

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