20 septembre 2023

Est-il judicieux de choisir l’État d’Israël comme partenaire privilégié dans la lutte contre l'antisémitisme ?

Faut-il combattre le feu avec le pyromane? Le gouvernement de l'État d'Israël – le plus extrémiste de toute son histoire- bafoue les droits humains et le droit international, annexe illégalement des territoires conquis par la force et y pratique le nettoyage ethnique.


Une carte blanche de Mateo Alaluf (ULB), Vincent Engel (UCL), Fenya Fischler (Een Andere Joodse Stem), Henri Goldman (Union des progressistes juifs de Belgique), Heinz Hurvitz (ULB) et Simone Süsskind (ancienne présidente du Centre communautaire laïc juif)

Publié le 16-03-2023 dans La Libre 

Fidèle aux leçons de sa propre histoire, l’Union européenne s’est engagée dans la lutte contre l’antisémitisme. Mais, pour mener cette lutte, était-il judicieux de choisir l’État d’Israël comme partenaire privilégié ? Cet État bafoue depuis des décennies les droits humains et le droit international, annexe illégalement des territoires conquis par la force et y pratique le nettoyage ethnique. Il s’est à présent doté du gouvernement le plus extrémiste de toute son histoire, associant des suprémacistes juifs et des intégristes religieux, équivalents locaux d’Éric Zemmour et de Viktor Orban, la violence physique en plus.

Depuis, ça n’a pas traîné : les violences commises par des colons contre les Palestiniens ont redoublé sous le nez d’une armée qui laisse faire. Un tel comportement, qui relève d’un racisme anti-arabe assumé, aurait dû suffire à discréditer les autorités israéliennes aux yeux de l’UE. Malgré cela, le partenariat privilégié entre l’Europe et l’État d’Israël dans la lutte contre l’antisémitisme a été confirmé, comme si de rien n’était.

Délégitimer la critique des politiques israéliennes

Pour restaurer une image qui se dégrade chaque jour, les autorités israéliennes et les grandes organisations juives ont pris la lutte contre l’antisémitisme en otage. Elles disposent pour cela d’une arme redoutable : la définition de l’antisémitisme proposée en 2016 par l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), une organisation intergouvernementale fondée en 1998, qu’un puissant lobbying a fait adopter par toutes les institutions possibles. Une définition extrêmement banale et parfaitement inutile au regard de l’arsenal juridique existant dans de nombreux États dont la Belgique, mais dont la perversité réside dans les exemples qui lui sont annexés en guise d’illustrations : 7 sur 11 désignent la critique de l’État d’Israël comme autant de manifestations d’antisémitisme.


Dès son adoption par l’IHRA, cette définition a été contestée. Elle a été récusée par les centaines de signataires de la “Jerusalem Declaration on Antisemitism”, juifs ou israéliens pour la plupart, dont de nombreux spécialistes reconnus de l’histoire de la Shoah et de l’antisémitisme. Kenneth Stern, le principal auteur de cette définition, a publiquement dénoncé la manière dont celle-ci était instrumentalisée pour délégitimer la critique des politiques israéliennes. De nombreux experts ont mis en garde contre le danger de saper, par une telle instrumentalisation, la lutte nécessaire contre l’antisémitisme.


Amnesty International, B’Tselem et Human Rights Watch désavoués


Ce danger se confirme. En 2022, Amnesty International publiait un rapport établissant qu’Israël pratique une politique d’apartheid sur tout le territoire que cet État contrôle, de la Méditerranée au Jourdain. L’association internationale de référence des droits humains rejoignait le diagnostic de B’Tselem, l’association historique israélienne de défense des droits de l’Homme et radicalisait la dénonciation déjà formulée en 2021 par Human Rights Watch. Depuis lors, une violente campagne orchestrée depuis Tel Aviv cherche à miner sa crédibilité. Pour forcer la main à la Commission européenne, quelques parlementaires habitués à relayer les demandes israéliennes, dont la vice-présidente libérale allemande du Parlement européen Nicola Beer et la libérale belge Frédérique Ries, interpellèrent Josep Borrell, le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, sur le rapport d’Amnesty qui tombait à leur avis sous le coup des exemples de la définition IHRA. Le 20 janvier 2023, Josep Borrell leur donna raison : “Il n’est pas approprié d’utiliser le terme apartheid à propos de l’État d’Israël. […] L’affirmation selon laquelle l’existence d’un État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste figure parmi les exemples donnés par la définition de l’IHRA”.

Défilé bleu-blanc à Jérusalem contre la réforme de la justice
Une mauvaise action sous l’égide de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?


Israël pratique-t-il l’apartheid – une forme particulière de racisme – à l’égard du peuple palestinien ? Même si on ne la partage pas, il s’agit d’une opinion respectable qui doit pouvoir être discutée et contredite, mais sûrement pas criminalisée. Le résultat de cet insidieux lobbying autour de la définition de l’IHRA aboutit à dévier la lutte contre l’antisémitisme de son objet tout en mettant les pratiques coloniales de l’État d’Israël à l’abri de la critique. En faisant aujourd’hui de cet État un partenaire privilégié, l’Europe ne lutte pas contre l’antisémitisme, elle le renforce.


Cette mauvaise action se poursuivra encore en toute innocence ce mardi 21 mars, sous l’égide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, à l’occasion d’une demi-journée d’étude organisée à Bruxelles où sera vantée devant un public scolaire “l’apport de l’IHRA […] et sa définition de l’antisémitisme”.


Pas de méprise


Qu’on ne se méprenne pas. Notre propos n’est absolument pas d’écarter l’État d’Israël de toute forme d’implication dans la lutte contre l’antisémitisme en Europe. Nos familles ont payé un lourd tribut à la folie meurtrière des nazis et on ne peut oublier qu’en 1945, des milliers de rescapés des camps de la mort ont trouvé refuge sur cette terre quand aucun autre pays ne voulait les accueillir. Mais il ne viendrait pas non plus à l’idée de confier à Vladimir Poutine le premier rôle dans une commémoration de la victoire sur le nazisme sous prétexte qu’il serait l’héritier des héros de Stalingrad, et de s’aligner sur ses conditions.

15 septembre 2023

Un ex-chef du Mossad accuse Israël d’organiser un “apartheid” à l’égard des Palestiniens

Le 07-09-2023


C'est pour Tamir Pardo le plus grand danger qui guette l'Etat hébreu.


Ce n’est pas le premier – et ce ne sera pas le dernier– haut fonctionnaire israélien à la retraite à porter de lourdes accusations contre son pays. Tamir Pardo, qui a dirigé le Mossad, le fameux service d’espionnage de l’État hébreu, estime que le traitement qu’Israël impose aux Palestiniens dans le territoire occupé de Cisjordanie ressortit à un système d’apartheid. Il rejoint ainsi une liste croissante d’anciens hauts responsables de l’État et d’organisations de défense des droits de l’homme qui, pour évoquer la politique d’Israël vis-à-vis de la population palestinienne, se réfèrent au système de ségrégation institutionnalisé dit apartheid (mot afrikaans signifiant “vivre séparément”), que l’Afrique du Sud avait appliqué à l’égard de la population noire de 1948 à 1994.


”Il y a un État d’apartheid ici”, a déclaré Tamir Pardo dans une interview accordée à l’agence américaine Associated Press. “Un territoire où deux personnes sont jugées selon deux systèmes juridiques, c’est un État d’apartheid”, y explique l’ancien chef du Mossad (entre 2011 et 2016). Nommé par Benjamin Netanyahou, il était ensuite devenu une voix critique du Premier ministre. Tamir Pardo continue à l’affirmer : le plus grand danger auquel Israël est confronté n’est pas, comme le prétend depuis des années le gouvernement Netanyahou, la menace du programme nucléaire iranien mais bien le conflit avec les Palestiniens...


C’est d’ailleurs la détérioration de la situation dans les Territoires palestiniens, le langage décomplexé et les velléités d’annexion portés par les partis extrémistes de la coalition au pouvoir qui ont poussé l’ancien responsable à prendre la parole.


L’ONG internationale Human Rights Watch et une homologue israélienne B’Tselem, bientôt rejointes par Amnesty International(Amnesty enfonce le clou des accusations d’apartheid contre Israël : cette politique a été créée afin de maintenir l’hégémonie juive, selon l’ONG), avaient les premières livré un rapport où elles concluaient que la colonisation et l’occupation menées par Israël dans les Territoires palestiniens relevaient du crime d’apartheid, soit “un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur d’autres dans l’intention de maintenir ce régime”. Depuis, d’anciens responsables israéliens ont alerté l’opinion sur le risque qu’Israël encourt de devenir un État d’apartheid.

 Vincent Braun, La Libre, 7 septembre 2023


Bilan de la guerre entre le Hamas et l’Etat d’Israël, six mois après (2/2)

Par Emile Bouvier
Publié le 18/04/2024 • modifié le 18/04/2024  • Durée de lecture : 7 minutes Voir l'article original, dans Les clés de...