17 juin 2007

Les Arabes d’Israël. Extraits de l'article de Suha SIBANY

Voici un article qui donne un aperçu objectif et psychologique sur une problématique pas suffisamment connue mais qui pourra dans le futur jouer un rôle de plus en plus important dans le conflit du Proche-Orient.
Madame SUHA SIBANY m'a autorisé à publier les extraits qui vont suivre de son article, analyse et témoignage personnel de la situation des arabes israéliens dans leur propre pays. Je l'en remercie, ce texte-ci sera à mon avis plus facile d'accès que l'original, assez long et fouillé, que chacun pourra néanmoins aller lire sur les sites qui l'ont publié in extenso.

Les Arabes d’Israël,
une minorité nationale palestinienne ?


Extraits
d'un article de
SUHA SIBANY
publié le dimanche 10 juin 2007

En tant que membre de ce groupe appelé « Arabes israéliens », je vais tenter, à travers ma propre expérience, que je qualifie désormais de « palestinienne » et non plus d’« arabe israélienne », d’expliquer les raisons de ce changement. Mon identité actuelle et ma conscience socio-politique de minoritaire dans l’État d’Israël sont constituées de plusieurs éléments dans lesquels l’injustice et les humiliations quotidiennes que subissent les Arabes israéliens jouent un grand rôle. Au cours de la guerre du Liban en juillet2006, les Arabes d’Israël ont manifesté leur solidarité avec le peuple et la résistance libanais et leur hostilité à la politique israélienne. Les Israéliens juifs y ont vu la preuve irréfutable de la déloyauté des Arabes israéliens, tandis que ces derniers considèrent l’attitude des Juifs israéliens envers eux comme la manifestation la plus éclatante de l’incapacité d’Israël à accepter leur présence.

SUHA SIBANY est Doctorante, à l'Institut français de géopolitique, université Paris-VIII.
Son article est publié dans la revue Hérodote, Revue de géographie et de géopolitique • n° 124 - Proche-Orient, géopolitique de la crise (1er trimestre 2007)


Je suis née et j’ai grandi à Nazareth, la plus grande ville arabe dans le nord d’Israël, dans une famille chrétienne maronite bénéficiant d’un statut socio-économique aisé. Bien que Nazareth soit une ville comprenant aussi bien des musulmans que des chrétiens, j’ai essentiellement grandi dans un environnement chrétien catholique. (...) Cette majorité chrétienne a disparu pour moi dans le secondaire car de nombreux élèves musulmans, originaires des villages environnants, fréquentent les collèges et lycées de Nazareth puisqu’il n’existe pas d’établissements scolaires en dehors de la ville. (...) La politique ne jouait pas un grand rôle dans ma vie quotidienne et je fus élevée en tant qu’Arabe israélienne mais surtout en tant que chrétienne et maronite.

De l’identité arabe israélienne à l’identité palestinienne

Le terme « palestinien » m’était relativement « étranger », même après la création du Mouvement de libération pour la Palestine. Je savais que j’étais arabe mais je m’identifiais en tant qu’Arabe d’Israël. Je n’utilisais le terme « palestinienne » ni pour me définir, ni pour désigner la majorité des Arabes vivant en Israël. D’ailleurs, on appelait les gens vivant en Cisjordanie Dafawi, et dans la Bande de Gaza Gazaoui,et non pas Palestiniens.
Mon identité actuelle et ma conscience socio-politique de minoritaire dans l’État d’Israël sont constituées de plusieurs éléments. Ce processus identitaire a débuté lors de mon adolescence, lorsque j’ai commencé à m’interroger sur les déterminants religieux chrétiens et plus précisément maronites de mon identité. Les massacres de Sabra et Chatila - deux camps de réfugiés palestiniens de Beyrouth-Ouest au Liban -, perpétrés les 16 et 17 septembre 1982 par les phalangistes, milice chrétienne libanaise dirigée par Élie Hobeika, dans un secteur occupé par l’armée israélienne depuis l’opération Paix en Galilée, et le sentiment d’injustice et de révolte que j’ai ressenti, ont fortement influencé cette remise en question identitaire. Je ne pouvais pas « appartenir » à la communauté maronite dont sont issus certains des membres du groupe des phalanges qui ont participé au massacre. Bien que ce fût la première fois que je rejetais fermement une part de mon identité, je me suis néanmoins toujours interrogée sur mes origines. (...) Mes parents ne m’ont jamais fourni les réponses que j’attendais, bien au contraire, ils me disaient : « Il faut rester en dehors de la politique. » (...)

À l’école, on nous a appris au cours de nos leçons d’histoire que, sous le mandat britannique, la Palestine a été promise au peuple juif pour qu’ils y établissent un État après les terribles discriminations qu’ils ont subies en Europe et surtout à cause de l’Holocauste. On m’a enseigné qu’après un tel désastre il était tout à fait « humain » de promettre aux Juifs la terre de Palestine afin qu’ils aient un endroit dans le monde pour se protéger. La Palestine n’était-elle pas « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » ? Quand j’interrogeais mon professeur d’histoire au sujet des Arabes vivant aujourd’hui en Israël, il répondait vaguement qu’il existait bien des Arabes vivant en Palestine mandataire mais qu’ils avaient perdu la guerre de 1948, gagnée par les Juifs qui avaient dès lors établi l’État d’Israël. Il n’était jamais fait mention de Palestiniens mais d’Arabes.
(...)
J’ai toujours su que je vivais en Israël, un État juif avec pour langue l’hébreu, mais je n’ai jamais compris pourquoi les Arabes étaient plus pauvres que les Juifs et pourquoi Nazareth Ilit (une ville juive voisine de Nazareth) était plus propre et développée que Nazareth. « Cela doit être une question de mentalité, me disais-je, les Juifs ont une mentalité occidentale alors que nous avons une mentalité orientale. »
Bien que la langue officielle d’Israël soit l’hébreu, j’ai principalement parlé arabe jusqu’à ce que je quitte à dix-huit ans Nazareth pour Jérusalem où j’ai poursuivi mes études à l’Université hébraïque. Auparavant, l’hébreu n’était à mes yeux qu’une langue étrangère que l’on étudie à l’école au même titre que l’anglais ou le français. (...) Cette langue ne nous était pas propre et nous ne l’utilisions que pour communiquer avec les Juifs. L’arabe était l’unique langue utilisée au sein de ma famille, à l’école et dans le voisinage. (...)

J’ai débuté mes études à l’Université hébraïque de Jérusalem en 1994, un an avant les accords d’Oslo. La vie que j’ai menée à Jérusalem m’a rapprochée des Palestiniens et m’a éloignée des Israéliens. L’atmosphère à l’époque était relativement calme à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ce qui m’a donné l’occasion de les visiter et permis de rencontrer les Palestiniens des Territoires. Ces rencontres et les liens que j’ai développés avec des habitants de Cisjordanie et de Gaza ont joué un rôle certain dans l’évolution de mon identité, et ce principalement de deux manières. L’interaction quotidienne avec plusieurs personnes a renforcé mon sentiment d’appartenir à leur groupe et d’en être un membre à part entière, par le biais de la culture et de la langue. Être assise dans un café, lire le menu en arabe et non en hébreu, parler arabe avec tous les gens et partager le même attachement à la tradition locale était, pour moi, quelque chose de vraiment dynamisant. Je me suis souvent trouvée dans des situations où il fallait que je m’explique sur mon statut de citoyenne d’Israël, particulièrement lorsque j’étais introduite auprès de gens qui nous appellent les « Arabes juifs » ou qui nous accusent de trahison du simple fait que nous possédons la citoyenneté israélienne.

La rencontre avec les « Palestiniens des Territoires » a directement et indirectement participé au processus constitutif de ma propre identité : face à l’injustice et aux humiliations quotidiennes qu’ils subissaient, j’ai ressenti le sentiment pressant qu’il fallait que je m’engage politiquement dans le mouvement des étudiants arabes et que je participe aux manifestations contre l’occupation, d’autant plus que l’échec de la mise en œuvre des accords d’Oslo était patent et que la situation ne cessait de se détériorer dans les Territoires palestiniens (ce qui allait conduire bientôt au déclenchement de la seconde Intifada). Enfin, mes relations avec les Juifs vivant à Jérusalem, et particulièrement avec ceux qui étudiaient avec moi, constituent un facteur supplémentaire de mon identification aux Palestiniens. J’étais perçue par les Juifs israéliens de manière négative pour le simple fait Que j’étais arabe. (...)

Le tournant du 28 septembre 2000

La présence d’Ariel Sharon sur l’esplanade d’Al-Aqsa le 28 septembre 2000 fut vécue comme une provocation par le peuple palestinien et le monde arabe en général, et cela en raison de son passé, de sa responsabilité dans les massacres de Sabra et Chatila, et des représentations qu’il suscite dans l’esprit des Palestiniens et des Arabes d’Israël. Ce fut le déclencheur de la seconde Intifada. Le fait que Sharon ait choisi cette place hautement symbolique, tant sur le plan religieux que sur le plan national, joua un grand rôle dans le déclenchement de la seconde Intifada, également appelée Intifada Al-Aqsa. Pour la première fois dans leur histoire, les Arabes d’Israël, qui ont ressenti l’acte de Sharon comme une offense envers l’islam mais plus généralement envers l’ensemble des Arabes, se sont révoltés et ont exprimé leur solidarité envers les Palestiniens. (...)

Les Arabes israéliens

Israël compte aujourd’hui près de 20% de citoyens arabes, soit 1.200.000 personnes descendant des Arabes restés dans les frontières d’Israël après 1948. Entre 1947 et 1949, la guerre qui oppose Juifs et Arabes pour le contrôle du territoire a quasiment vidé de sa population arabe le territoire de l’État israélien tel qu’il est proclamé le 14 mai 1948 : des 800.000 Arabes qui le peuplaient durant les dernières années du mandat britannique, seuls 20% demeurent en 1949, soit environ 160.000 personnes qui constituent 12% de la population arabe qui résidait en Palestine avant la guerre, c’est-à-dire environ 1.300.000 personnes selon le chiffre avancé par Benny Morris (1987). La majorité des Arabes israéliens sont en Galilée (60%). Dans cette région, où les Arabes sont encore majoritaires, on compte de nombreux Arabes chrétiens, descendant des propriétaires terriens des grands domaines qui s’étendaient sur les collines qui dominaient la plaine. Ils n’ont pas voulu abandonner leurs terres en 1948, à la fois par attachement et sans doute parce qu’ils pensaient que cette Occupation israélienne ne durerait pas grâce à l’aide que leur apporteraient les États arabes voisins. Environ 20% vivent dans le Triangle, région entre la ligne verte et la côte entre Haïfa et Tel-Aviv. (...) Nazareth est la ville d’Israël qui compte le plus d’Arabes (61.700 habitants dont 67% de musulmans et 33% de chrétiens), la deuxième est Um al-Fahem dans le district d’Haïfa (38.000, tous musulmans) et la troisième est Rahat dans le district sud (34.100 Bédouins arabes musulmans). Il faut rappeler que la majorité des Arabes qui habitent Jérusalem ne sont pas des citoyens israéliens. La citoyenneté leur a été proposée en 1967 lors de l’annexion de la partie est de la ville par Israël, mais ils l’ont refusée afin de marquer leur opposition à l’annexion.

Des citoyens de seconde zone.

Discrimination juridique

La politique israélienne à l’égard des Arabes israéliens a toujours été marquée par une « hésitation » entre méfiance et aspiration à une société véritablement démocratique. En théorie, l’État d’Israël considère les Arabes israéliens comme des citoyens « non juifs » égaux en droit. Une égalité devant la loi qui est ancrée dans la déclaration d’indépendance. Or, les Palestiniens d’Israël (ils ne se définissent plus comme Arabes israéliens) ont appris à leurs dépens, tout de suite après la création de l’État, ce que signifiaient ces déclarations d’intention puisqu’on les plaça sans ambages sous administration militaire pendant dix-huit ans (1948 - 1966), limitant leurs droits civiques, à part celui de voter, au minimum. Si les conditions de sécurité difficiles qu’a dû affronter l’État israélien ont influé sur le sort pour le moins inconfortable fait aux citoyens arabes d’Israël, elles ne sauraient toutefois le justifier. Une autre décision, prise en 1949 (et restée en vigueur jusqu’à récemment), l’illustre de manière significative.

Dans l’état civil israélien, les Juifs inscrivent la mention « juif » à la rubrique « communauté », tandis que les Arabes musulmans ou chrétiens y portent la mention « arabe », mais pas les druzes, qui portent la mention « druze ». Or, en Israël, l’« ennemi », c’est l’Arabe. Qu’il réside sur le territoire de l’État ou de l’autre côté de la frontière n’y change rien(...)On distinguera quatre catégories de discrimination par la loi à l’encontre des Arabes israéliens des lois en leur défaveur parce que servant directement les intérêts de la majorité juive : loi du retour ou droit à l’immigration, loi de la nationalité ou droit à la naturalisation, droit à l’implantation, loi sur l’expropriation des terres. (...) Des lois avantagent directement les organisations nationales et non gouvernementales juives puisqu’elles excluent Les Palestiniens, comme le Fonds national juif et l’Administration des terres d’Israël.
Il n’est pas rare qu’un village entier soit dépendant des bonnes grâces d’un seul et unique fonctionnaire. Et il n’est pas non plus rare que des groupes ou des localités fassent l’objet d’un chantage s’ils veulent ne serait-ce que bénéficier de leurs ressources.
Durant les premières décennies qui suivirent la fondation de l’État, la plupart des Palestiniens n’avaient pas une conscience claire de ces discriminations. Ils étaient faibles et isolés, encore sous le choc, et ne pouvaient percevoir rapidement les différences de statut à travers les méandres de la vie quotidienne. L’administration militaire, qui plus est, allait promouvoir un clientélisme reposant sur la collaboration et une activité réduite des partis d’opposition. Les élites palestiniennes ont encore aujourd’hui à combattre les séquelles de cette période de collaboration.
La prise de conscience vint par la suite et cela reste aujourd’hui encore une affaire de travail politique. Il y a maintenant une majorité des Arabes israéliens qui se revendiquent Palestiniens et qui réclament le statut de minorité nationale.

Désintégration économique : de la société agraire à la réserve de travailleurs Jusqu’en 1949, 85% des Palestiniens vivaient de la terre, une petite partie d’entre eux travaillant dans la construction, le commerce ou la pêche. Ils étaient jusque-là dépendants des rapports sociaux et de production villageois. Le réaménagement des structures de propriété entraîné par le processus d’implantation israélien fit s’écrouler le système économique et social des Palestiniens. La subordination de l’espace palestinien à l’autorité juive et sa transformation en territoire judéo-israélien constituaient pour la minorité arabe un point de départ défavorable. D’abord en raison de la concurrence des Juifs techniquement plus avancés, déjà, en agriculture et dans l’industrie ; ensuite à cause du manque de sol et de ressources, du fait de la politique d’expropriation, sous couvert de mesures d’urgence, par les Israéliens [Saker, 1981, p.207-208].
La minorité palestinienne a plus souffert que tous les autres groupes de la population du centralisme strict en vigueur dans le pays, en particulier du point de vue économique. Le gouvernement place presque tous les secteurs, y compris l’import-export, sous son contrôle immédiat. Une politique sur laquelle pesait largement des facteurs très imbriqués comme la sécurité, l’accueil des immigrants, les implantations et les prestations sociales. Le centralisme économique des Israéliens lia tous les groupes sociaux et tous les individus au pouvoir central et les rendit ainsi très dépendants de celui-ci. Le programme économique était élaboré en fonction d’une hiérarchie précise des couches de la population dont on influençait énormément, de la sorte, le niveau et le style de vie [Eisenstadt, 1985, p. 332-333]. Or, semblable influence continue de peser sur les Palestiniens, qui ne sont pas en mesure d’exercer des pressions d’ordre politique et économique. Le gouvernement répartit les ressources en fonction de l’influence de lobbies économiques ou politico-idéologiques. Les plus puissants d’entre ces lobbies ignorent les Palestiniens. On peut les citer : la Histadrut (confédération syndicale), les fédérations patronales, les associations commerciales, les organisations kibboutziques, celles des Moshav (collectifs d’« implantations » indépendantes), fédérations agricoles, partis politiques et organisations confessionnelles [Yashai, 1987].
En Israël, il faut faire partie des collectivités judéo-sionistes pour prendre part équitablement à l’utilisation des ressources. Or, les Palestiniens ne peuvent, indépendamment de leur loyauté envers l’État, faire partie de ces collectifs. Principaux aspects de la discrimination : expropriation de la terre et du patrimoine.

Les nouveaux immigrants devaient disposer de l’espace où s’implanter et édifier leur indépendance économique. Les autorités israéliennes se réclamèrent donc du code foncier ottoman de 1858 et exproprièrent la terre qui restait aux Palestiniens. Ce fut la confiscation d’environ 93% de tout l’espace [Granott, 1956, p. 110]. Après le Jour de la Terre de 1976, les autorités israéliennes changèrent de méthode et ne confisquèrent plus qu’indirectement la terre. On enleva la compétence sur la terre aux communes palestiniennes et on la transféra aux implantations juives voisines. C’était la « restructuration » des communes au profit des régions au début des années 1990. Ce transfert délibéré autorisa les nouvelles instances compétentes à confisquer jusqu’à 40% de la terre pour des projets public et à refuser d’accorder aux municipalités des budgets suffisants en matière d’infrastructures. Les « régions de développement » laissent de côté presque tout le secteur palestinien. (...) Selon les chiffres officiels, les petites entreprises auraient reçu de 1990 à 1994 environ 600 millions de shekels (1shekel =0,18 €) ; celles qui sont palestiniennes, 2,5% de ce montant ( Israel Statistical Yearbook 1994, tableau n°2014(...) Les ministères de l’Éducation et du Travail n’ont pas attaché le moindre intérêt à la formation dans le secteur arabe [Services d’inspection de l’État, 1993]. Celle-ci est demeurée pour l’essentiel théorique et académique. La plupart des diplômés ne peuvent en rien contribuer au développement économique, en particulier dans l’industrie.
Les rares Palestiniens qui ont fait des études scientifiques sont le plus souvent employés dans l’enseignement, ce qui correspond à un gaspillage des compétences et relève d’une mesure délibérée afin de maintenir l’économie arabe en l’état [ 3] ; la destruction de leur agriculture et une industrie primitive ont contribué à ce que les travailleurs palestiniens soient forcés d’aller se faire employer comme journaliers dans des localités juives éloignées. En 1961 déjà, quelque 54% des employés palestiniens devaient se déplacer quotidiennement sur de longues distances [Ben-Porat, 1996], environ 82% en 1986 [Statistical Abstract of Israel, 1987]. Nombre de secteurs leur restent fermés pour raisons de sécurité, un prétexte communément avancé. En somme, le régime ne souhaite pas l’intégration ou l’absorption de la population arabe dans la communauté juive et n’a pas fait d’efforts en ce sens.

Israël, l’État des Juifs ?

L'impossible nettoyage ethnique

Tandis que certains soulignent que la seule solution à long terme consisterait à mieux intégrer les citoyens arabes en mettant fin aux « discriminations dont ils souffrent », le terme « nettoyage ethnique », utilisé par certains Juifs, permettant de transférer tout ou partie de cette population hors des frontières d’Israël, fait aussi rapidement son chemin. Selon un sondage réalisé par l’institut Jaffee pour les études stratégiques, publié dans le quotidien Haaretz du 12 mars 2002, 31% des Juifs israéliens se déclaraient favorables à un transfert autoritaire des citoyens arabes, tandis que 60% approuvaient un transfert moins explicite, sous la forme de mesures d’encouragement à quitter le pays. Les autorités, quant à elles, réfléchissent activement aux moyens de réduire le nombre des citoyens arabes sans provoquer une nouvelle Nakba, une « catastrophe » semblable à celle qui a touché le peuple palestinien en 1948. (...)
Dans un sondage mené quelques jours après les émeutes du 8 octobre 2000, 60% des Juifs interrogés ont déclaré vouloir que les Arabes israéliens soient « transférés » à l’extérieur des frontières israéliennes et près de 78% ont approuvé les interventions musclées de la police israélienne à l’égard des Arabes israéliens lors des troubles [Sultany, 2003 ; Zureik, 2001]. Concrètement, cela est révélateur des profonds conflits identitaires en Israël. La majorité juive n’entend pas vivre avec la minorité arabe, sentiment qui se renforce à mesure que la situation géopolitique se détériore. Cela pose le difficile problème de la coexistence entre les groupes socio-religieux en Israël (...)

Un sondage de 2005 mené pour le compte du Centre de combat contre le racisme en Israël a démontré que 68% des Juifs israéliens n’accepteraient pas de vivre dans un immeuble avec des Arabes(...) Cette radicalisation parmi les deux communautés (les Arabes se définissent de plus en plus comme des Palestiniens et les Juifs refusent l’existence des Arabes dans les frontières d’Israël) exprime les difficultés à trouver des solutions, non seulement à l’échelle du conflit israélo-arabe mais aussi au niveau interne, entre les Arabes et les Juifs d’Israël.

Dès lors, pour les Israéliens, c’est bien la question du caractère juif de l’État qui est en question. Comment Israël peut-il demeurer l’État des Juifs si 20% de sa population est arabe ? La question se pose avec une acuité sans précédent depuis que les citoyens arabes ont acquis un poids politique inédit. Le gouvernement d’Itzhak Rabin, qui venait de signer les accords d’Oslo en 1993, ne s’est maintenu au pouvoir que grâce à l’appui des députés arabes.
Or, les partis auxquels ils appartenaient, proclamaient l’appartenance consciente et active des citoyens arabes d’Israël au peuple palestinien jusque dans l’enceinte du Parlement, la Knesset. Ceci avait pour effet de susciter chez des Israéliens juifs une grande inquiétude. La question pour ces Israéliens se posait alors ainsi : le sort d’Israël doit-il dépendre d’« extrémistes » arabes qui ne participent aux institutions démocratiques de l’État juif que pour mieux en saper les fondements ? Un temps l’apanage de la droite israélienne, ce soupçon transcende aujourd’hui les appartenances partisanes pour toucher une très large partie de la population juive. Une chose est sûre : Israël se trouve là confronté à l’un des défis majeurs des années à venir. Car les Arabes d’Israël continueront de peupler son territoire, quand bien même une solution au conflit israélo-palestinien serait trouvée. Leur avenir, en effet, n’a jamais été inclus dans les négociations, et l’Autorité palestinienne ne revendique sur eux aucune souveraineté.

Bibliographie
• AWAWDI B. et HAYDAR Ala’ (dir.), Racisme contre les Arabes palestiniens citoyens d’Israël, Centre de combat contre le racisme en Israël, 2005.
• BEN-PORAT Y.,Arab Labour Force in Israel, Jérusalem, 1996.
• EISENSTADT S. N., The Transformation of Israeli Society. An Essay in Interpretation, Boulder, Westview Press, Colorado, 1985.
• EL-ASMAR F., To Be An Arab in Israel, The Institute for Palestine Studies, Beyrouth, 1978.
• GRANOTT A., Agrarian Reform and the Record of Israel, Londres, 1956. -, Israel Statistical Yearbook , 1994.
• HAIDAR A., Les Obstacles au développement dans le secteur arabe (hébreu), Institut pour le développement économique, Tel-Aviv, 1993.
• MORRIS B., The Birth of the Palestinian Refugee Problem , 1947-1949, Cambridge University Press, Cambridge, 1987.
• SAKER A., Le Mouvement ouvrier en Palestine. Du mandat britannique à 1980, Damas, 1981.
Services d’inspection de l’État, Rapport pour l’année 1992, n° 42, Jérusalem, 1993 (hébreu).
• SULTANY N., Citizens without Citizenship : Mada’s First Annual Political Monitoring Report : Israel and the Palestinian Minority 2000-2002 , Mada-Arab Center for Applied Social Research, Haifa, 2003.
• YASHAI Y., Les Lobbyistes d’Israël (hébreu), Tel-Aviv, 1987.
• ZUREIK E. T. « Review essay : being Palestinian in Israel », Journal of Palestine Studies, 30 (3), 2001, p.88-96.

SUHA SIBANY

[1] Bureau central des statistiques : http://www.cbs.gov.il
[2] Association of Forty, disponible sur http://www.assoc40.org
[3] Cf.° N. LEWIN-EPSTEIN, The Arab Economy in Israel : Growing Population-Jobs, Mismatch, Pinas Sapir Center for Development, Tel-Aviv, 1990. De même J. HOFMAN, « L’identité ethnique des Arabes en Israël et en Cisjordanie » (hébreu), Megamot, n°20, 1974, p. 319-320 et Aziz HAIDAR, « Les Arabes en Israël et leur formation universitaire » (arabe), Journal of Palestinian Studies,n°15, été 1993, p.38-58.
[4] Halaby MOE’EN, « Mua’da al Bahth : al-Mujtama’ al-Yehudi al-Israeli Yadrug al-Wada’ al-Dimuqrati ka-’Amil Thanawi fi Hayatihi » (Recherche qui dit que la société juive israélienne considère la démocratie comme un facteur secondaire dans sa vie) (en arabe), Kul al-Arab, 6 avril 2001, p.10. Hérodote, Revue de géographie et de géopolitique n°124 - Proche-Orient, géopolitique de la crise (1er trimestre 2007)

Voir l'article original, publié sur le site de la revue Hérodote : http://www.herodote.org/article.php3?id_article=267 par SUHA SIBANY,
et sur le site d'Info Palestine : http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=1804

15 juin 2007

Communiqué de presse de Véronique De Keyser

L'Union européenne a une très lourde responsabilité dans la détérioration dramatique de la situation à Gaza

déclare l'eurodéputée Véronique De Keyser (PS)


Bruxelles, le 14 juin 2007

"Il y a des mois qu'à chaque séance plénière les députés européens interpellent Xavier Solana et Benita Ferrero Waldner pour leur demander de reprendre l'aide directe à la Palestine, de reconnaître enfin le gouvernement d'unité nationale, de ne pas exclure du jeu le Hamas et de cesser jouer un ministre contre un autre, en vain! Nous les avons pressés, d'agir, car nous savions que le temps était compté, qu'avec ce gouvernement, Mahmoud Abbas jouait sa dernière carte, qu'il fallait faire vite. Il fallait dialoguer avec les modérés, sous peine de n'avoir plus en face de nous que des extrémistes", déclare l'eurodéputée Véronique De Keyser, qui fut chef de la mission électorale de l'U.E en Palestine en 2OO6, et est l'une des signataires de l'appel des "quarante cinq" au Parlement européen. Cet appel, qui demandait il y a quelques semaines, la reprise de l'aide directe à la Palestine et la reconnaissance du gouvernement d'unité nationale, amenait également quarante cinq eurodéputés signataires à parrainer les quarante cinq parlementaires du Conseil législatif palestinien emprisonnés par Israël. Des eurodéputés n'avaient d'ailleurs pas hésité à rencontrer de Ismaïl Haniyeh.
Mais les appels du Parlement européen n'ont jamais été entendus. Pas plus que le réquisitoire accablant de la Banque mondiale ou le rapport de Soto, Représentant spécial des Nations Unies, qui vient d'être rendu public. En ne s'écartant jamais du carcan du Quartet, dominé par les Etats-Unis, l'Union européenne rendait inéluctable la faillite du gouvernement d'unité nationale. Ce gouvernement répondait aux exigences du Quartet, mais il ne pouvait se passer ni de l'aide ni de la légitimité internationales. Aux Etats-Unis, comme en Israël, comme dans les bancs des extrémistes en Palestine, on guettait sa chute et nous le savions parfaitement. Mais nous avons fait le jeu des extrémistes et précipité la guerre civile. déclare encore la députée qui a appris avec consternation l'annonce du Président Abbas d'une dissolution du gouvernement.

"Si l'avenir de la Palestine est sombre, la crédibilité de l'Europe dans la région l'est encore davantage. Comment pourrons-nous nous placer encore comme les chantres de la démocratie, si nous n'avons respecté ni les résultats sortis des urnes en 2OO6, ni l'autorité d'un gouvernement d'unité nationale qui représentait 98% de l'opinion publique palestinienne et dont nous avons étroitement parrainé la composition? Louis Michel a décidé de suspendre l'aide humanitaire à Gaza. C'est tout aussi dramatique qu'inacceptable. Je réclame le déploiement immédiat d'une force d'interposition internationale." a conclu Véronique de Keyser.

Véronique de Keyser
Députée européenne (PS)
Coordinatrice PSE aux Affaires étrangères
tel: 0475.690.461

veronique.dekeyser@europarl.europa.eu

06 juin 2007

SIX JOURS SANS FIN...

40 ans !

Juin 1967. J’étais en Algérie. Il y a 40 ans, basculement pour moi, comme pour Bichara Kader, comme pour Israël, comme pour tous les Palestiniens...

Bichara Kader rappelle ce qui s’est passé pour lui il y a tout juste 40 ans :
"Avant 1967, j’étais un jeune Palestinien, c’est tout. Je n’avais pas à le prouver : la première fois que le soleil a brillé sur mon enfance c’était en Palestine. Après 1967, la Palestine n’est plus seulement le berceau de mon enfance, elle devient la cause de ma jeunesse, une idée, un symbole, une obsession qui va me coller à la peau toute ma vie. Elle ne me quitte plus tant elle hante mes jours et mes nuits. Je deviens naturellement, comme beaucoup d’étudiants palestiniens et arabes, un militant de cette cause." (Lire tout le texte, La libre, 5 juin 2007)

Basculement pour Israël, basculement pour les Palestiniens.
"Ce fut un véritable moment national : rien ne caractérise davantage les Israéliens que ces passages soudains de la déprime paralysante au bonheur enivrant, des abîmes de détresse aux réjouissances de délivrance. Telle est l’histoire de 1967" écrit Tom Segev, "nouvel historien" israélien, dans "1967". Mais si victoire il y eut, à la clé la gestion de l’après-guerre fut un désastre. "Les débats d’aujourd’hui [...] sont la reproduction exacte, au mot près, de ceux de 1967. [...] Comme si, quarante ans plus tard, nous restions figés dans les choix et les erreurs de l’époque, qui conditionnent toujours nos rapports avec les Palestiniens".

(Voir l’article complet, La Libre, 6 juin 2007)

(voir aussi l’article de Tom Segev, Les cicatrices de la guerre de Six Jours, Le Monde, lundi 4 juin 2007) Extraits [1]

Il y a 40 ans, basculement pour moi aussi !

J’étais en Algérie. Juin 1967 : le président Boumedienne venait de reprendre à son compte la sollicitude de Ben Bella pour les enfants des rues, les "petits cireurs" d’Alger, dont je m’occupais depuis 1964 au "Secours National Algérien" avec Abderahmane Kherbouche et quelques éducateurs dans le "village d’enfants" de Téféschoun. Je m’en souviens comme hier : l’annonce de l’attaque israélienne sur les avions égyptiens au sol a été profondément ressentie autour de moi comme une attaque contre tous les arabes indistinctement. Devant la toute puissance israélienne, les algériens de la rue avaient peur d’une attaque de l’aviation sur l’Algérie, socialiste et amie de Nasser. Bref un vrai traumatisme, dont j’ai ressenti les prolongements personnellement. En effet, jusque là, pour moi comme pour la plupart des occidentaux, Israël était un petit pays fragile, à soutenir face aux pays arabes menaçants. Les Kibboutz avaient nourris nos rêves et nos solidarités. Il n’était pas contradictoire de se sentir solidaire d’Israël et dans le même temps d’avoir choisi de consacrer trois ans de sa vie à aider l’Algérie socialiste tout juste indépendante à se reconstruire. Et voilà qu’en quelques jours, de petit David ayant terrassé Goliath, Israël passait tout d’un coup dans la peau de l’agresseur. Et n’a plus cessé depuis lors de jouer ce rôle vis-à-vis du peuple palestinien, en contradiction avec toutes les règles internationales, et en totale impunité. On peut comprendre la peur viscérale du peuple juif de disparaître à nouveau, mais cela ne justifie en rien ce qui se passe pour les Palestiniens. Aujourd’hui, plus que jamais, on parle, non de génocide, mais d’ethnocide, la volonté d’éradiquer une culture, d’étouffer un peuple et sa culture. Certains ne s’en cachent pas : "Rendez-leur (aux Palestiniens) la vie tellement impossible qu’ils partiront d’eux-mêmes." (Benny Alon, ministre du tourisme dans le gouvernement Sharon). Comment résumer mieux ce qui se passe actuellement en Palestine ?

Alors 40 ans, ça suffit ! clame-t-on aujourd’hui,
tant en Israël d’ailleurs,
que chez nous.

Et dans les territoires occupés ?

Dans les Territoires, plusieurs manifestations seront également organisées pour commémorer l’exil de 200.000 Palestiniens qui ont, entre les 8 et 10 juin 1967, fui l’avance militaire israélienne en Cisjordanie. Mais ces évènements se dérouleront sur un mode mineur. "Nous n’avons pas la tête à commémorer quoi que ce soit", affirme l’intellectuel palestinien Ala Hahloul qui participait vendredi à un colloque sur les conséquences de la guerre des Six-Jours organisé à Tel-Aviv. "Cet anniversaire ne signifie pas grand-chose pour moi qui suis né bien après la conclusion du cessez-le-feu (le 10 juin 1967, ndlr). Il me rappelle simplement que je n’ai jamais eu la chance de voir un paysage de Cisjordanie sans jeeps militaires israéliennes en patrouilles et sans barrages sur les routes." (un article de Serge Dumont - Le Temps, lundi 4 juin 2007 : "La guerre a provoqué une déchirure qui ne s’est jamais refermée.")

Alors voici un petit tour des réactions internes à Israël [2] , ce sont celles-là qui me paraissent les plus utiles, car c’est surtout de l’intérieur de la société israélienne que proviendront les forces qui à terme, parviendront un jour, je pense, à rendre leur dignité aux Palestiniens. Ce n’est pas l’énorme force d’immobilisme nord-américaine ni l’effarante impuissance de l’Europe qui parviendront à changer quoi que ce soit à la situation, ni les Palestiniens eux-mêmes, actuellement trop écrasés pour avoir les moyens de réagir. Un jour, (dans 5 ans, 50 ans ou 500 ans... ?), la population israélienne aura choisi elle-même de reprendre en main son destin et ses valeurs. C’est ma conviction.

"Peu connu en Europe mais jouissant d’une grande aura au Proche-Orient, l’écrivant israélien d’origine irakienne Samy Michaël estime, lui, qu’Israël "a perdu son âme en poursuivant l’occupation". "Au fil du temps, le message de tolérance délivré par le judaïsme s’est transformé en une sorte de nationalisme cocardier et agressif avec lequel des gens de plume comme moi ont du mal à s’identifier", affirme-t-il. Et d’ajouter : "Avant 1967, la société israélienne était plus solidaire, son tissu social était plus solide. Mais depuis la victoire de juin 1967, notre esprit collectif s’est transformé. Je devrais plutôt dire qu’il s’est détérioré, car le fait de devoir servir en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza a poussé beaucoup de nos jeunes soldats à adopter des comportements négatifs qu’ils n’auraient sans doute jamais eus autrement. Tout cela a fini par rejaillir sur la société civile israélienne, qui est elle aussi devenue plus individualiste et plus brutale."

Ma conviction et que cette évolution n’est pas irréversible. La population palestinienne peut contribuer à ce "retour", en développant une force de résistance tranquille et pacifique... et les femmes palestiniennes, en particuliers, sont aux premières loges. (Voir à ce propos "Gaza City : libérez les femmes")

Michel Simonis, 7 juin 07

Post scriptum
• Je vous invite à visiter mon site de L’arc-en-ciel ,
• et aussi, directement à la source, l’excellent site Info-Palestine.net.
• Et peut-être d’aller rouler quelques heures de vélo dans le Brabant Wallon, ce samedi 9 juin. Une bonne manière de se mettre en forme pour les élections...

Voir aussi
Quarante ans d’ambiguïté, Akiva Eldar - Ha’aretz - samedi 2 juin 2007.
Après la guerre de 1967, certains Israéliens affirmaient que les Territoires étaient “libérés”. D’autres, qu’ils étaient occupés...


[1] Extraits :
Cinq mois après la guerre, les frontières de 1967 sont abolies des cartes officielles et la colonisation des territoires conquis commence. Vous montrez que le gouvernement, dès le départ, masque cette politique. Quelle est votre explication ?
- Tom Segev : La clé, c’est l’euphorie. Souvenez-vous de la blague qu’on racontait alors en Israël. Deux généraux discutent. "On n’a rien à faire." "Faisons la guerre", dit l’autre. "Et que fera-t-on l’après-midi ?" Juin 1967 a généré l’idée que l’on peut "faire l’histoire" sans que personne ne puisse nous en empêcher. De plus, le fait que les Palestiniens ne se révoltent pas génère alors un sentiment d’impunité. Dayan conçoit l’"occupation éclairée". Enfin, la paix n’est plus une urgence. Israël entre dans une ère d’arrogance qui s’écroulera avec la guerre d’octobre 1973.

Pourtant, le 5 juin, Moshe Dayan déclare : "Ce n’est pas une guerre de conquête." A ce moment-là, il ment ?
- Tom Segev : Non, le 5 au matin, aucune décision de garder les territoires occupés n’est prise. L’appétit est venu dans l’euphorie d’une conquête si facile. Depuis, Israël n’a plus jamais voulu la paix sans chercher à préserver une partie des territoires.

Vous écrivez en conclusion que cette guerre est apparue au fil du temps comme "un irréparable désastre" pour Israël. En quoi fut-elle un désastre ?
- Tom Segev : Quarante ans après, Israël se retrouve dans un piège effroyable : il ne peut plus se retirer de Cisjordanie, et chaque jour rend plus difficile sa possibilité d’en partir. Ariel Sharon, qui croyait comme ses prédécesseurs qu’Israël peut toujours imposer les solutions qui lui conviennent, a cru pouvoir évacuer Gaza "unilatéralement". Mais faire comme si l’adversaire ne comptait pas, ça ne marche pas. On le sait depuis le premier jour. En 1967, dès sa victoire, Israël a détruit à Jérusalem-Est le quartier des Maghrébins et plusieurs villages, déplaçant les populations. L’écrivain Amos Kenan a immédiatement écrit que nous venions de poser les fondations du futur terrorisme. Depuis ce jour, Israël est allé d’erreur en erreur, s’enfonçant dans l’impasse.

[2] • Organisés par des associations pacifistes israéliennes, deux rassemblements doivent avoir lieu simultanément mardi après-midi, le premier à Tel-Aviv et le second dans le quartier palestinien d’Anata à Jérusalem-est. A Tel-Aviv, des manifestants doivent mettre en scène un barrage militaire israélien pour sensibiliser le public israélien aux restrictions souvent humiliantes subies par les Palestiniens aux plus de 500 points de contrôle établis par l’armée israélienne en Cisjordanie.
• Le groupe israélien anti-colonisation la Paix Maintenant a pour sa part choisi de manifester dans la ville palestinienne de Hébron, au coeur de laquelle sont installés quelque 600 colons juifs des plus extrémistes.
• Le principal rassemblement contre l’occupation côté israélien doit avoir lieu samedi à Tel-Aviv, coïncidant avec une série de manifestations prévues dans des dizaine de villes dans le monde, le 9 juin ayant été proclamée "Journée internationale de protestation contre l’occupation israélienne".
(D’après AFP - le 5-6-07)

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