06 juin 2007

SIX JOURS SANS FIN...

40 ans !

Juin 1967. J’étais en Algérie. Il y a 40 ans, basculement pour moi, comme pour Bichara Kader, comme pour Israël, comme pour tous les Palestiniens...

Bichara Kader rappelle ce qui s’est passé pour lui il y a tout juste 40 ans :
"Avant 1967, j’étais un jeune Palestinien, c’est tout. Je n’avais pas à le prouver : la première fois que le soleil a brillé sur mon enfance c’était en Palestine. Après 1967, la Palestine n’est plus seulement le berceau de mon enfance, elle devient la cause de ma jeunesse, une idée, un symbole, une obsession qui va me coller à la peau toute ma vie. Elle ne me quitte plus tant elle hante mes jours et mes nuits. Je deviens naturellement, comme beaucoup d’étudiants palestiniens et arabes, un militant de cette cause." (Lire tout le texte, La libre, 5 juin 2007)

Basculement pour Israël, basculement pour les Palestiniens.
"Ce fut un véritable moment national : rien ne caractérise davantage les Israéliens que ces passages soudains de la déprime paralysante au bonheur enivrant, des abîmes de détresse aux réjouissances de délivrance. Telle est l’histoire de 1967" écrit Tom Segev, "nouvel historien" israélien, dans "1967". Mais si victoire il y eut, à la clé la gestion de l’après-guerre fut un désastre. "Les débats d’aujourd’hui [...] sont la reproduction exacte, au mot près, de ceux de 1967. [...] Comme si, quarante ans plus tard, nous restions figés dans les choix et les erreurs de l’époque, qui conditionnent toujours nos rapports avec les Palestiniens".

(Voir l’article complet, La Libre, 6 juin 2007)

(voir aussi l’article de Tom Segev, Les cicatrices de la guerre de Six Jours, Le Monde, lundi 4 juin 2007) Extraits [1]

Il y a 40 ans, basculement pour moi aussi !

J’étais en Algérie. Juin 1967 : le président Boumedienne venait de reprendre à son compte la sollicitude de Ben Bella pour les enfants des rues, les "petits cireurs" d’Alger, dont je m’occupais depuis 1964 au "Secours National Algérien" avec Abderahmane Kherbouche et quelques éducateurs dans le "village d’enfants" de Téféschoun. Je m’en souviens comme hier : l’annonce de l’attaque israélienne sur les avions égyptiens au sol a été profondément ressentie autour de moi comme une attaque contre tous les arabes indistinctement. Devant la toute puissance israélienne, les algériens de la rue avaient peur d’une attaque de l’aviation sur l’Algérie, socialiste et amie de Nasser. Bref un vrai traumatisme, dont j’ai ressenti les prolongements personnellement. En effet, jusque là, pour moi comme pour la plupart des occidentaux, Israël était un petit pays fragile, à soutenir face aux pays arabes menaçants. Les Kibboutz avaient nourris nos rêves et nos solidarités. Il n’était pas contradictoire de se sentir solidaire d’Israël et dans le même temps d’avoir choisi de consacrer trois ans de sa vie à aider l’Algérie socialiste tout juste indépendante à se reconstruire. Et voilà qu’en quelques jours, de petit David ayant terrassé Goliath, Israël passait tout d’un coup dans la peau de l’agresseur. Et n’a plus cessé depuis lors de jouer ce rôle vis-à-vis du peuple palestinien, en contradiction avec toutes les règles internationales, et en totale impunité. On peut comprendre la peur viscérale du peuple juif de disparaître à nouveau, mais cela ne justifie en rien ce qui se passe pour les Palestiniens. Aujourd’hui, plus que jamais, on parle, non de génocide, mais d’ethnocide, la volonté d’éradiquer une culture, d’étouffer un peuple et sa culture. Certains ne s’en cachent pas : "Rendez-leur (aux Palestiniens) la vie tellement impossible qu’ils partiront d’eux-mêmes." (Benny Alon, ministre du tourisme dans le gouvernement Sharon). Comment résumer mieux ce qui se passe actuellement en Palestine ?

Alors 40 ans, ça suffit ! clame-t-on aujourd’hui,
tant en Israël d’ailleurs,
que chez nous.

Et dans les territoires occupés ?

Dans les Territoires, plusieurs manifestations seront également organisées pour commémorer l’exil de 200.000 Palestiniens qui ont, entre les 8 et 10 juin 1967, fui l’avance militaire israélienne en Cisjordanie. Mais ces évènements se dérouleront sur un mode mineur. "Nous n’avons pas la tête à commémorer quoi que ce soit", affirme l’intellectuel palestinien Ala Hahloul qui participait vendredi à un colloque sur les conséquences de la guerre des Six-Jours organisé à Tel-Aviv. "Cet anniversaire ne signifie pas grand-chose pour moi qui suis né bien après la conclusion du cessez-le-feu (le 10 juin 1967, ndlr). Il me rappelle simplement que je n’ai jamais eu la chance de voir un paysage de Cisjordanie sans jeeps militaires israéliennes en patrouilles et sans barrages sur les routes." (un article de Serge Dumont - Le Temps, lundi 4 juin 2007 : "La guerre a provoqué une déchirure qui ne s’est jamais refermée.")

Alors voici un petit tour des réactions internes à Israël [2] , ce sont celles-là qui me paraissent les plus utiles, car c’est surtout de l’intérieur de la société israélienne que proviendront les forces qui à terme, parviendront un jour, je pense, à rendre leur dignité aux Palestiniens. Ce n’est pas l’énorme force d’immobilisme nord-américaine ni l’effarante impuissance de l’Europe qui parviendront à changer quoi que ce soit à la situation, ni les Palestiniens eux-mêmes, actuellement trop écrasés pour avoir les moyens de réagir. Un jour, (dans 5 ans, 50 ans ou 500 ans... ?), la population israélienne aura choisi elle-même de reprendre en main son destin et ses valeurs. C’est ma conviction.

"Peu connu en Europe mais jouissant d’une grande aura au Proche-Orient, l’écrivant israélien d’origine irakienne Samy Michaël estime, lui, qu’Israël "a perdu son âme en poursuivant l’occupation". "Au fil du temps, le message de tolérance délivré par le judaïsme s’est transformé en une sorte de nationalisme cocardier et agressif avec lequel des gens de plume comme moi ont du mal à s’identifier", affirme-t-il. Et d’ajouter : "Avant 1967, la société israélienne était plus solidaire, son tissu social était plus solide. Mais depuis la victoire de juin 1967, notre esprit collectif s’est transformé. Je devrais plutôt dire qu’il s’est détérioré, car le fait de devoir servir en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza a poussé beaucoup de nos jeunes soldats à adopter des comportements négatifs qu’ils n’auraient sans doute jamais eus autrement. Tout cela a fini par rejaillir sur la société civile israélienne, qui est elle aussi devenue plus individualiste et plus brutale."

Ma conviction et que cette évolution n’est pas irréversible. La population palestinienne peut contribuer à ce "retour", en développant une force de résistance tranquille et pacifique... et les femmes palestiniennes, en particuliers, sont aux premières loges. (Voir à ce propos "Gaza City : libérez les femmes")

Michel Simonis, 7 juin 07

Post scriptum
• Je vous invite à visiter mon site de L’arc-en-ciel ,
• et aussi, directement à la source, l’excellent site Info-Palestine.net.
• Et peut-être d’aller rouler quelques heures de vélo dans le Brabant Wallon, ce samedi 9 juin. Une bonne manière de se mettre en forme pour les élections...

Voir aussi
Quarante ans d’ambiguïté, Akiva Eldar - Ha’aretz - samedi 2 juin 2007.
Après la guerre de 1967, certains Israéliens affirmaient que les Territoires étaient “libérés”. D’autres, qu’ils étaient occupés...


[1] Extraits :
Cinq mois après la guerre, les frontières de 1967 sont abolies des cartes officielles et la colonisation des territoires conquis commence. Vous montrez que le gouvernement, dès le départ, masque cette politique. Quelle est votre explication ?
- Tom Segev : La clé, c’est l’euphorie. Souvenez-vous de la blague qu’on racontait alors en Israël. Deux généraux discutent. "On n’a rien à faire." "Faisons la guerre", dit l’autre. "Et que fera-t-on l’après-midi ?" Juin 1967 a généré l’idée que l’on peut "faire l’histoire" sans que personne ne puisse nous en empêcher. De plus, le fait que les Palestiniens ne se révoltent pas génère alors un sentiment d’impunité. Dayan conçoit l’"occupation éclairée". Enfin, la paix n’est plus une urgence. Israël entre dans une ère d’arrogance qui s’écroulera avec la guerre d’octobre 1973.

Pourtant, le 5 juin, Moshe Dayan déclare : "Ce n’est pas une guerre de conquête." A ce moment-là, il ment ?
- Tom Segev : Non, le 5 au matin, aucune décision de garder les territoires occupés n’est prise. L’appétit est venu dans l’euphorie d’une conquête si facile. Depuis, Israël n’a plus jamais voulu la paix sans chercher à préserver une partie des territoires.

Vous écrivez en conclusion que cette guerre est apparue au fil du temps comme "un irréparable désastre" pour Israël. En quoi fut-elle un désastre ?
- Tom Segev : Quarante ans après, Israël se retrouve dans un piège effroyable : il ne peut plus se retirer de Cisjordanie, et chaque jour rend plus difficile sa possibilité d’en partir. Ariel Sharon, qui croyait comme ses prédécesseurs qu’Israël peut toujours imposer les solutions qui lui conviennent, a cru pouvoir évacuer Gaza "unilatéralement". Mais faire comme si l’adversaire ne comptait pas, ça ne marche pas. On le sait depuis le premier jour. En 1967, dès sa victoire, Israël a détruit à Jérusalem-Est le quartier des Maghrébins et plusieurs villages, déplaçant les populations. L’écrivain Amos Kenan a immédiatement écrit que nous venions de poser les fondations du futur terrorisme. Depuis ce jour, Israël est allé d’erreur en erreur, s’enfonçant dans l’impasse.

[2] • Organisés par des associations pacifistes israéliennes, deux rassemblements doivent avoir lieu simultanément mardi après-midi, le premier à Tel-Aviv et le second dans le quartier palestinien d’Anata à Jérusalem-est. A Tel-Aviv, des manifestants doivent mettre en scène un barrage militaire israélien pour sensibiliser le public israélien aux restrictions souvent humiliantes subies par les Palestiniens aux plus de 500 points de contrôle établis par l’armée israélienne en Cisjordanie.
• Le groupe israélien anti-colonisation la Paix Maintenant a pour sa part choisi de manifester dans la ville palestinienne de Hébron, au coeur de laquelle sont installés quelque 600 colons juifs des plus extrémistes.
• Le principal rassemblement contre l’occupation côté israélien doit avoir lieu samedi à Tel-Aviv, coïncidant avec une série de manifestations prévues dans des dizaine de villes dans le monde, le 9 juin ayant été proclamée "Journée internationale de protestation contre l’occupation israélienne".
(D’après AFP - le 5-6-07)

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