21 septembre 2018

Ahed Tamimi libérée

Ahed Tamimi a été libérée. Cette adolescente palestinienne a passé huit mois en prison pour avoir giflé deux soldats israéliens, un épisode qui avait fait d’elle une icône pour les Palestiniens.

 



À l’époque âgée de 16 ans, Ahed Tamimi avait été arrêtée le 19 décembre 2017, quelques jours après avoir été filmée dans une vidéo devenue virale sur internet. Les images la montraient en train de s’approcher avec sa cousine Nour Tamimi de deux soldats israéliens appuyés sur un muret, dans la cour de sa maison à Nabi Saleh, un village du territoire palestinien occupé par Israël depuis plus de 50 ans. Les deux jeunes filles leur demandent de quitter les lieux puis leur donnent des coups de pied et de poing et des gifles.

A lire : Ahed Tamimi, visage viral. (https://www.liberation.fr/planete/2018/01/07/palestine-ahed-tamimi-visage-viral_1620892)

Issue d’une famille connue pour sa lutte contre l’occupation israélienne, elle avait déjà été impliquée dans une série d’incidents avec des soldats, dont les images avaient fait le tour du monde. Les Palestiniens louent en Ahed Tamimi un exemple de courage face aux abus israéliens dans les territoires palestiniens occupés. Nombre d’Israéliens considèrent pour leur part qu’elle est un exemple de la façon dont les Palestiniens encouragent leurs enfants à la haine.

Le procès de l’adolescente devant un tribunal militaire a bénéficié d’une importante couverture médiatique. Le président Mahmoud Abbas a salué personnellement son courage. «Il y a eu cette image symbolique d’une enfant se confrontant à un soldat israélien hyper-armé juste devant sa maison. Et le fait qu’elle ait été condamnée à une si lourde peine a suscité l’attention», explique à Yara Hawari, une militante palestinienne amie de la famille Tamimi. L’adolescente s’est vu infliger une peine presque aussi lourde – huit mois de prison – que le soldat israélien Elor Azaria condamné à neuf mois pour avoir abattu un assaillant palestinien blessé qui ne posait plus aucun danger.

À lire : "En plaidant coupable, la Palestinienne Ahed Tamimi écope de huit mois de prison"

Pour les défenseurs des droits de l’Homme, l’affaire Tamimi a permis de mettre en lumière les pratiques des tribunaux militaires israéliens et leur taux de condamnation très élevé -99%- de Palestiniens. La Cisjordanie étant un territoire occupé militairement par Israël, les Palestiniens qui y résident sont jugés devant des tribunaux de l’armée.

«La résistance continue»


La libération d’Ahed Tamimi a été annoncée par le porte-parole de la prison israélienne où elle était détenue a annoncé qu’Ahed Tamimi, et sa mère, également incarcérée à la suite de l’incident, ont été transférées par les autorités israéliennes jusqu’à un point de contrôle menant à la Cisjordanie, où toutes deux résident. Elles ont été conduites par des soldats israéliens jusqu’à leur village de Nabi Saleh. En larmes, l’adolescente a embrassé les membres de sa famille et les soutiens venus l’accueillir, sur un petit chemin menant à la bourgade. Puis, le père, Bassem, encadré de sa fille et de son épouse, les a accompagnées jusqu’à la maison familiale, sous les cris de la foule scandant : «Nous voulons vivre libres !» Face à un mur de caméras, les épaules recouvertes d’un keffieh, châle blanc et noir symbole de la résistance palestinienne, Ahed Tamimi a adressé des remerciements à la foule venue l’accueillir. «La résistance continue jusqu’à ce que l’occupation prenne fin», a-t-elle clamé, sa voix recouverte par les cris de ses soutiens.

L’adolescente a rendu visite à des proches qui ont perdu l’un des leurs, tué en juin dernier lors d’affrontements avec des soldats israéliens. Elle a ensuite déposé des fleurs sur la tombe du dirigeant palestinien Yasser Arafat, à Ramallah et s’est rendue au siège de l’Autorité palestinienne, sans qu’il soit confirmé si une rencontre avec le président palestinien aurait lieu. Elle donnera une conférence de presse dans l’après-midi.

Les autorités israéliennes ont tenu à limiter la médiatisation autour de la libération de Ahed Tamimi et sa mère, notamment en diffusant des informations contradictoires sur l’endroit par lequel elles étaient censées rentrer en Cisjordanie occupée.Samedi, deux Italiens et un Palestinien ont été arrêtés après avoir peint le visage désormais célèbre de l’adolescente aux longues boucles blondes sur le mur de séparation construit par Israël en Cisjordanie occupée.

Voir http://www.lefigaro.fr/international/2018/01/02/01003-20180102ARTFIG00264-ahed-tamimi-le-nouveau-visage-de-la-resistance-palestinienne.php


L'histoire d'Ahed Tamimi est intrinsèquement liée à Nabi Saleh, petit village de Cisjordanie, situé entre Tel Aviv et Jérusalem. Cette bourgade arabe de quelques centaines d'habitants fait face à la colonie israélienne de Halamish, qui s'est appropriée des terres et une source d'eau appartenant au village. Un acte qui révolte les habitants de Nabi Saleh. Dès 2009, une marche hebdomadaire de protestation est organisée et tourne régulièrement à la confrontation avec les forces israéliennes. La famille Tamimi est en pointe de la contestation.


Arrêté de nombreuses fois, le père d'Ahed, Bassem Tamimi, 50 ans, en est un des leaders. Bassem rêve de créer «un modèle de résistance civile, qui prouverait que nous ne sommes pas des terroristes et que nous sommes les propriétaires de ces terres, explique-t-il au journal israélien Haaretz, en 2010. Nous voulons envoyer aux Palestiniens et Israéliens le message qu'il existe cet autre modèle de résistance, non-violent.» En 2012, son activisme le conduit une nouvelle fois en prison, Amnesty international mènera une campagne pour faire libérer celui que l'ONG qualifie de «prisonnier de conscience».

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Selon l’ONG palestinienne Addameer, 274 mineurs palestiniens ont été arrêtés depuis le début de l’année 2018, et attendent à leur tour d’être jugés par un tribunal militaire israélien, où le taux de condamnation dépasse les 99%.

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Un symbole mondial

 

Le 15 décembre, à l’issue d’une journée tendue de manifestations dans son village de Nabi Saleh, et quelques heures après que son cousin Mohammed a été gravement blessé à la tête par un tir israélien, (https://www.liberation.fr/planete/2018/02/27/balle-israelienne-dans-la-tete-ou-accident-de-velo-polemique-sur-la-blessure-d-un-palestinien_1632694) Ahed Tamimi avait malmené deux soldats postés dans la cour de la maison familiale. Figure déjà bien connue du public israélien et palestinien habitué aux happenings résistants de la famille Tamimi, adepte de la non-violence qui documente en images toutes ses altercations avec les forces israéliennes en Cisjordanie occupée, Ahed Tamimi est devenue après son incarcération un symbole mondial, soutenue par l’écrasante majorité des associations de défense des droits de l’homme ainsi que de nombreux pays et institutions, dont l’Union européenne, qui ont appelé à sa libération. La décision des autorités israéliennes, après une première audience ouverte au public et aux journalistes, de la juger à huis clos avait été aussi sévèrement condamnée. Selon le collectif «Free Tamimi», la jeune palestinienne a choisi de garder le silence durant toute la procédure.
À lire aussi Procès d’Ahed Tamimi, entre postures et défense de rupture (https://www.liberation.fr/planete/2018/01/16/proces-de-la-palestinienne-ahed-tamimi-entre-postures-et-defense-de-rupture_1622646)

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La famille Tamimi

Ahed Tamimi âgée de 9 ans, en 2010

Depuis une décennie, le clan Tamimi irrite au plus haut point les autorités et l’opinion publique israéliennes, qui voient dans cette famille d’activistes une bande d’«agitateurs» aux convictions radicales. Les Tamimi ont théorisé une forme de «résistance populaire» consistant en des manifestations hebdomadaires, durant lesquelles ils filment et documentent toutes leurs altercations avec les militaires israéliens. Une lutte par l’image extrêmement efficace, encouragée par le raïs palestinien Mahmoud Abbas et le président turc Recep Tayyip Erdogan, et dénigrée sous le terme de propagande «pallywoodienne» jusqu’au sommet de l’Etat hébreu.

Fin janvier, les médias israéliens ont révélé que Michael Oren, le secrétaire d’Etat à la diplomatie, avait dirigé, en 2015, une commission d’enquête parlementaire secrète cherchant à prouver que les Tamimi étaient une troupe d’acteurs payés par des «organisations terroristes» étrangères «pour donner le mauvais rôle à Israël». Alors député, Oren s’interrogeait ainsi sur les vêtements «américains et non traditionnels, comme des casquettes de baseball» des enfants Tamimi, ainsi que sur «leur teint clair, yeux bleus et cheveux blonds».

Pour Gaby Lasky, «l’énergie que met l’armée pour discréditer la famille Tamimi est assez exceptionnelle. Je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà vu une chose pareille.» (…) La détention de l’adolescente, condamnée par la communauté internationale, de l’ONU à l’Union européenne, n’a fait qu’ériger encore plus haut les Tamimi au rang de symboles de la cause palestinienne. «Ce qui a commencé comme une tentative bizarre de "prouver" que nous n’étions même pas une vraie famille a dégénéré en déni de réalité», a ainsi réagi mardi la famille palestinienne.

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