03 janvier 2009

Débat : Y aura-t-il un État palestinien ?


Certaines personnes ont du mal de se départir de la propagande dominante dans les médias occidentaux selon laquelle l'armée israélienne ne fait que se défendre contre les attaques insupportables du Hamas, reconnu dans le monde entier comme mouvement terroriste, comme chacun sait.
Comme antidote, je juge qu'un rappel n'est pas inutile. Et je trouve que celui de Leila Chahid, déléguée générale de l'Autorité palestinienne auprès de l'Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg, constitue aujourd'hui plus que jamais, même s'il date d'avril dernier, une bonne mise au point.

mardi 29 avril 2008 - L’Humanité

Leïla Shahid. Je reviens d’un mois en Palestine après quatre ans d’absence, et j’ai été absolument catastrophée, effondrée, de voir combien les choses ont régressé. J’ai l’impression qu’en quatre ans, c’est devenu quasiment irréversible. À commencer par Jérusalem. Jérusalem aujourd’hui n’a plus d’existence en tant que ville arabe à l’Est, israélienne à l’Ouest. L’endroit où le mur est le plus répulsif, le plus difficile à vivre, c’est Jérusalem. Parce que, là, il est tout en béton. Ailleurs, sur ses 700 kilomètres de parcours, c’est parfois un grillage avec des barbelés. Mais à Jérusalem, la Jérusalem métropolitaine qui est soixante fois plus grande qu’en 1967, il est entièrement en béton et il fait 9 mètres de haut.

Deuxièmement, c’est à Jérusalem-Est que l’agrandissement de colonies a été le plus important - toutes les informations le prouvent, en particulier celles de La paix maintenant, qui a fait un remarquable travail de « monitoring » des colonies. C’est dans la tradition sioniste classique de créer des faits accomplis. Celui-là déchargera Israël de la nécessité de négocier le statut de Jérusalem. Car si cela continue, il n’y aura plus rien à négocier.

La troisième chose qui m’a beaucoup choquée, c’est l’étendue des embranchements de routes pour relier ce qu’on appelle le « ring road », le périphérique de Jérusalem, qui va pratiquement annexer toute la ville sur le plan du transport public et de l’espace. Ces embranchements ne desservent que les colonies. Il n’y a pas une seule bretelle qui aille à Beit Hanina ou dans n’importe quelle banlieue de Jérusalem-Est. L’isolement de Jérusalem de la Cisjordanie et des territoires occupés est un fait accompli : on ne peut déjà plus parler de Jérusalem-Est comme capitale de l’État de Palestine. Finalement, et ceci concerne particulièrement les Français, à cause des entreprises impliquées (Veolia et Alstom), le tramway reliera les colonies à l’est de Jérusalem à Israël, en violant toutes les règles du droit international.

Dans le reste de la Cisjordanie, l’extension des colonies autour d’Ariel, celle de Maale Adumin pratiquement jusqu’à la mer Morte, l’extension du bloc du Gush Etzion font qu’il ne reste plus que trois entités complètement séparées : le bantoustan du Nord, celui du centre et celui du Sud, qui ne sont pas viables comme territoire d’un État.

Lorsque vous dites cela aux responsables israéliens, le plus sérieusement du monde, ils vous répondent qu’ils vont faire des tunnels sous les colonies et des ponts par-dessus, pour respecter la lettre de ce qui est inscrit dans les accords : la continuité territoriale. C’est littéralement kafkaïen, mais ils le disent sérieusement !

Les premiers à constater cet état de fait, ce sont les habitants de la Palestine, qui ne reconnaissent plus visuellement le paysage dans lequel ils habitent. Tous les jours il y a soit une nouvelle colonie, une « sauvage » qui devient officielle, une autre qui obtient le statut de ville, comme Ariel ou Modiin. Ce constat, vous le trouvez dans la bouche de la plupart des citoyens, je ne dis pas des responsables de l’Autorité palestinienne. Car si les responsables devaient admettre qu’il n’y a plus les fondements territoriaux d’un État, ils devraient arrêter de négocier. Ou alors adopter une autre stratégie.

L'état des lieux que j'ai constaté de mes propres yeux en Palestine en 2006, notamment autour de Jérusalem, a donc encore empiré. Je suis admiratif devant le calme des Palestiniens de Jérusalem. Jusqu'à quand garderont-ils la maîtrise de leurs émotions ? La poursuite de la colonisation par Israël arrivera-t-elle à les pousser à bout ?
Ceux qui parlent aujourd'hui de Paix me paraissent ou bien très naïfs ou bien très hypocrite.
Mais peut-être convient-il de rappeler ici cette phrase qui résonne dans mes oreilles, elle est d'un chauffeur de taxi, à propos du réchauffement climatique, et elle est citée par Anne Gouyon dans un de ses interview : "c'est vraiment horrible, et si on ne peut rien faire, je préfère ne pas savoir."

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