27 mai 2006

En guise d'éditorial

... Moi qui croyait être un peu au courant de la situation au Moyen-Orient, ce que j'ai vu et entendu là-bas m'a ouvert les yeux tout grands sur une réalité difficilement imaginable d'ici, tellement la réalité est occultée, tellement nous sommes mal informés.

A Pâques, j'ai participé avec une douzaine d'enseignants à une "mission" là-bas : rencontrer, soutenir, confirmer des contacts antérieurs et des actions de formation, découvrir la situation vécue quotidiennement par ce peuple qui se sent abandonné de tous.
Comme les autres membres de la mission, j'en suis revenu très secoué, et bouleversé. Moi qui croyait être un peu au courant de la situation au Moyen-Orient, ce que j'ai vu et entendu là-bas m'a ouvert les yeux tout grands sur une réalité difficilement imaginable d'ici, tellement la réalité est occultée, tellement nous sommes mal informés.
Un déni de conscience ? une volonté de ne pas voir ? une sorte de paralysie de l'information et du jugement ? Ce n'est pas la moindre des questions que nous avons ramenées de là-bas. Comment expliquer cet aveuglement de la presse, de nos responsables politiques, du grand public ?
Alors que dans la population occidentale, encore aujourd'hui "Palestinien" = terroriste, on se trouve en réalité là-bas devant un peuple qui souffre en silence, qui crie dans le désert, "trop gentil" nous disait quelqu'un à Jérusalem, et assez fataliste, témoin cette mère de famille consolant sa fille devant les soldats israéliens empêchant l'ambulance de passer, et donc la fille de se rendre à l'hôpital : "Inch Allah, ma fille, Dieu les punira pour ce qu'ils nous font." C'est une scène forte du film documentaire de l'israélien Avi Mograbi "Pour un seul de mes deux yeux".
En effet que faire face à la force brute du plus fort, quand on est vraiment le plus faible ?
Et la communauté internationale ? Et l'Europe ? Après avoir laissé, par passivité, se développer un drame humanitaire en Bosnie, en train de laisser, par passivité, se développer un drame humanitaire au Darfour, allons-nous bientôt, par passivité, laisser se développer un drame humanitaire en Palestine ?
"Si la paix n'est pas signée, nous a dit quelqu'un, d'ici quelques années tout va exploser."
Or la paix n'arrivera ni du chef des Palestiniens, totalement réduits à l'impuissance, ni du chef d'un Israël tout puissant et assuré d'une totale impunité et du soutien indéfectible des États Unis. Seule une intervention internationale vigoureuse pourra faire avancer les choses. Mais qui le veut vraiment ?
Le peuple Palestinien se sent véritablement abandonné de tous. Il faut dire que c'est un tout petit pays, grignoté de partout par une volonté de conquête territoriale appuyée par tous les partis politiques israéliens : nous avons appris que les premiers plans d'implantation des colonies datent de 1970 et étaient le fait du parti travailliste.
Pourtant, une des constantes que nous avons rencontrées là-bas, est cette volonté des acteurs sociaux et culturels de tabler sur le développement de la citoyenneté, de la solidarité, de la culture et de la créativité, particulièrement chez les jeunes, les enfants et les femmes, particulièrement seules (il y a tellement d'hommes en prison ou au chômage et donc habités d'un sentiment d'inutilité et d'humiliation !) et souvent démunies face à leurs enfants et leurs ados sous pression.
Préparer les jeunes à assumer un rôle de citoyen actif, créatif, cultivé, dans le futur pays qui ne manquera pas de naître un jour : ici, l'espoir est viscéralement ancré au coeur des acteurs sociaux, et ceux que nous avons rencontré sont animés, au delà de leur frustration et de leur colère, d'une force de vie incroyable : vivre dans une telle situation d'usurpation et d'humiliation continuelle donne aux hommes et aux femmes une maturité qui nous a étonné chaque jour. Un peu comme si le choix était "mourir" (et c'est le choix, extrêmement minoritaire, des "kamikazes") ou survivre de toutes ses forces. "Nos parents se sont laissés faire, ils ont fait l'immense erreur de quitter leur maison. Nous, jamais nous ne quitterons notre pays, jamais "ils" ne réussiront à nous faire partir", c'est le discours que nous avons entendu dans les camps de réfugiés. Le sport, les études, la redécouverte des traditions culturelles, le théâtre, la danse, la création artistique, comme antidote au désespoir.
Michel Simonis

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