Je regarde ”l’Amérique face à l’Holocauste”, sur Arte ce mardi 17 octobre 2023.
Aveuglement de la population. Roosevelt, isolé, n’arrive pas à convaincre son pays d’accueillir les juifs qui fuient l’Allemagne nazie et l’Autriche tout juste annexée.
Aucun autre pays du monde n’accepte d’accueillir des immigrés, chacun ayant des arguments pour fermer ses frontières.
(Tiens, on est en 1937 : c’est juste comme maintenant à l’égard des réfugiés de toute origine ! Presque 85 ans plus tard…)
Devant le sort des Juifs qui ne savent où aller face à une Amérique qui refuse de voir la réalité et soutient même Hilter, grenaillée par la propagande nazie et heureuse de vendre ses produits et ses armes à l’Allemagne, je suis ébahi, renvoyé à l’actualité toute récente et je souffre de replonger dans cette vieille histoire que depuis une éternité, être Juif, porter un prénom ou un nom juif, vous rend infréquentable, voire pire, de la part du monde entier. Alors oui, sans doute que l’existence d’un pays refuge, Israël ou un autre, était indispensable, particulièrement dans les années 39-45.
Mais depuis lors, que d’occasions manquées, de part et d’autre, que d’erreurs de jugement, que de maladresses et de refus de collaborer de part et d’autre.
A l’égard des Palestiniens, le refus de reconnaître la douleur de ce peuple qui a perdu son pays, ses villages, ses maisons, juste déjà simplement de manifester de l’empathie, a manqué chez la plupart des Israéliens et des Européens.
On aurait pu simplement, au minimum, reconnaître que les Israéliens étaient établi sur la terre d’un autre peuple, qui a perdu son pays, ses villages, ses maisons, ses champs, ses oliviers, ses sources, et que cela méritait d’être reconnu, avec compassion.
C’eût été le minimum.
Mais plus aurait bien entendu été nécessaire : partager.
Partager la terre, partager la vie, accepter deux peuples sur une même terre, combien d’autres pays l’ont fait, dans la douleur ou dans la générosité.
Ou alors, accepter un Etat palestinien à côté d’Israël. Si un seul Etat multiculturel - et surtout multi-religieux - n’était pas possible, au moins accepter deux Etats voisins, vivant des échanges humains, culturels et commerciaux dans l’harmonie.
L’imbécilité des religieux de chaque bord a empêché cela.
Le délire des extrémistes nationalistes et religieux a entraîné les uns et les autres dans une spirale de haine, de violence, de massacre, de rancoeur que me faisait dire, il y a des dizaines d’années déjà, que la paix dans ce pays demanderait au moins 500 ans pour advenir.
Je n’ai pas changé d’avis. Je le crois toujours. Il m’est impossible d’imaginer que la paix ne puisse s’établir un jour. L’idée d’une guerre perpétuelle, éternelle, m’est insupportable. Oui, certes, la paix viendra. Mais il faudra sans doute 500 ans pour qu’on y arrive, les uns et les autres.
500 ans ou plus encore…
Comment ne pas entendre alors avec bonheur, ce dimanche soir, Ofer Bronchtein, Président du forum international de la Paix, dans l’émission "En société", présenté par Karim Rissouli, ce dimanche 22/10/2023 ? (1) :
"L’idéologie du Hamas ne se tue pas avec des balles, mais avec des écoles"
On me dira que je cible trop Israël et pas assez les Palestiniens. Peut-être avec raison.
Mais le faut aussi comprendre ma déception.
Avant 1967, j’aimais bien l’esprit des kibboutz, j’avais des disques avec les musiques et les danses israéliennes (que j’ai dansées). Comme la plupart des gens de gauche des années 60, j’avais un à-priori pour le peuple juif victime du nazisme et lui aussi, exclus, dépossédé, et j’avais une sympathie naturelle pour l’existence d’Israël.
Puis, en 1967 (j’avais 29 ans), j’étais en Algérie, travaillant au ”Secours National Algérien” auprès des ”Yaouleds Chaab” (2) les "Enfants des rues" devenus ”Enfants du Peuple”.
Arrive la guerre des 6 jours (en juin 1967). Israël attaque l’Egypte, la Jordanie et la Syrie.
J’ai vécu, solidairement avec la population algérienne, très intensément, la peur d’une attaque d’Israël contre l’Algérie, terreur fantasmée partagée par beaucoup de peuples arabes.
Pour moi, comme pour beaucoup d’autres, ce fut un grand retournement. Ma solidarité avec le peuple israélien, opprimé, est devenue une solidarité avec le peuple palestinien, dépossédé.
Une solidarité à toute épreuve, sans trop d’hostilité à l’égard des juifs d’Israël, tandis que je gardais pleine et entière ma sympathie et mon amitié pour mes amis juifs d’ici.
Puis, trente ans plus tard, je suis parti avec Marco, un ami juif, dans un voyage de solidarité avec le peuple palestinien, en Palestine et à Jérusalem.
M’a beaucoup touché et interpellé le fait que ce simple voyage a été perçu et apprécié par les Palestiniens comme une preuve de soutien. De leur existence, de leur cause, de leur culture, de leurs luttes.
Ce que j’ai vu m’a laissé des traces indélébiles, que je n’oublierai jamais : les colonies, les camps de réfugiés, le traitement des palestiniens par les colons, l’eau et les terres accaparées, les oliviers arrachés, le mur de séparation, les check-points, les appropriations des toits des maisons palestiniennes par les colons à Jérusalem…J’ai rendu compte de tout cela du mieux que j’ai pu dans des articles de mon bulletin de L’Arcenciel, devenu un site et puis ce blog larcenciel-Palestine.
Dans l’Edito du numéro spécial ”Palestine”de Larcenciel (https://larcenciel.be/9), j’écrivais :
”Si la paix n’est pas signée, nous a dit quelqu’un, d’ici quelques années tout va exploser.”
Or la paix n’arrivera ni du chef des Palestiniens, totalement réduits à l’impuissance, ni du chef d’un Israël tout puissant et assuré d’une totale impunité et du soutien indéfectible des États Unis. Seule une intervention internationale vigoureuse pourra faire avancer les choses. Mais qui le veut vraiment ?
Le peuple Palestinien se sent véritablement abandonné de tous.” (Cétait en 2006)
En définitive, et pour boucler la boucle, j’en reviens au gâchis et aux occasions manquées.
On pourrait dire que la question palestinienne se joue à quatre : les Juifs ordinaires, croyants ou non, les Juifs religieux orthodoxes, les Arabes ordinaires, croyants ou non, et les Arabes musulmans islamistes, nébuleuse dont l’éventail est fort vaste, et intriqué.
Si j’ai tendance à mettre sur le même pied les extrémistes religieux juifs et musulmans, je n’oublie pas l’influence néfaste et perfide des extrémistes chrétiens, particulièrement évangélistes, qui rêvent d’un grand Israël débarrassé des arabes afin de faciliter le retour de Christ à Jérusalem, et soutiennent dès lors les religieux juifs qui partagent aussi le même mythe du retour au Grand Israël. (3)
Sans compter tous les autres acteurs de la communauté internationale, essentiellement occidentale, qui a créé le problème judéo-palestinien, et l’a entretenu jusqu’à présent. Et dont la responsabilité est immense.
Les différentes lectures que je vous présente ici et dans le dossier de larceciel "Le gâchis des occasions manquées", éclairent bien les responsabilités internationales, en grande partie occidentales, dans le conflit israélo-palestinien.
Michel Simonis,
Octobre 2023
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Ofer Bronchtein est président du Forum international pour la paix et la réconciliation au Moyen-Orient, ONG qui promeut le dialogue entre Palestiniens et Israéliens. L'auteur est un ancien collaborateur d'Yitzhak Rabin, premier ministre travailliste de l'État d'Israël, cosignataire des accords d'Oslo avec Yasser Arafat en 1993 et assassiné en 1995.
"Les événements récents constituent un tournant majeur dans l'histoire d'Israël. Pour la première fois de son existence, l'État hébreu est attaqué en plein cœur, avec une barbarie inexplicable, inexcusable. S'il est évident que nous allons faire face à de la violence extrême de part et d'autre, la tristesse, l'effroi et la colère devront progressivement laisser place au dialogue et à la réconciliation. Ce choix ne sera pas facile, mais il n'existe pas d'alternative militaire au conflit israélo-palestinien."
"Ce conflit ne sera jamais résolu par la violence. mais par le respect mutuel, l'humilité la générosité et pourquoi pas, un jour le pardon."
(2) https://souffleinedit.com/nouvelles/zoubida-belkacem/
(3) Les chrétiens évangéliques, meilleurs alliés d’Israël
Le rêve d'un Etat englobant Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza, «Eretz Israël Ha'Shlema», littéralement, la terre d'Israël complète, mythe oublié entre 1948 et 1967, a resurgi au lendemain de la guerre des Six Jours, dans l'ivresse d'une victoire éclair sur les armées arabes. Le Grand Israël désigne alors tous les territoires conquis durant la guerre. Pour de nombreux Israéliens, il ne saurait être question de se retirer de ces territoires «libérés».
Le concept d'Eretz Israël remonte à la Bible, et ses frontières ont fait l'objet d'interprétations multiples. Mais l'idée que ce territoire imaginaire revienne, dans son intégralité, au peuple juif, dans le présent, au nom de l'Histoire, de Dieu ou d'impératifs de sécurité, est tout à fait moderne. (https://www.liberation.fr/tribune/2005/01/10/le-grand-israel-fin-d-un-mythe_505597/)
”Convaincus que l'établissement d'un Etat juif en Palestine est l'accomplissement de la prophétie biblique, les 40 millions de chrétiens évangéliques, essentiellement américains, qui constituent la base électorale la plus solide du Parti républicain, sont pour la plupart de fervents sionistes. Ils voient en nous le « peuple élu » et attribuent un rôle décisif aux Juifs et à l´Etat d´Israël dans le projet divin pour la fin des temps. Leur finalité hautement stratégique est tissée autour du Grand Israël dont l’objectif principal est d’amener les Juifs du monde entier à revenir sur la terre de leurs ancêtres... et de se convertir. Ce qui annoncerait, selon leurs Ecritures, la nouvelle venue de leur messie.
C’est pourquoi ils soutiennent financièrement et politiquement l’Etat hébreu et se présentent comme les meilleurs amis et soutien du peuple juif.” (Noémie Grynberg, ”Les évangélistes et Israël : un ‘’amour’’ à double tranchant”)
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