21 septembre 2018

Une annexion dans les faits

Extraits de l’article “Oslo : un cadre pour la stratégie d’annexion israélienne” paru le 19 septembre 2018 dans le bulletin de lAPB (Association belgo-palestinienne - Wallonie- Bruxelles asbl)

(…)
La colonisation va par ailleurs de pair avec la destruction d’infrastructures palestiniennes en zone C et à Jérusalem-Est. Ces destructions ont atteint un maximum de 1094 structures détruites en 2016. Cet été, l’attention internationale s’est portée sur les villages palestiniens de Khan al Ahmar et Abu Nuwar, en bordure du territoire E1 (situé entre Jérusalem-Est et la colonie de Ma’ale Adumim), et menacés de démolition parce qu‘Israël projette d’y établir une nouvelle colonie. Le projet de construction de cette colonie a toujours été particulièrement sensible étant donné qu’elle séparerait définitivement Jérusalem-Est de la Cisjordanie, tout en coupant cette dernière en deux parties, nord et sud.

Le Mur a lui aussi permis à Israël d’annexer les grands blocs de colonies au territoire israélien, coupant de nombreux villages palestiniens de leurs terres. C’est ainsi que 9,4 % supplémentaires de la Cisjordanie, situés entre la Ligne verte et le Mur, se retrouvent de facto annexés à Israël.
A Jérusalem même, le Mur expulse ainsi certains quartiers du territoire de la ville. Jusqu’ici ces quartiers appartiennent en théorie à la municipalité de Jérusalem, même si en pratique, ils n’en reçoivent que peu d’attention. Mais un projet de loi en discussion à la Knesset menace aujourd’hui d’exclure de la municipalité les quartiers de Kufr’Aqab, du camp de réfugiés de Shu’fat et d’Anata. Quelque 140 000 Palestiniens perdront par conséquent leur droit de résidence. Parallèlement, les colonies de Ma’ale Adumim, Gush Etzion, Efrat, Beitar Illit et Giv’at Ze’ev, qui entourent Jérusalem-Est et sont entourées par le Mur, feront partie intégrante du Grand Jérusalem. Dès lors, 150 000 nouveaux électeurs juifs participeront aux scrutins municipaux à Jérusalem. Cette perspective ne serait qu’une étape de plus dans la judaïsation de la ville, ou autrement dit la normalisation de l’annexion de Jérusalem-Est par Israël.

Un apartheid dans les lois


Outre les « faits sur le terrain » qui ancrent la présence israélienne toujours plus profondément en Palestine occupée, la droite israélienne au pouvoir s’emploie à étendre l’application des lois israéliennes au territoire palestinien. La Knesset discute pour le moment une douzaine de ces « lois d’annexion ». La plus connue d’entre elles, la « loi de régularisation », adoptée en février 2017, permet de régulariser la présence des colons sur des terres privées palestiniennes, accordant au propriétaire palestinien le droit de demander des compensations mais lui refusant tout recours en vue de récupérer sa terre. Cette loi est la première loi votée par la Knesset applicable à un territoire pour lequel elle n’est pas juridiquement compétente.



Le mouvement vers l’annexion se poursuit ainsi toujours un peu plus sous l’impulsion du mouvement des colons. La stratégie de ce dernier visant à infiltrer le Likoud porte aujourd’hui ses fruits. Fin décembre 2017, le Comité central du parti a en effet voté, contrairement à l’avis du Premier ministre Netanyahou, en faveur de l’annexion définitive de la zone C par Israël afin de permettre la construction sans entraves de nouvelles colonies. L’adoption le 19 juillet dernier de la très controversée loi définissant Israël comme « l’Etat nation du peuple juif » montre également la surenchère à laquelle Benjamin Netanyahou est contraint pour ne pas se faire dépasser sur sa droite par le parti pro-colons de Naftali Bennett. Parmi les principes qu’elle édicte, la loi sur l’Etat nation stipule également que “l’État encouragera la colonisation juive”.

Que ce soit en Cisjordanie ou en Israël, les lois israéliennes instituent chaque jour un peu plus un véritable système d’apartheid. En Israël avec la loi sur l’Etat nation juif, les citoyens non juifs sont désormais officiellement des citoyens de seconde zone. En Cisjordanie, les colons juifs relèvent de plus en plus du droit civil israélien tandis que les Palestiniens continuent à vivre sous la juridiction d’ordres militaires et doivent dès lors comparaitre le cas échéant devant les tribunaux militaires israéliens.

Les deux options de l’UE


Face à ces développements, l’UE reste attachée au cadre des accords d’Oslo. Elle continue de répéter qu’il est nécessaire de sauvegarder la solution à deux Etats, mais échoue à adopter une politique cohérente avec ce leitmotiv. Or les relations économiques que l’UE et ses Etats membres entretiennent avec Israël contribuent à alimenter l’économie de la colonisation.

Il est pourtant nécessaire que l’UE réalise que rien n’arrêtera le glissement progressif vers une annexion israélienne du territoire palestinien
. Le statu quo est en effet bien trop confortable pour qu’Israël y préfère un désengagement des colonies. Il est donc urgent que l’Union européenne renforce sa politique de différenciation. En effet, en distinguant dans ses relations avec Israël le territoire israélien et ses colonies, tel que le prescrit la résolution 2334 du Conseil de Sécurité de l’ONU, l’UE augmenterait le coût de la colonisation et rendrait le statu quo moins commode pour les Israéliens. Si, au contraire, l’UE s’obstine à défendre le « business as usual » avec Israël, elle se retrouvera inévitablement confrontée à la nécessité d’un changement de paradigme face à l’avènement d’une réalité à un seul Etat, dans lequel prévaudra un système d’apartheid.

Par Nathalie Janne d’ Othée
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Article du prochain bulletin  Palestine N°77  : ”Tout Palestinien résiste à l’occupation dès sa naissance”
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