22 janvier 2024

Des personnalités israéliennes s’inquiètent de l'impunité des auteurs de discours hostiles aux Palestiniens de Gaza

 Dans un long courrier à la procureure générale, d’anciens ambassadeurs, universitaires et parlementaires lui demandent de considérer les discours d’incitation à la haine et aux crimes.


Vincent Braun. La Libre.
Publié le 04-01-2024


Depuis les massacres perpétrés par le Hamas en Israël le 7 octobre, l’opération Épées de fer que l'armée israélienne a lancée en représailles dans la bande de Gaza pour éradiquer le mouvement islamiste s’est accompagnée d’une rare libération généralisée de la violence verbale dans l’espace publique. Une multitude de déclarations appelant à la mort des “terroristes” s’est ainsi répandue à tous les étages de la société israélienne, visant souvent l’ensemble de la population palestinienne du territoire côtier, aujourd’hui détruit en majeure partie selon l’Onu.

Ce discours de revanche, qui incite à commettre les pires crimes et participe à un climat ambiant hostile aux Palestiniens, inquiète nombre de personnalités en Israël. Certaines d’entre elles, d’anciens diplomates et parlementaires, des universitaires, des journalistes et des militants ont adressé un courrier, daté du 28 décembre, à la procureure générale d’Israël, Gali Baharav-Miara. Les auteurs de ce texte d’une dizaine de pages lui demandent de ne plus ignorer ces incitations et de publier leurs observations dans la sphère publique, seules manières selon eux d’enrayer ces propos “qui portent atteinte aux valeurs fondamentales” d’Israël. Sans quoi sa responsabilité pourrait être engagée.

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"Discours public sans précédent" 

Les signataires recensent des déclarations débridées – ainsi que leurs auteurs – rapportées depuis près de trois mois par les médias. Soit autant d’appels et d’incitations à “raser” la bande de Gaza, à “bombarder sans distinction” et “sans pitié”, à “éradiquer (le territoire) de la carte ainsi que ses habitants”, à “exterminer”, “expulser” les Gazaouis en masse, considérés de façon indiscriminée. “Personne n’est innocent dans la bande de Gaza”, a ainsi affirmé le député Yitzhak Kroizer (Force juive). “Il est interdit d’avoir pitié des (gens) cruels, il n’y a pas de place pour des gestes humanitaires”, dira le 16 octobre le député Boaz Bismuth. Sans compter les multiples références aux nazis et même à l’usage de la bombe atomique.

”Ces propos et bien d’autres de la part d’élus s’inscrivent dans une vague de déclarations qui commencèrent déjà le soir de cet horrible sabbat du 7 octobre, et qui a donné naissance à un discours public sans précédent dans lequel les dirigeants, les médias des personnalités, d’anciens militaires et des influenceurs de toutes sortes appellent publiquement à commettre des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et même perpétrer un génocide à Gaza”, déclarent les auteurs. Parmi ceux-ci figurent les ambassadeurs honoraires Ilan Baruch et Elie Barnavi, plusieurs chercheurs renommés comme David Harel, Dan Jacobson et Dmitry Shumsky, les anciens députés Mossi Raz ou Michal Rozin, de même que les influents journaliste Akiva Eldar et militante Susie Becher.

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"Des monstres immoraux"

Les horreurs commises par les militants du Hamas sur les civils israéliens ont plongé la société “dans un traumatisme dont il faudra des années pour guérir”, écrivent les auteurs. “C’est précisément le substrat sur lequel des monstres immoraux sont susceptibles de se développer et se sont développés”. Dès que les premières réactions aux massacres ont été publiées sur les réseaux sociaux, ajoutent-ils dans ce courrier, “le discours israélien a été marqué par une incitation pure et simple, franche, flagrante et débridée aux crimes les plus graves imaginables contre la population civile de la bande de Gaza”. Et ces propos sont “devenus une part légitime et normale du discours israélien”. Et ce, d’autant plus facilement qu’une partie importante de leurs auteurs ne sont pas de simples commentateurs mais des figures médiatiques, des célébrités, d’anciens haut gradés de l’armée, des universitaires, des députés et même des ministres. 

Le courrier rappelle que, dans la mesure où Israël a signé et ratifié la Convention internationale relative au crime de génocide, l’obligation de poursuivre les auteurs de ce crime prévaut. De même, l’incitation à commettre un génocide est aussi considérée comme un crime. Par ailleurs, “faire du mal à des personnes innocentes en tant qu’acte de vengeance […] correspond à la définition d’un acte de terreur comme défini par la loi Anti-terrorisme de 2016”. 

L'envoi de ce courrier à la procureure a coïncidé avec l’annonce du dépôt d’une requête par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice. Elle accuse Israël de se livrer à des actes de génocide contre la population palestinienne de la bande de Gaza.

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