A Hébron, les Palestiniens résistent en plantant des arbres
Nous refusons d’être ennemis", indique le panneau à l’entrée de la ferme de la famille Nassar, près de la route de Bethléem à Hébron. Une terre de 400 dunams (1) que leur grand-père avait acquise en 1916 pour en faire un verger d’oliviers et d’arbres fruitiers. A l’époque, le seul village proche était celui de Nahalin dans la vallée. Aujourd’hui, ils sont cernés par cinq colonies israéliennes.
"Elles sont toujours situées au sommet des collines", explique Daher, l’un des frères qui travaillent à la ferme. "C’était en 1967 (après la guerre des Six jours), des colons sont venus et ont construit un hangar pour les vaches", un large bâtiment en structure métallique qu’on aperçoit à l’extrémité du kibboutz de Rosh Tzurim. Puis sont apparues El’azar, Neve Daniel, Gvaot et Betar Illit, forte aujourd’hui de 40 000 habitants.
Dès 1991, les autorités israéliennes revendiquent la terre des Nassar. Sommés d’en partir, ils refusent et présentent leurs titres de propriété datant de l’époque ottomane et du mandat britannique. S’ensuit une longue bataille juridique, qui a toujours cours. "Sur la colline, c’est un emplacement stratégique", explique Daher. "Et nous possédons une surface importante. Les Israéliens se fichent des petites parcelles des paysans de Nahalin." Depuis 1995, le territoire est désormais en zone C - sous contrôle administratif et sécuritaire israélien - et les Nassar ne disposent d’aucun permis de construire, ni d’accès à l’eau ou à l’électricité.
Une "intifada verte"
Et pourtant, ils restent et résistent, en plantant des arbres : "C’est le meilleur moyen de montrer que nous travaillons la terre et qu’ainsi nous l’occupons." Le projet de la Tente des Nations naît en 2000 pour accueillir des volontaires internationaux qui plantent avec eux oliviers et vignes sur les pentes des collines en terrasses. En 2015, plus de 7 000 visiteurs sont passés ici : des étrangers, des Israéliens "et même des colons".
Ce qui n’empêche pas un petit matin de mai 2014 à des bulldozers de l’armée israélienne de venir arracher un millier d’arbres fruitiers - 300, selon d’autres sources - situés sur les terres revendiquées par Israël. Un épisode que Daher n’oublie pas. Alors plus que jamais, "il faut planter".
"Intifada verte". C’est le nom donné au combat mené à Battir, un village proche de Bethléem, contre la construction d’un mur sur ses terres, le long de la ligne de chemin de fer, laquelle sépare Israël des territoires palestiniens depuis 1948. Seulement, des parcelles de terre cultivées par les villageois se trouvent de part et d’autre de celle-ci. La construction d’une barrière les empêcherait d’y accéder et saccagerait aussi le paysage, célèbre pour ses terrasses séculaires en pierre sèche. Cependant, 70 % de Battir, dont la vieille ville et les terres arables, sont situés en zone C.
Aussi dès 2010, Hassan Muamer, originaire de Battir, s’investit avec d’autres pour mettre en valeur son patrimoine, tracer des chemins de randonnée et restaurer les murets de pierre. En parallèle, après un dossier déposé à l’Unesco, les terrasses cultivées et le réseau d’irrigation de Battir sont inscrits au patrimoine mondial en 2014, sous l’appellation "Palestine : terre des oliviers et des vignes - Paysage culturel du sud de Jérusalem, Battir".
Un "kibboutz palestinien"
Cette victoire contribue en 2015 à ce que la Cour suprême israélienne renonce à son projet : "Nous sommes le premier village à avoir évité la construction du mur dans notre secteur", avance fièrement Hassan. Le classement à l’Unesco lui paraît être une protection supplémentaire parce que "la valeur patrimoniale" de Battir est désormais "reconnue à l’échelle internationale" et "si les Israéliens veulent y toucher, ce n’est plus à nous qu’ils devront s’attaquer".
Sur les hauteurs d’al-Bireh près de Ramallah, une petite équipe s’active à planter des légumes. Chaque week-end, Amin Hamayel accueille ainsi des volontaires sur sa ferme. "Je veux créer une sorte de kibboutz palestinien", plaisante ce cinquantenaire né aux Etats-Unis et rentré au pays il y a quinze ans. Aujourd’hui, avec sa terre de 16 dunams, ses moutons et ses chèvres, il est autosuffisant.
En 2011, Amin fonde l’association Sharaka ("partager" en arabe) pour permettre "à ceux qui n’ont plus de terre" - suite à la partition de 1948 - d’en retrouver une et de profiter de ses fruits : "Notre résistance passe par la terre. Et comme Israël nous coupe parfois les routes, nous devons assurer un réseau de fermes autour de chaque ville pour assurer les besoins locaux" et ne plus dépendre des produits maraîchers reçus d’Israël. Située en zone C, sa terre est souvent visitée par l’armée israélienne. Et pourtant, le "cheikh", comme on l’appelle ici, croit en une coexistence pacifique. "Pourvu que la dignité humaine soit partagée des deux côtés. Ce n’est pas le cas actuellement."
(1) Unité de mesure de surface datant du mandat britannique. Il vaut ici 1 000 m2.
Reportage Claire Bastier, Correspondante en Israël
Publié dans La Libre le jeudi 30 juin 2016
Photo Reporters Abaca
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