22 mars 2007

Tanya Reinhart va terriblement nous manquer

Nous apprenons la mort soudaine de Tanya Reinhart, hier à New York, d'un accident vasculaire cérébral.

Tanya Reinhart aurait pu se contenter d'être une brillante linguiste et de parfaire sa carrière universitaire en Israël. Mais elle a fait le choix de dénoncer, de résister aux pressions. Dans sa tribune bi-mensuelle dans le quotidien israélien Yediot Ahoronot, comme dans ses livres, "Détruire la Palestine" et "L'héritage de Sharon", elle a brossé un tableau sans concession de la terrible situation créée par les dirigeants de son pays, avec une faculté d'anticipation rare.
"Détruire la Palestine" (Editions La Fabrique) est une description magistrale de l'ensemble des stratagèmes utilisés depuis toujours par les dirigeants israéliens pour ne pas s'engager dans un véritable processus de paix, et pour faire croire que la responsabilité en incombe aux Palestiniens. Tanya Reinhart décortique notamment les 7 ans que durèrent les "accords d'Oslo" et montre la distorsion entre ce qui fut présentée comme "l'offre généreuse" de Ehoud Barak, et la réalité. C'est à dire à la fois le resserrement de l'étau autour des Palestiniens dans le même temps (entre 1993 et 2000), et les "propositions" totalement inacceptables des Israéliens, car ne permettant aucune viabilité pour un Etat palestinien qui se serait retrouvé morcelé, sans continuité territoriale, et privé de Jérusalem Est.

Plus récemment, Tanya Reinhart fut la première à dénoncer la "poudre" aux yeux" que constituait l'annonce du "désengagement" de la Bande de Gaza par Sharon, auquel elle n'a jamais cru. "Derrière l'écran de fumée du 'retrait' de Gaza se profile le transfert des Palestiniens", écrivait-elle, tandis que nos gouvernants saluaient le "grand homme de paix".
Tanya fut également l'une des rares opposantes israéliennes à soutenir le boycott des institutions de son pays, notamment universitaires. "Nous cesserons de redouter le boycott quand nous respecterons le droit international", répondait-elle non seulement à l'establishment israélien, mais aussi à cette "gauche" israélienne timorée, soi-disant pacifiste, qui accepte l'impunité dont jouissent l'Etat d'Israël et l'ensemble de ses institutions. Tanya Reinhart n'hésita pas à apporter son soutien à l'université Paris 6, lors du vote par son conseil d'administration, en 2003, de la suspension de ses relations privilégiées avec les universités israéliennes.

Lors de sa dernière conférence en France, le 7 décembre dernier à la librairie Résistances, elle dénonça violemment l'embargo imposé au peuple palestinien, expliquant que les pays européens, dont la France où nous nous trouvions, n'avaient pas le droit de couper ainsi les vivres aux Palestiniens. "Ce n'est pas un acte de générosité que l'Europe aurait la faculté de poursuivre ou pas, expliquait-elle. C'est un choix qui a été fait de se substituer aux obligations de l'occupant israélien auquel le droit international impose de veiller au bien-être des populations occupées. L'Europe a choisi de ne pas obliger Israël à respecter ses obligations, et a préféré verser de l'argent aux Palestiniens. En cessant de la faire, elle viole le droit international".

Fatiguée, Tanya s'était "excusée" de ne plus avoir la force de rester en Israël où, indiquait-elle, la répression physique contre les vrais opposants, était devenue de plus en plus brutale. Elle avait donc décidé d'aller enseigner aux Etats-Unis et venait de s'installer à New York.

Nous exprimons toute notre douleur et notre sympathie à son compagnon, Aharon Shabaï, un homme de grand coeur et de talent.

CAPJPO-EuroPalestine
http://www.europalestine.com

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