Un Blog centré sur la Palestine, complément du site et du Blog de L'ARC EN CIEL.
20 octobre 2015
L’écrivain qui a quitté son pays faute de pouvoir le changer
Sayed Kashua a les idées bien tranchées. Les actes aussi. En juillet de l’an dernier, il quitte Israël avec sa famille. Miné par la haine, la violence, le racisme et les injustices qui déchirent son pays. Désespéré et impuissant face à tout ce qu’il combat par la plume depuis près d’un quart de siècle. A 40 ans, l’écrivain et journaliste israélien, d’origine palestinienne mais de langue hébraïque, est un peu la conscience de la minorité arabe d’Israël. Ses récits racontent les difficultés de ces citoyens à part - pas vraiment - entière de l’Etat hébreu. Ses chroniques satiriques, où il fait preuve d’un humour bien trempé et décalé, prêchent - presque inlassablement - l’édification d’un Etat utopique, où Juifs et Arabes vivraient égaux. Mais cet été-là, "quelque chose s’est brisé en moi" , écrit-il dans le "Haaretz", un quotidien dont il est l’un des chroniqueurs vedettes depuis des années.
Le mois précédent, trois adolescents israéliens disparaissaient en Cisjordanie. Leurs corps étaient retrouvés, sans vie, trois semaines plus tard. Entre-temps, Israël avait lancé une opération de police musclée dans le territoire palestinien. Le lendemain de la macabre découverte, un adolescent palestinien était brûlé vif par des extrémistes juifs. Une semaine plus tard, suite à l’intensification des tirs de roquettes sur Israël, l’armée israélienne lançait une offensive dans la bande de Gaza.
"Cela fait vingt-cinq ans que j’écris en hébreu, et rien n’a changé" , regrette Sayed Kashua quelques jours plus tôt dans le "Haaretz". "Vingt-cinq ans pendant lesquels je n’ai pas eu beaucoup de raisons d’être optimiste mais j’ai continué à croire que c’était encore possible que, un jour, ce lieu où vivent des Juifs et des Arabes puisse connaître une histoire qui ne nie pas l’histoire de l’autre" , poursuit-il dans cette longue chronique où il explicite les raisons qui le poussent à quitter la terre de ses ancêtres, où ses aïeux ont choisi de rester à la fondation de l’Etat d’Israël.
Un exil américain
Avec ses récits, rédigés en hébreu, l’écrivain pensait faire partager plus facilement à la communauté juive dominante le vécu et l’état d’esprit des citoyens arabes d’Israël. Il espérait changer les mentalités, puis la situation du pays. "Grâce à mes histoires, un jour, nous deviendrions des citoyens égaux, presque comme les Juifs."
Mais cet été-là, la résignation l’emporte. Dans des débats auxquels il participe, il comprend avec douleur qu’ " une majorité désespérément déterminante dans le pays ne reconnaît pas à l’Arabe le droit de vivre, en tout cas pas dans ce pays" .
Alors, Sayed Kashua précipite son départ aux Etats-Unis, où il avait prévu de passer une année sabbatique à enseigner. L’université de l’Illinois, à Urbana, l’avait invité dans le cadre d’un programme sur la société israélienne et le Moyen-Orient.
Pour autant, il n’a pas renoncé à ce "pouvoir de l’écriture" qu’il comprend très vite. Lui, originaire d’un petit village à majorité arabe du centre d’Israël, qu’un professeur repère et envoie dès 14 ans dans un prestigieux internat à Jérusalem. "Tout ce que je devais faire, c’était écrire, et l’occupation prendrait fin" , raconte encore l’écrivain dans la même chronique.
Trois romans et une série télévisée naîtront de son imagination. L’an dernier, son premier livre, "Les Arabes dansent aussi" (L’Olivier, 2002), est devenu un film dont il a signé le scénario. Un projet qui a abouti l’an dernier et qui témoigne d’une de ses préoccupations principales, le souci de la transmission, quel que soit le médium.
Un plan de paix osé
Six mois plus tôt, il livrait dans une autre chronique du "Haaretz" un "plan de paix révolutionnaire" en quarante points, à la fois audacieux, farfelu et aussi drôle qu’impitoyable, traduisant les tares et dysfonctionnements de la société israélienne. Il y esquissait les contours d’un "nouvel Etat" , qui sera un "havre" tant pour les Juifs que pour les Palestiniens du monde entier, les uns et les autres ayant fait "la preuve devant une commission ad-hoc" qu’ils sont persécutés et discriminés du fait, respectivement, de leur "judéité" et "palestinité" .
Dans cet Etat, soulignait-il, la foi et l’hérésie sont autorisées mais il n’y aura pas de religion d’Etat. Il y sera interdit de fonder des partis et des institutions scolaires juifs ou arabes. "L’arabe et l’hébreu seront les langues obligatoires dans l’ensemble des réseaux éducatifs du pays, jusqu’à ce qu’elles se fondent en une seule" , ose-t-il même dans son vingt-troisième point. Un Etat où "un seul et unique narratif historique sera enseigné à tous les enfants" .
Pour cet Etat dont le nom sera "changé" , Sayed Kashua recommande un hymne national "sans paroles" et un "drapeau blanc" à brandir lors des cérémonies sportives. Les politiciens seront remplacés par les philosophes - qui n’en seront pas s’ils croient en Dieu. Enfin, préconise-t-il, "tout citoyen ou citoyenne qui se croit supérieur à un ou une autre sera déporté(e) en Sibérie" .
S’agissant de son exil volontaire aux Etats-Unis, qu’il pensait "définitif" à son départ, Sayed Kashua évoquait au début de cet été la perspective d’un retour au pays. Qui ferait fi des injustices, toujours criantes.
Sayed Kashua, écrivain déçu
D’origine palestinienne, l’Israélien Sayed Kashua a très vite compris le pouvoir de l’écriture. Il en a fait son métier. Ses récits de fiction, sa série télévisée et ses chroniques journalistiques racontent le quotidien de la minorité arabe d’Israël de laquelle il provient.
En écrivant en hébreu, il pensait faire évoluer les mentalités dans la communauté juive majoritaire, et ensuite changer le cours des choses. Las, l’an dernier, il quitte Israël, conscient de son "échec", devant la montée de l’intolérance et des violences.
http://www.lalibre.be/actu/international/les-extravagants-310-l-ecrivain-qui-a-quitte-son-pays-faute-de-pouvoir-le-changer-55d371c035708aa437954eb3
Gaza, un an après
Publié le mardi 07 juillet 2015 dans La Libre
Une opinion d'un collectif de la société civile (voir les principaux signataires ci-dessous*).
Il y a un an, le gouvernement israélien y lançait l’opération "Bordure protectrice". Aujourd’hui, face à la situation d’extrême urgence dans la bande de Gaza, la communauté internationale ne peut plus rester les bras croisés.
Il y a un an, le gouvernement israélien lançait l’opération Bordure protectrice sur la bande de Gaza, prétendant agir en réponse aux tirs des roquettes et mortiers des groupes armés palestiniens vers Israël. Bilan de l’attaque : 2 132 Palestiniens (dont 70 % de civils) et 71 Israéliens (dont 9 % de civils) ont perdu la vie. A Gaza, un quart de la population a été déplacé, des quartiers entiers ont été rasés, 75 hôpitaux et 270 écoles ont été endommagés et 18 000 habitations ont été détruites laissant plus de 100 000 personnes sans abri. Un bilan si désastreux qu’une organisation de l’Onu déclarait que la reconstruction prendrait 20 ans.
Dans les conclusions de son rapport de juin dernier, la commission chargée par le Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu d’enquêter sur les violations du droit international commises durant Bordure protectrice évoque un "niveau de dévastation sans précédent" à Gaza. La commission souligne que des violations du droit international humanitaire - et potentiellement des crimes de guerre - ont été commises par Israël et les groupes armés à Gaza. La disproportion en termes de puissance militaire est néanmoins évidente. Comme le souligne la commission, les nombreuses attaques menées par l’armée israélienne contre des quartiers résidentiels ou densément peuplés alors qu’il était clair que l’impact sur les populations civiles serait désastreux sembleraient s’inscrire dans une doctrine militaire, approuvée au plus haut niveau du gouvernement israélien.
Depuis plusieurs années, les opérations militaires israéliennes se succèdent (Plomb durci en 2008, Pilier de défense en 2011, Bordure protectrice en 2014) et leur bilan est de plus en plus lourd. Durant les hostilités, on constate une véritable érosion des règles de base du droit international humanitaire. L’utilisation d’armes explosives par l’armée israélienne dans des zones urbaines densément peuplées a augmenté de façon exponentielle. L’emploi massif de bombes aériennes et d’artillerie lourde démontre une indifférence choquante pour le sort de la population civile à Gaza. En même temps, la croissance progressive de la portée des roquettes des groupes armés à Gaza met un plus grand nombre de civils israéliens en danger. Aujourd’hui, à Gaza, un enfant de 7 ans aura subi 3 opérations militaires de grande ampleur. Les seules constantes qu’il aura connues sont le blocus, l’impunité d’Israël, les pertes civiles, les destructions et aucun espoir d’une vie digne et sûre à l’avenir.
Blocage des fonds pour la reconstruction
Après l’opération Bordure protectrice, une conférence internationale s’est tenue au Caire afin de réunir les bailleurs de fonds pour la reconstruction de Gaza. Au jour d’aujourd’hui, seuls 27 % des 3,5 milliards déjà levés ont été débloqués. Les questions sous-jacentes au blocage des fonds sont cyniques : pourquoi refinancer des infrastructures qui pourraient être détruites dans les prochains mois? Comment investir dans la reconstruction alors que ce sont les mesures de restrictions sévères imposées par Israël qui empêchent la reconstruction ?
La situation d’extrême urgence de la bande de Gaza n’est pas uniquement liée aux attaques à répétition. Depuis 8 ans, la population gazaouie vit sous blocus israélien. Or il s’agit d’un des territoires les plus densément peuplés du monde. Durant les attaques, il n’y a pas d’abri où se réfugier. Et après les attaques, la reconstruction est quasi impossible. En dehors des attaques, et en conséquence de l’enfermement, l’économie est dévastée, le taux de chômage est de 47% tandis que 80 % des habitants vivent grâce à l’aide alimentaire internationale. L’activité industrielle est au point mort, le fonctionnement des hôpitaux dépend de l’acheminement de l’essence des groupes électrogènes, l’exportation de produits issus de l’agriculture est impossible et les zones de pêche autorisées par l’armée israélienne n’ont toujours pas été élargies contrairement aux accords de cessez-le-feu signés après la guerre de l’été dernier. Les hôpitaux, les écoles, le système d’égouttage, des stations d’épuration, la centrale électrique et d’autres infrastructures touchées par l’armée israélienne sont dans un état de délabrement qui met en danger la santé, le droit à l’éducation, le développement et tout simplement la vie des habitants.
Israël fait la sourde oreille
Des organisations internationales ont condamné un nombre incalculable de fois le blocus et le fait qu’il constitue une punition collective de la population palestinienne. Israël fait la sourde oreille, sans qu’aucune réelle pression ne soit exercée à son égard. La politique israélienne qui vise à séparer Gaza de la Cisjordanie est toujours en vigueur et fragmente profondément le territoire palestinien occupé autant que la société palestinienne.
Alors que les rapports d’experts se succèdent, soulignant les uns après les autres la situation d’extrême urgence dans laquelle se trouve la bande de Gaza, la communauté internationale reste les bras croisés. Avec l’impunité qu’elle octroie à Israël et son inaction face au blocus, elle a une lourde responsabilité dans l’avenir de cette prison à ciel ouvert.
En conséquence, nous, membres de la société civile belge, appelons notre gouvernement à :
• agir aux niveaux national, européen et international pour mettre fin au blocus illégal de Gaza;
• agir en vue de mettre fin à l’impunité qui prévaut à Gaza et en Israël. Il est essentiel que des comptes soient rendus pour les violations avérées du droit international humanitaire. La Belgique doit soutenir chaque démarche qui tend à cet objectif et garantir que les violations des droits humains ne se répètent plus;
• agir pour mettre fin à la politique israélienne de séparation drastique des entités palestiniennes et pour maintenir l’intégrité territoriale de la Palestine;
relancer les négociations du Caire afin de reconstruire Gaza;
• suspendre immédiatement les transferts d’armes ou de munitions vers Israël (c’est déjà le cas pour les groupes armés à Gaza) vu le risque majeur de voir ces armes servir à des violations du droit international humanitaire. La Belgique doit garantir que la suspension du transfert des armes sera respectée au niveau européen en accord avec la position commune sur les transferts des armes du Conseil de l’Union européenne.
(*)
Liste signataires CARTE BLANCHE GAZA
AADEL Mohamed, Secrétaire générale de l’Association Marocaine des Droits Humains
ABRAMOWICZ Marco, Président Paix Juste au Proche-Orient - Ittre
AL DAMIRI Hamdan, Coordinateur de la Communauté palestinienne
AMER Noura, Présidente d' AWSA-BE
BACHIR Hafida, Présidente de Vie féminine
COHEUR Alain, Président de Solidarité socialiste
DE BRABANDER Ludo, Porte-parole de Vrede vzw
DECLERQ Stefaan, Secrétaire général Oxfam solidarité
DE CEUCKELAIRE Wim, Directeur Médecine pour le Tiers Monde (M3M)
DEFOSSE Guillaume, Président de la CNAPD
DEKKERS DANIEL, Coordinateur Groupe Proche Orient Santé
DESWAEF Alexis, Avocat inscrit sur la liste des conseils à la Cour Pénale Internationale
EL HADJALI Fethi, Président de la Société Civile Tunisienne en Belgique
FRERES Geneviève, Membre du comité organisateur de Via Vélo Palestina
GALAND Pierre, Président de l'Association belgo-palestinienne
GOBLET Marc, Secrétaire général FGTB
GIELEN Annemarie, Secrétaire générale Pax Christi Vlaanderen
GRAUWELS Anne, Co-président de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique
HERIJGERS Lieve, Directrice de Broederlijk delen
INGABIRE Esther, Co-présidente Ecolo J
KUNSCH Christian, Président du Mouvement Ouvrier Chrétien
LE PAIGE Charlie, Président de COMAC
LOOTENS Paul, Président de la Centrale Générale-FGTB
MAYER Cathy, Présidente de Solidarity with bedouins
MOTTART Anne, Coordination PJPO Brabant wallon
POLANCO Paula, Présidente Intal
SNOY Odette, Coordinatrice PJPO Braine l’Alleud
SURLEAU Dominique, Secrétaire générale du PAC
Dr. TOPOLSKI Anya & SHACHAR Itamar, Coordinateurs de DEen Andere Joodse Stem
VANDEN BERGHE Bogdan, Directeur général de 11.11.11 (nl)
VANDENCAN Myriam, Présidente de Palestina Solidariteit
VANDEWALLE Annushka, Secrétaire générale de FOS-socialistische solidariteit
VANHOORNE Michel, Coordinateur du Forum Gauche Ecologie
VANMOL Chris, Secrétaire ACV Brussel Halle Vilvoorde
VAN RAEMDONCK Dan, Secrétaire général de la FIDH
VANDER HEYNDEN Jean louis , Président d’Agir pour la paix
VIVIEN Renaud, Co-secrétaire général du CADTM-Belgique
WAJNBLUM Henri, rédacteur en chef de Points critiques
ZACHARIE Arnaud, Secrétaire générale du C.N.C.D/11.11.11
Une opinion d'un collectif de la société civile (voir les principaux signataires ci-dessous*).
Il y a un an, le gouvernement israélien y lançait l’opération "Bordure protectrice". Aujourd’hui, face à la situation d’extrême urgence dans la bande de Gaza, la communauté internationale ne peut plus rester les bras croisés.
Il y a un an, le gouvernement israélien lançait l’opération Bordure protectrice sur la bande de Gaza, prétendant agir en réponse aux tirs des roquettes et mortiers des groupes armés palestiniens vers Israël. Bilan de l’attaque : 2 132 Palestiniens (dont 70 % de civils) et 71 Israéliens (dont 9 % de civils) ont perdu la vie. A Gaza, un quart de la population a été déplacé, des quartiers entiers ont été rasés, 75 hôpitaux et 270 écoles ont été endommagés et 18 000 habitations ont été détruites laissant plus de 100 000 personnes sans abri. Un bilan si désastreux qu’une organisation de l’Onu déclarait que la reconstruction prendrait 20 ans.
Dans les conclusions de son rapport de juin dernier, la commission chargée par le Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu d’enquêter sur les violations du droit international commises durant Bordure protectrice évoque un "niveau de dévastation sans précédent" à Gaza. La commission souligne que des violations du droit international humanitaire - et potentiellement des crimes de guerre - ont été commises par Israël et les groupes armés à Gaza. La disproportion en termes de puissance militaire est néanmoins évidente. Comme le souligne la commission, les nombreuses attaques menées par l’armée israélienne contre des quartiers résidentiels ou densément peuplés alors qu’il était clair que l’impact sur les populations civiles serait désastreux sembleraient s’inscrire dans une doctrine militaire, approuvée au plus haut niveau du gouvernement israélien.
Depuis plusieurs années, les opérations militaires israéliennes se succèdent (Plomb durci en 2008, Pilier de défense en 2011, Bordure protectrice en 2014) et leur bilan est de plus en plus lourd. Durant les hostilités, on constate une véritable érosion des règles de base du droit international humanitaire. L’utilisation d’armes explosives par l’armée israélienne dans des zones urbaines densément peuplées a augmenté de façon exponentielle. L’emploi massif de bombes aériennes et d’artillerie lourde démontre une indifférence choquante pour le sort de la population civile à Gaza. En même temps, la croissance progressive de la portée des roquettes des groupes armés à Gaza met un plus grand nombre de civils israéliens en danger. Aujourd’hui, à Gaza, un enfant de 7 ans aura subi 3 opérations militaires de grande ampleur. Les seules constantes qu’il aura connues sont le blocus, l’impunité d’Israël, les pertes civiles, les destructions et aucun espoir d’une vie digne et sûre à l’avenir.
Blocage des fonds pour la reconstruction
Après l’opération Bordure protectrice, une conférence internationale s’est tenue au Caire afin de réunir les bailleurs de fonds pour la reconstruction de Gaza. Au jour d’aujourd’hui, seuls 27 % des 3,5 milliards déjà levés ont été débloqués. Les questions sous-jacentes au blocage des fonds sont cyniques : pourquoi refinancer des infrastructures qui pourraient être détruites dans les prochains mois? Comment investir dans la reconstruction alors que ce sont les mesures de restrictions sévères imposées par Israël qui empêchent la reconstruction ?
La situation d’extrême urgence de la bande de Gaza n’est pas uniquement liée aux attaques à répétition. Depuis 8 ans, la population gazaouie vit sous blocus israélien. Or il s’agit d’un des territoires les plus densément peuplés du monde. Durant les attaques, il n’y a pas d’abri où se réfugier. Et après les attaques, la reconstruction est quasi impossible. En dehors des attaques, et en conséquence de l’enfermement, l’économie est dévastée, le taux de chômage est de 47% tandis que 80 % des habitants vivent grâce à l’aide alimentaire internationale. L’activité industrielle est au point mort, le fonctionnement des hôpitaux dépend de l’acheminement de l’essence des groupes électrogènes, l’exportation de produits issus de l’agriculture est impossible et les zones de pêche autorisées par l’armée israélienne n’ont toujours pas été élargies contrairement aux accords de cessez-le-feu signés après la guerre de l’été dernier. Les hôpitaux, les écoles, le système d’égouttage, des stations d’épuration, la centrale électrique et d’autres infrastructures touchées par l’armée israélienne sont dans un état de délabrement qui met en danger la santé, le droit à l’éducation, le développement et tout simplement la vie des habitants.
Israël fait la sourde oreille
Des organisations internationales ont condamné un nombre incalculable de fois le blocus et le fait qu’il constitue une punition collective de la population palestinienne. Israël fait la sourde oreille, sans qu’aucune réelle pression ne soit exercée à son égard. La politique israélienne qui vise à séparer Gaza de la Cisjordanie est toujours en vigueur et fragmente profondément le territoire palestinien occupé autant que la société palestinienne.
Alors que les rapports d’experts se succèdent, soulignant les uns après les autres la situation d’extrême urgence dans laquelle se trouve la bande de Gaza, la communauté internationale reste les bras croisés. Avec l’impunité qu’elle octroie à Israël et son inaction face au blocus, elle a une lourde responsabilité dans l’avenir de cette prison à ciel ouvert.
En conséquence, nous, membres de la société civile belge, appelons notre gouvernement à :
• agir aux niveaux national, européen et international pour mettre fin au blocus illégal de Gaza;
• agir en vue de mettre fin à l’impunité qui prévaut à Gaza et en Israël. Il est essentiel que des comptes soient rendus pour les violations avérées du droit international humanitaire. La Belgique doit soutenir chaque démarche qui tend à cet objectif et garantir que les violations des droits humains ne se répètent plus;
• agir pour mettre fin à la politique israélienne de séparation drastique des entités palestiniennes et pour maintenir l’intégrité territoriale de la Palestine;
relancer les négociations du Caire afin de reconstruire Gaza;
• suspendre immédiatement les transferts d’armes ou de munitions vers Israël (c’est déjà le cas pour les groupes armés à Gaza) vu le risque majeur de voir ces armes servir à des violations du droit international humanitaire. La Belgique doit garantir que la suspension du transfert des armes sera respectée au niveau européen en accord avec la position commune sur les transferts des armes du Conseil de l’Union européenne.
(*)
Liste signataires CARTE BLANCHE GAZA
AADEL Mohamed, Secrétaire générale de l’Association Marocaine des Droits Humains
ABRAMOWICZ Marco, Président Paix Juste au Proche-Orient - Ittre
AL DAMIRI Hamdan, Coordinateur de la Communauté palestinienne
AMER Noura, Présidente d' AWSA-BE
BACHIR Hafida, Présidente de Vie féminine
COHEUR Alain, Président de Solidarité socialiste
DE BRABANDER Ludo, Porte-parole de Vrede vzw
DECLERQ Stefaan, Secrétaire général Oxfam solidarité
DE CEUCKELAIRE Wim, Directeur Médecine pour le Tiers Monde (M3M)
DEFOSSE Guillaume, Président de la CNAPD
DEKKERS DANIEL, Coordinateur Groupe Proche Orient Santé
DESWAEF Alexis, Avocat inscrit sur la liste des conseils à la Cour Pénale Internationale
EL HADJALI Fethi, Président de la Société Civile Tunisienne en Belgique
FRERES Geneviève, Membre du comité organisateur de Via Vélo Palestina
GALAND Pierre, Président de l'Association belgo-palestinienne
GOBLET Marc, Secrétaire général FGTB
GIELEN Annemarie, Secrétaire générale Pax Christi Vlaanderen
GRAUWELS Anne, Co-président de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique
HERIJGERS Lieve, Directrice de Broederlijk delen
INGABIRE Esther, Co-présidente Ecolo J
KUNSCH Christian, Président du Mouvement Ouvrier Chrétien
LE PAIGE Charlie, Président de COMAC
LOOTENS Paul, Président de la Centrale Générale-FGTB
MAYER Cathy, Présidente de Solidarity with bedouins
MOTTART Anne, Coordination PJPO Brabant wallon
POLANCO Paula, Présidente Intal
SNOY Odette, Coordinatrice PJPO Braine l’Alleud
SURLEAU Dominique, Secrétaire générale du PAC
Dr. TOPOLSKI Anya & SHACHAR Itamar, Coordinateurs de DEen Andere Joodse Stem
VANDEN BERGHE Bogdan, Directeur général de 11.11.11 (nl)
VANDENCAN Myriam, Présidente de Palestina Solidariteit
VANDEWALLE Annushka, Secrétaire générale de FOS-socialistische solidariteit
VANHOORNE Michel, Coordinateur du Forum Gauche Ecologie
VANMOL Chris, Secrétaire ACV Brussel Halle Vilvoorde
VAN RAEMDONCK Dan, Secrétaire général de la FIDH
VANDER HEYNDEN Jean louis , Président d’Agir pour la paix
VIVIEN Renaud, Co-secrétaire général du CADTM-Belgique
WAJNBLUM Henri, rédacteur en chef de Points critiques
ZACHARIE Arnaud, Secrétaire générale du C.N.C.D/11.11.11
Ce matin-là à Al Araqib, on détruit le village
Les villages bédouins situés dans le désert du Négev/Naqab et non reconnus par les autorités israéliennes sont régulièrement détruits.
Lundi 21 avril. Comme d’habitude, les habitants du village se sont levés tôt. Tout était alors tranquille. Vers 6h30, branle-bas de combat, l’alerte est donnée : "Ils" sont là. Trois voitures blanches sont postées à l’entrée du village et bouclent la zone, phares allumés. Ni une ni deux, il faut tout sortir des "maisons". Les femmes et les enfants pas vraiment bien réveillés courent avec des matelas, des couvertures, des paniers de légumes, la bonbonne de gaz, les chaises en plastique. Les bras chargés, ils vont tout déposer entre les tombes du cimetière qui est à quelques dizaines de mètres à peine. Les plus jeunes sont déjà installés sur les caveaux. C’est le seul endroit où "ils" n’interviendront pas. Au bout d’une vingtaine de minutes les habitations sont vides et les tombes sont garnies des objets les plus hétéroclites.
Le convoi envoyé par l’armée israélienne pour démolir les maisons entre dans le village, les véhicules s’arrêtent devant chaque habitation, soldats à l’avant-poste, mitraillette pointée vers les habitants qui se sont réfugiés, eux aussi, entre les tombes du cimetière. Les bulldozers entrent en action : la démolition durera une trentaine de minutes. Les habitants restent dignes, certains filment la scène avec leur GSM, sans un mot, sans un cri. Les enfants regardent, ils semblent étrangers à ce qui se passe. C’est l’habitude, une sorte de fatalité. A la fin de la démolition, quelques femmes craquent et se mettent à hurler vers les soldats impassibles. Le "travail" terminé, des officiels en uniforme ont remis à Aziz, le responsable du village, une grosse enveloppe, et le convoi est reparti, en rang serré, sans doute vers un autre village.
A l’entrée du cimetière, une femme pleure. Sa fille Alia, 15 ans, la console comme elle peut. Les enfants s’éloignent des tombes et déambulent parmi les décombres pour voir s’il reste quelque chose à récupérer. Il n’y a évidemment plus rien. Le terrain a été nivelé par les bulldozers et des pelletées de terre ont recouvert l’emplacement des logements. Tout est plat. C’est impressionnant. Et puis très vite la vie reprend. Avec son minibus, Selim, le père de famille conduit tous les enfants chez son frère à Rahat, la ville de regroupement des Bédouins toute proche. Là, ils vont pouvoir se laver avant d’aller à l’école. De retour à Al Araqib, les hommes ont déjà commencé à reconstruire les maisons démolies avec du bois, des tôles, du plastique et des parpaings, juste à côté des gravats.
Jeu absurde, violence et injustice
Le soir, le silence règne dans le village, personne ne parle, j’ai l’impression d’avoir été le témoin impuissant d’un jeu vidéo de mauvais goût, le genre de jeu qu’on interdit à ses enfants, parce que la violence y est gratuite et l’injustice insupportable. Un jeu absurde où les perdants sont des femmes, des enfants, des familles épuisées par des années de lutte pour faire reconnaître leurs droits. Et moi, je ne peux rien faire d’autre que prendre les enfants dans mes bras et promettre que je raconterai tout ce que j’ai vu.
Ce lundi-là, Al Araqib subissait la quatre-vingt-troisième démolition depuis 2010. C’est de cette région qu’est partie la marche d’un groupe de résistants, de militants et de députés arabes : cent kilomètres à pied pour rejoindre Jérusalem et tenter de rencontrer des responsables politiques et sensibiliser l’opinion à la demande de reconnaissance des villages bédouins non reconnus du Néguev/Naqab menacés de destruction par le plan Shamir. Petit à petit le village s’est vidé de ses habitants. Il comporte encore aujourd’hui vingt-deux familles. Elles se sont réfugiées dans le cimetière, crée en 1914, pensant que de cet endroit elles ne seraient pas délogées.
C’est en VTT que notre groupe parti de Belgique a relié pour la troisième fois quelques-uns des 45 villages non reconnus regroupés dans la région de Beer Sheva, encadré par des habitants d’Al Araqib et des membres du "Regional Council of Unrecognized Villages" qui porte leur voix auprès des autorités et des médias. Le village se trouvait dans une région de collines où les autorités israéliennes ont rasé les oliviers et planté des pins et des eucalyptus financés par le Fonds national juif. Celui-ci, sous des prétextes écologiques, a organisé une récolte de fonds pour faire "verdir le désert, symbole fort dans l’histoire d’Israël", et créé "la Forêt des Ambassadeurs" pour marquer le fait que les ambassadeurs de nombreux pays furent invités à venir y planter un arbre (parfois à leur insu !).
Bédouins, citoyens de seconde zone
Les autorités ne reconnaissent pas l’existence d’Al Araqib, pas plus que les quarante-quatre autres implantés dans le Nord du désert du Négev/Naqab, dans un triangle formé par trois routes, nommé "triangle Siyag". Cette non-reconnaissance justifie à leurs yeux la confiscation des terres et la destruction des villages pour y établir ici une base aérienne militaire, là un village destiné aux Falashas (les juifs noirs venus d’Ethiopie) ou une zone d’exploitation touristique.
Citoyens israéliens de seconde classe, les Bédouins, bien que tenus de remplir les mêmes devoirs que les citoyens israéliens de confession juive (toutefois sans l’obligation du service militaire) et de payer les mêmes taxes, ne jouissent pas des mêmes services et des mêmes droits. La non-reconnaissance de leurs titres de propriétés qui datent de l’époque ottomane justifie pour les autorités le refus de les laisser vivre sur les terres qui leur appartiennent et de leur fournir les services de base tels l’adduction de l’eau, l’électricité, la construction de routes et d’écoles, des services de sécurité, de santé, etc. Le gouvernement israélien cherche à les regrouper dans des villes créées à cet effet, qui les coupent de leur mode de vie traditionnel et ancestral. Ces townships sont les villes les plus pauvres d’Israël, sans industrie et sans perspective d’emploi, comptant le taux de chômage et de délinquance juvénile le plus haut du pays. D’autres résistent, refusent de partir et de quitter les terres sur lesquelles ils vivent depuis toujours selon leur culture qui y trouve sa source.
Au nom de la modernité ces villages sont privés d’eau, d’électricité, de routes, d’écoles, de centres de santé. Les Bédouins subissent spoliations, destructions, expulsions, vexations, humiliations et injustices qui ne respectent ni leurs droits en tant que citoyens israéliens, ni les droits humains élémentaires tels que définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans les grands traités internationaux relatifs aux droits humains. La "Naqba" (en arabe, la catastrophe) qui chassa de leur terre 800 000 Palestiniens en 1948 n’est à ce jour pas terminée.
(1) Marc Abramowicz, Catherine Bourgois, Violaine De Clerck, Eric Depratere, Bea Diallo, Zeger De Henau, Selemette Debza, Corentin Dussart, Ruth Flikschuh, Lieve Franssen, Colette Godfrin, Idriss Goossens, Patrick Goossens, Ann G., Michel Heinis, Guy Laloire, Philippe Lauwers, Cathy Mayer, Jean-Louis Mignot, Monique Munting, Dominique Mussche, Raymond Saublains, Marie-Noëlle Stassart, Henk Termote, Léon Tillieux, Vincent Timmermans, Christine van Nieuwenhuyse, Yves Wathelet.
Publié le mardi 18 août 2015 dans La Libre
Inscription à :
Articles (Atom)
Les enfants brûlés de Gaza
Par Sylvain George Cinéaste jeudi 10 juillet 2025 AOC International Anéantir non seulement les corps des enfants, des femmes, des hommes,...
-
Par Hervé Amiot les clés du Moyen-Orient https://static.lesclesdumoyenorient.com/Eau-et-conflits-dans-le-bassin-du-Jourdain.html Publié le...
-
Par Emile Bouvier Les Clés du Moyen-Orient Publié le 12/01/2024 Lire la partie 1 Extraits III. La colonisation, au cœur du conflit israélo...
-
1. Plaider la paix reste difficile En ces temps troublés, la voix des Israéliens prônant la fin des combats est inaudible. Aude Mar...